Les barrages sur la Vltava

La grande crue quitte la Bohême mais les grandes questions qu'elle a suscitées, restent. On se demande surtout maintenant ce qu'il fallait faire pour prévenir la catastrophe et on cherche des coupables. Vaclav Richter.

D'après les hydrologues, la crue qui a déferlé la semaine dernière sur Prague a atteint un niveau qui n'arrive qu'une fois tous les cinq cents ans. Sur le lac artificiel d'Orlik, plus haut à contre-courant de la rivière, c'était, paraît-il, une crue qui ne vient qu'une fois tous les dix millénaires. Pouvait-on faire dans ces circonstances quelque chose de plus pour préserver la population et le paysage des conséquences catastrophiques d'un tel déluge?

On s'interroge surtout aujourd'hui sur le rôle qu'a joué dans cette situation le système des ouvrages hydrauliques qui jonchent pratiquement tout le cours de la Vltava, depuis la source dans le massif de Sumava jusqu'à Prague, système appelé communément la cascade de la Vltava. Neuf barrages qui coupent le cours de la rivière, forment des lacs artificiels pouvant retenir près d'un milliard de mètres cubes d'eau, mais on estime en général que le volume que le lit de la Vltava devait drainer lors de la dernière crue était 3 milliards de mètres cubes. La cascade a été construite entre les années 30 et 90 du siècle dernier surtout pour produire l'énergie électrique et, en partie, pour servir de réservoirs d'eau. Son rôle dans la lutte contre les inondations était considéré comme secondaire. Selon les hydrologues, elle ne peut préserver la Bohême que des inondations qui viennent une fois par vingt ans et son efficacité dans les inondations est surestimée. Cet avis cependant ne fait pas l'unanimité. Les critiques disent qu'il fallait évacuer à temps l'eau des barrages et que cette réserve pourrait retenir une quantité d'eau importante et prévenir beaucoup de dégâts. Ils rappellent dans ce contexte qu'en 1954, le barrage de Slapy qui venait d'être achevé mais était encore vide, a sauvé Prague de la plus grande crue sur la Vltava au 20ème siècle.

Ce débat ne fait que commencer mais il est déjà évident qu'on sera obligé de se pencher sur le rôle des barrages en cas d'inondations et de réviser probablement tout le système qui ne permet pas l'évacuation des eaux des barrages au-delà d'une certaine limite. Depuis des siècles on cherche à dompter la Vltava qui est pourtant un des symboles nationaux tchèques. Il semble que le rapport des Tchèques à la rivière dont la beauté a inspiré tant d'artistes mais qui sait se faire aussi très dangereuse, entre dans une nouvelle étape.