Quelques prospectives pour l'an 2003
Si la fin de l'année est le temps des bilans, le début de l'année est le temps des prospectives. Autant au plan individuel on fait appel aux astres pour entrevoir ce que peut cacher l'année, autant en économie, on fait appel aux experts, pour se faire une idée de l'année. Voilà l'objet de cette émission.
Au centre de l'intérêt dans cette prospective aura été l'augmentation du coût de la vie. Là-dessus, on peut dire que les nouvelles sont bonnes. Théoriquement, le coût de la vie augmentera en 2003 de 2% seulement. C'est évidemment un défi qui ne saurait tenir qu'au prix d'un équilibre monétaire et par conséquent une retenue en matière des salaires. Et voilà le revers de la médaille.
Car, comme on peut s'y attendre, l'interminable bataille des salaires ne s'arrête pas au seuil de 2002. On peut même dire qu'elle continue de plus belle. Dans certains secteurs ou grandes entreprises, les salariés ont déjà obtenu une augmentation. C'est le cas, notamment, dans l'énergie en Moravie : 6,5%, dans les mines de la Bohême du nord : 6%, et, dans le secteur public : 7%.
Ailleurs, la lutte s'annonce dure. Les entreprises qui ont la vie de plus en plus difficile, en raison de la concurrence sur les marchés national et international, ont tendance à vouloir geler les salaires, d'autant que la couronne tchèque, trop forte, n'arrange pas les choses à l'exportation. De plus, c'est l'Etat lui-même qui donne le ton, puisque, en augmentant les fonctionnaires, il a conforté les syndicats du privé dans leur intransigeance. Ils se trouvent un peu dans l'obligation de faire au moins autant que lui.
L'arbitrage de la Banque nationale tchèque ne s'est pas fait attendre. Par crainte de l'inflation, elle demande une certaine rentenue dans l'augmentation des salaires et conseille un plafond d'augmentation de 5%. Le syndicat demande 7%, la même chose que pour le secteur public, et se considère sur la même longueur d'onde que la banque nationale, puisque ces 7% ne seraient, en raison des 2% de l'augmentation des prix, que 5% réels. Et ce n'est pas qu'un simple jeu de mots. Certains syndicalistes croient à cette acrobatie.
Le fait est que, plus la loi du marché occupe l'espace industriel et commercial, plus les conflits sociaux s'aiguisent dans une espèce de chacun pour soi et Dieu pour tous.
Chacun pour soi et Dieu pour tous. Cela ne saurait s'illustrer au mieux qu'avec les revendications salariales des commandants de bord et pilotes de la compagnie aérienne tchèque, CSA. L'année dernière encore, ils obtenaient, au terme d'un bras de fer avec la direction, une augmentation de 13%. Entre temps, la CSA s'est mise en association dans le fameux groupe Sky Team, ce qui n'a pas manqué de donner des idées à ses pilotes. Se voyant moins rémunérés que leurs petits camarades des autres compagnies du groupe, ils trouvent normal de demander, cette année, une augmentation, qui, pour être juste à leurs yeux, devrait être de 100%. Le problème est que le salaire moyen actuel des pilotes de la CSA fait 5 fois le salaire moyen en Tchéquie. Avec une augmentation de 100%, il va falloir à un cadre moyen d'entreprise travailler 10 mois pour toucher le salaire mensuel d'un pilote.
Sur terre, les syndicats demandent tout au plus 10% selon les secteurs, et la bataille continue.
A côté de la bataille des salaires, il y a la bataille des prix. Les hypermarchés ont déjà ouvert le ban. Dès le mois de janvier, la diminution des prix est allée jusqu'à 75% par rapport aux prix affichés pour les fêtes. L'effet ne s'est pas fait attendre, certains hypermarchés ont doublé les recettes.
Ce qui est intéressant, voire curieux, est que ces rabais suicidaires touchent des produits recherchés pour la saison comme les équipements sportifs d'hiver, les vêtements chauds, à quoi s'ajoutent les jouets. Mais c'est toute une stratégie qui veut qu'on ne jette pas tous ses moyens dans la bataille. Le temps de liquider les marchandises soldées, et ça sera au tour du matériel électronique et de l'ameublement, dit-on.
Finie donc la belle époque. Les soldes du début de l'année existaient en Tchéquie depuis pas mal de temps. Mais les entreprises, peinardes, n'avaient pas intérêt à trop les ébruiter et maintenaient les prix pour qui voudrait se servir. Jusqu'au moment où les hypermarchés sont venus leur déclarer la guerre. Car il s'agit d'une ruse de guerre. Les hypermarchés n'accordent les grands soldes que sur une catégorie restreinte de marchandises. Une fois le client sur place, il prend autre chose. Et ainsi, ils parviennent à augmenter leurs ventes, à dégager l'espace pour les arrivages printaniers, et à vendre à prix normal des produits condamnés à moisir dans les petits magasins.
Les banque non plus ne sont pas épargnées et se posent au début de cette année en va-t-en-guerre. Elles parlent de rendre plus effectifs leurs services et les multiplier. Un accent plus important sera porté sur les services aux petites et moyennes entreprises jusqu'à présent négligées, il est vrai. Mais là encore, la lutte sera ardue, car les banquiers parlent déjà de faire du porte-à-porte. Avec l'intégration de la législation européenne, la nouvelle donne est la pleine libéralisation du marché. Certains financiers estiment que la Banque nationale tchèque diminuera à coup sûr le taux de réescompte pour baisser le taux d'intérêt et favoriser la croissance.
Mais d'autres ne partagent pas ce point de vue et rappellent que tout dépendra désormais de la Banque européenne, éventuellement même la banque centrale des Etats-Unis. En revanche, les banques augmenteraient le prix du service au guichet pour limiter au maximum le contact direct avec la clientèle et réduire, par conséquent, leurs dépenses. La préférence ira de plus en plus à l'Internet et au téléphone.
On prévoit aussi, lors de l'année 2003, une légère diminution de l'afflux touristique en Tchéquie. Les raisons en seraient notamment la guerre en Irak, le terrorisme, mais aussi la récession en Allemagne. C'est une tendance générale dans le monde, à laquelle la Tchéquie ne fera pas exception, selon les experts. Il y aurait deux évolution possibles. Si la guerre en Irak est évitée, et qu'il n'y a pas de catastrophe naturelle majeure, la tendance à la diminution du flux touristique en Tchéquie continuera tout de même en 2003, mais dans des proportions de 10 à 15% seulement. Si, au contraire, l'un des événements redoutés se produit, la situation se dégradera davantage. Les spécialistes du marché de la devise se prononcent dans le même sens. Le marché de la devise a rapporté, l'an dernier, quelque 100 milliards de couronnes contre 118 milliards en l'an 2001. Dans tous les cas de figure, disent les experts, le tourisme restera le premier marché mondial, avec 463 milliards de dollars.