Chroniques de l'actualité économique tchèque

Photo: Barbora Kmentová

Les prix augmentent, le salaire minimum (un peu) aussi. Le gouvernement veut limiter les aides au secteur des énergies renouvelables. L’Etat va aider les jeunes sans expérience à la recherche d'un emploi.

Les prix augmentent, le salaire minimum (un peu) aussi

Photo: Barbora Kmentová
Alors que l’économie tchèque connaît la plus longue récession de son histoire récente, se traduisant par des chiffres importants du chômage, les Tchèques doivent de plus faire face à une inflation non négligeable qui réduit leur pouvoir d’achat. La semaine dernière, l’Office tchèque des statistiques publiait ainsi des données identifiant une (nouvelle) hausse des prix des carburants.

Surtout, c’est en République tchèque que le prix des aliments a le plus augmenté en Europe l’an passé. Selon le Bureau de l’information et de l’économie agraire, les denrées sur les étals tchèques ont ainsi subi une hausse moyenne de 7% en 2013. Des prix qui devraient croître à nouveau cette année mais de façon plus modérée et ce principalement pour deux raisons. Les agriculteurs s’attendent en effet à des récoltes médiocres après un printemps froid. Plus localement, les inondations en Bohême au mois de juin devraient également avoir un impact négatif. Ensuite, la République tchèque est dépendante de certaines importations de matières premières, qui ont été également tendance à être plus chers cette année.

Dans le même temps, le gouvernement de Jiři Rusnok a décidé d’une augmentation de 500 couronnes (près de 20 euros) du salaire minimum tchèque, une mesure entreprise par le cabinet précédent, celui de Petr Nečas, mais que celui-ci n’avait pourtant pas voulu entériner alors que syndicats et patronat étaient tombés d’accord à son sujet. Le salaire minimum, qui n’avait pas été réévalué depuis 2007, s’établira donc à 8 500 couronnes (environ 320 euros) dès le mois prochain. Professeur dans une école d’économie pragoise, Daniel Münich estime que cette majoration insignifiante n’aura quasiment pas d’effets :

« L’économie n’aime pas subir de grands chocs : s’en tenir six ans à un certain paramètre et devoir le changer subitement. Il est préférable d’avoir des changements graduels. Mais je pense que l’effet de cette mesure sera très très faible et qu’elle ne sera pas même observable dans les statistiques. Cette hausse est relativement faible et le niveau du salaire minimum reste en République tchèque l’un des plus faibles d’Europe. »

120 000 personnes, c’est-à-dire 3% de la population active seulement, vont bénéficier de cette légère augmentation, qui devait dans un premier temps atteindre 1 000 couronnes, d’un salaire minimum qui reste trop peu élevé pour faire face au coût de la vie. Quelques esprits chagrins comme celui de l’ancien ministre des Finances, le conservateur Miroslav Kalousek, s’inquiètent toutefois du fait que cette mesure pourrait conduire certains chefs d’entreprise à des licenciements.

Ancien ministre social-démocrate et euro-commissaire aux Affaires sociales, Vladimir Spidla ne partage pas cet avis. Il rappelle que la société tchèque fonctionne sur le principe que le travail mérite une rémunération décente. Ainsi cette légère hausse du salaire minimum contribue à lutter contre un phénomène qui s’est développé ces dernières années en République tchèque, celui des travailleurs pauvres, ces gens qui ont un emploi mais qui vivent pourtant en-dessous du seuil de pauvreté. 18% des actifs tchèques entreraient dans cette catégorie. Vladimir Spidla explique :

« Le salaire minimum a un effet plutôt marginal sur cette question de savoir si des entreprises vont devoir licencier. Il s’agit plus sûrement d’une question culturelle d’éthique. Le travail doit permettre aux gens de vivre et de se trouver dans des situations meilleures qu’avec des allocations sociales. Et c’est aussi une question sociale car cela est prouvé et il n’y a de débat en la matière : le salaire minimum incite des personnes à investir le marché de l’emploi plus que s’il n’existait pas. Ceux qui ne sont pas sur ce marché de l’emploi doivent d’une façon ou d’une autre trouver de quoi vivre. Soit ils effectuent un travail non-déclaré, ce qui est immoral et va à l’encontre de la société, soit ils perçoivent des allocations. »

Vladimir Spidla remarque également que les personnes qui ont un emploi paye des cotisations sociales. En République tchèque, le salaire minimum correspond à 32% du salaire moyen, le taux le plus faible d’Europe. Alors que le coût de la vie augmente, vivre dignement avec 8 500 couronnes par mois n’est pas un jeu d’enfant.

Le gouvernement veut limiter les aides au secteur des énergies renouvelables

Photo: Miloš Turek
Le gouvernement de Jiří Rusnok s’annonce aussi peu porté sur l’écologie que son prédécesseur. Alors que des pays comme l’Allemagne font le pari de la transition énergétique, qui, bien que coûteuse, est génératrice de milliers d’emplois et ouvre la voix vers un développement plus propre et respectueux de l’environnement, la République tchèque envisage quant à elle de limiter les aides au secteur des énergies renouvelables.

En ce sens, un texte de loi validé par le gouvernement propose que les nouveaux projets dans les domaines du solaire et du biogaz ne soient plus aidés à partir de janvier 2014, ceux ayant trait à l’hydraulique ou à l’éolienne l’année suivante. Dans le même temps, les subventions accordées avant ces dates seraient plafonnées.

Le spectre politique dans son ensemble apparaît à l’unisson sur la question prenant acte des plaintes émanant des industriels, lesquels dénoncent « des subventions qui nuiraient à la concurrence ». Les professionnels du photovoltaïque eux-mêmes accueillent cette mesure annoncée depuis quelques mois sans broncher à l’image de Tomas Baroch, expert au sein de l’Association photovoltaïque tchèque :

« Je pense que les investisseurs, comme les entreprises de montage et comme les fabricants de composants de panneaux photovoltaïques, sont préparés à franchir cette étape. Au moins, ils sont conscients de ce changement et l’attendent. Pour ma part, je suis certain que cela ne signifie pas la fin des installations de centrales photovoltaïques en République tchèque. »

Le secteur photovoltaïque tchèque, le quatrième plus important en Europe, ne jouit pas d’une image flamboyante. La mauvaise utilisation des subventions a conduit à une surévaluation du prix d’achat de l’électricité produite par les centrales photovoltaïques. Les consommateurs ont évidemment dû en supporter le surcoût, une perte estimée à 40 milliards d’euros !

Mais ce projet de loi ne se contente pas de couper les vivres à l’énergie solaire mais bien à toutes les énergies renouvelables. Et c’est la que le bât blesse. Les écologistes accusaient déjà le gouvernement de Petr Nečas, de prendre prétexte de la gestion discutable des fonds destinés au photovoltaïque pour supprimer les aides aux énergies propres. Les députés n’exprimant eux pas de réserves vis-à-vis de ce texte, le ministère de l’Industrie souhaite le faire adopter en première lecture à la Chambre basse de l’Assemblée.

L’Etat va aider les jeunes sans expérience à la recherche d'un emploi

Photo: Archives de Radio Prague
L’Etat veut soutenir les entreprises qui emploient des jeunes fraîchement diplômés et ne disposant donc pas d’expérience. Les employeurs exigent bien souvent de leurs potentielles recrues qu’elles aient déjà travaillé dans leur domaine d’activité. Et il est parfois difficile pour les personnes sortant de leurs études et ne pouvant justifier d’une telle expérience de trouver un emploi. Les Bureaux du travail (l’équivalent tchèque de Pôle emploi) connaissent bien ce problème, eux qui voient affluer un nombre conséquent de demandeurs d’emploi en septembre, quand, une fois les vacances terminées, de jeunes diplômés viennent se lancer dans le bain de la vie active. 140 000 personnes de moins de 30 ans se trouvent ainsi actuellement au chômage.

Pour les aider, l’Etat pourrait aller jusqu’à payer l’intégralité de leur salaire, jusqu’à 24 000 couronnes toutefois. C’est un projet du ministère des Affaires sociales, portefeuille désormais aux mains de František Koníček dans le gouvernement de Jiří Rusnok. Pour peu que les employés donnent un travail complet à un jeune, le salaire de ce dernier pourrait être payé par l’Etat durant six mois voire un an. Une enveloppe de 1,034 milliards de couronnes (près de 40 millions d’euros) est prête pour financer ce dispositif. 85% proviendrait du Fonds social européen et le reste du budget tchèque.

Tout le monde ne pourra cependant pas profiter de ce soutien et ce sont les Bureaux du travail qui choisiront les heureux bénéficiaires en lien avec les employeurs. Il devra s’agir de jeunes inscrits au chômage depuis au moins quatre mois et n’ayant pas plus de deux ans d’expérience dans le monde du travail. La Radio tchèque fait état de certaines critiques craignant que ce projet n’entraîne des abus. Ces voix discordantes imaginent par exemple un chef d’entreprise créant un poste fictif pour son neveu. Celui-ci recevrait de l’argent de l’Etat et tonton se flatterait de son sens de la famille. Les Bureaux du travail ne comptent pas enquêter sur les relations des jeunes diplômés susceptibles de bénéficier de cette aide. Ce dispositif devrait concerner 3 000 jeunes.