Tentative de résurrection d'un opéra baroque
Les amateurs de l'opéra baroque se sont donnés rendez-vous, ce dimanche, au Théâtre des Etats, à Prague, où l'on a donné Xerxès de Georg Friedrich Händel.
Mettre en scène un opéra baroque, c'est surmonter d'innombrables obstacles: les chanteurs modernes manquent de technique vocale et de style pour interpréter ce genre de répertoire, les castrats qui chantaient à l'opéra au XVIIIème siècle n'existent plus, les livrets sont soit incompréhensibles, soit trop naïfs pour le public moderne. Et pourtant, la beauté musicale et une indéniable intensité dramatique de nombre de ces opéras ne cessent d'attirer les musiciens et les hommes de théâtre, et les tentatives de ressusciter "l'opera seria" se multiplient. Ce dimanche, le public de Prague a assisté à une telle résurrection. Le Théâtre municipal d'Usti nad Labem, ville située dans le Nord de la Bohême, en coproduction avec l'Opéra de chambre de Prague et Alber Concert Theater de Munich, a présenté Xerxès, un des derniers opéras de Haendel, oeuvre qui se situe à la limite entre le genre sérieux et l'opéra bouffe.
Le metteur en scène, Martin Otava, a opté franchement pour la seconde possibilité en donnant au spectacle un caractère comique. Il a imaginé pour les chanteurs aux prises avec les airs périlleux des situations drôles et pittoresques et les a obligés à jouer la comédie. Il raconte l'histoire du roi de Perse qui tombe amoureux de la maîtresse de son frère et nous conduit à travers les péripéties, les intrigues et les coups de théâtre provoqués par la passion royale avec le sourire au lèvre.
Certains spécialistes dans la salle ont eu beau reprocher au metteur en scène d'avoir ridiculisé le sujet, ils ne pouvaient pas nier que Haendel même avait donné à son opéra certains éléments comiques. Par contre, le public jubilait, prêt à pardonner aux chanteurs une intonation qui n'était pas toujours parfaite et des imprécisions à l'orchestre. La salle se laissait emporter par cette musique chaleureuse et dynamique, par ce foisonnement de richesses mélodiques qui semble inépuisable. Elle a réservé aussi un accueil chaleureux à la vedette de la soirée, le contre-ténor américain Johny Maldonado, qui a incarné Arsamenès, frère du roi et son rival dans l'amour. Sa voix manquait de volume et son timbre était assez bizarre, mais sa musicalité, l'agilité de ses cordes vocales et surtout la magie de la musique de Haendel lui ont donné l'aura d'héritier de l'art incomparable des castrats.