80 ans de la Radiodiffusion tchèque
Le dimanche 18 mai, la Radio publique tchèque fêtera 80 ans. Etant aujourd'hui une évidence absolue, 80 ans en arrière, la radio a été un miracle de la technique. Les premiers essais de radiodiffusion dans notre pays ont été réalisés le 28 octobre 1919, un an après la fondation de la Tchécoslovaquie. Le premier programme radiophonique est diffusé d'un émetteur militaire situé à la colline pragoise de Petrin.
La véritable radiodiffusion commence le 18 mai 1923, dans une tente militaire à Kbely, quartier périphérique de Prague. Ce jour-là, à 20H 15, la première phrase retentit sur les ondes: "Allô, allô, ici la station radiophonique du Radiojournal à Kbely près de Prague. Nous émettons sur l'onde 1150 mètres..." La première radiodiffusion dure une heure. Les auditeurs sont rassemblés au cinéma Sans-souci, sur la place Venceslas, pour écouter ces premiers sons dans l'éther. Leur émotion est profonde et énorme. Hélas, l'enregistrement authentique de cette première radiodiffusion n'existe pas. Je vous propose une imitation de l'émission de Kbely de 1923, au cours de laquelle on a diffusé l'Idylle pour clarinette et piano de Zdenek Fibich:
La Tchécoslovaquie est le premier Etat en Europe centrale, et le deuxième en Europe, après la Grande-Bretagne, à commencer les émissions radiophoniques régulières. Trois noms restent liés avec les débuts de la radiodiffusion chez nous: celui de Milos Ctrnacty, journaliste, d'Eduard Svoboda, membre de l'Association des journalistes tchèques et celui de Ladislav Sourek, directeur de la société de fabrication des récepteurs radiophoniques. Ce trio d'hommes crée la société Radiojournal, société d'informations radiotéléphoniques, et c'est elle qui obtient, du ministre des Postes, la licence de radiodiffusion. Les débuts mêmes sont plus que modestes. On diffuse une heure par jour, de 20 H à 21 H, où les conditions de réception sont les meilleures. En automne 1923 paraît le premier numéro du journal publiant le programme de la radio. Le budget est modeste, lui-aussi: les redevances sont élevées, 60 couronnes par mois, mais les concessionnaires ne sont, au début, que 47.
Un grand événement dans la vie de la Radio - la transmission à l'étranger, en janvier 1924, d'un premier concert du Radiojournal.. La parole d'ouverture est prononcée en anglais et en espéranto. La diffusion de la tente de Kbely est arrêtée en décembre 1924, où l'on ouvre les studios dans le bâtiment de la Bourse des Postes, avenue Foch, nom d'alors de la rue Vinohradska.
Chose curieuse qui mérite d'être mentionnée: jusqu'à 1924, le mot radio n'existe pas en tchèque. On utilise le terme anglais broadcast. La seule appellation existante en tchèque est assez compliquée - on parle de l'émission radiotéléphonique. C'est le journaliste Richard Durdil qui a l'heureuse idée d'inventer le mot radio qui enrichit le tchèque et, surtout, devient une notion sympathique.
En 1925, on diffuse un premier concert en direct. C'est aussi l'année du premier reportage, d'abord des salles de concert et de théâtre, puis de stades de football. Le 28 octobre 1925, la radio est branchée sur la salle d'audience du château de Prague d'où on diffuse en direct le premier discours radiophonique du président Masaryk. Le nombre de concessionnaires s'accroît à 14 500. L'Etat entre dans la société du Radiojournal en tant que propriétaire majoritaire des capitaux. En 1925, la Radio diffuse 11 heures par jour et pas seulement de Prague, mais aussi de Brno. Jan Velik, le premier technicien de la société Radiojournal, s'en souvient:
"De très rares auditeurs savent comment et où la radiodiffusion de Brno a fait ses premiers pas : c'était en 1924, dans un des pavillons, sur le toit de la maison régionale de Brno-Zerotin. Depuis 2 années déjà, une station radio, la première en Tchécoslovaquie, assurant la liaison radiotélégraphiste avec l'étranger, y travaillait. En été 1924, il a été décidé par la société Radiojournal de Prague d'installer une station radiophonique à Brno. Il est vrai que des nouvelles de la Bourse étaient diffusées depuis quelques mois de Brno, mais cette fois-ci, il s'agissait de diffusion de programmes musicaux. C'est moi qui ai reçu, du ministère des Postes, l'ordre de trouver un orchestre ou un quatuor qui interpréterait la musique au micro. Les préparatifs techniques ont été faciles, il a suffi de brancher le micro sur l'émetteur de Komarov. Ce qui s'est avéré problématique, c'était de trouver les musiciens, alors fort méfiants à l'égard de la radiodiffusion qui venait de naître. Ne pas jouer devant le public, mais devant le micro, ne leur paraissait pas comme une affaire d'honneur. Après des journées de recherches, j'ai rencontré le premier violon du quatuor morave, Franta Kudlacek, qui a accepté de jouer, à titre gratuit, un programme musical de plusieurs heures. L'écho fut énorme. En plus des réactions enthousiastes de Prague, on a reçu des réactions admiratives et enchantées de l'étranger, car j'ai eu l'idée d'annoncer le programme en langues étrangères. Le journal Lidové noviny en a publié quelques-unes et depuis, la glace a été rompue. Le public de l'époque a été un public qui ne demandait pas la distraction. C'était les gens qui aidaient à pousser en avant le progrès technique, les gens qui croyaient qu'un jour, la radio deviendra un besoin tout à fait évident."
Les enregistrements authentiques des débuts de la radio ne sont, hélas, pas nombreux. Dans nos archives sonores, j'ai trouvé une véritable curiosité: le discours du président Edvard Benes prononcé en français, en 1938, ou la guerre en Europe était déjà imminente. En voici un extrait:
"Nous célébrons comme chaque année la cérémonie de la paix et de la Croix rouge. Nous proclamons pour 3 jours sur l'ensemble du territoire de la république la trêve de Dieu, c'est-à-dire l'arrêt de toutes les luttes politiques, sociales et nationales. Nous nous souvenons que nous sommes tous unis par les liens de l'amour et de la solidarité humaine. Cette action a pour devise la devise même des présidents tchécoslovaques qui est inscrite dans les armes de l'Etat: la vérité l'emporte. La vérité et la paix, la paix et la vérité. Comme ces deux notions sont étroitement liées, l'une à l'autre. Il n'y a pas de paix sans vérité, il n'y a pas de vérité sans paix. Certes, la vie est remplie de conflits et de luttes que provoquent les intérêts et les besoins des individus, des partis, des classes, des nations et des Etats. Mais nous voulons appliquer dans la pratique le principe que ces conflits dans les pays qui ont une culture véritablement humaine ne doivent pas se régler par la violence et par les armes, mais bien par la discussion, les compromis et l'entente."