Josef Pekar
Avec Frantisek Palacky, le professeur Josef Pekar est sans aucun doute l'historien tchèque le plus remarquable. Auteur de précieux ouvrages historiques et de centaines d'articles portant aussi sur des sujets politiques et culturels, il a réussi, en vrai connaisseur, à présenter l'histoire de la Bohême, depuis l'époque de Saint Venceslas, en passant par le Moyen âge, l'époque hussite, la bataille de la Montagne Blanche, le Réveil national tchèque, jusqu'à la Grande guerre.
Le professeur n'écrivait pas ses oeuvres de manière aride, indigeste, accessible seulement aux experts. Il avait une façon tout à fait particulière d'écrire sur l'histoire et de la rendre compréhensible au grand public. Il se plonge dans les époques écoulées, ses mots caressent les faits historiques tout en les analysant avec une précision étonnante comme si le grand historien avait été lui-même témoin des différentes époques évoquées.
Conservateur et nationaliste, le professeur Josef Pekar avait, naturellement, une vision de l'histoire complètement différente de celle présentée par le régime communiste. Il n'est donc guère étonnant qu'après le coup d'Etat de 1948, la publication de ses oeuvres soit interdite et ses livres retirés des bibliothèques. Le fameux historien est qualifié de réactionnaire, de contre-révolutionnaire, et son nom passe sur la liste des maudits. Mais pourquoi donc un historien décédé en 1937 est devenu l'objet de poursuites et d'exclusion des milieux culturel et scientifique de l'époque ? Il y a plusieurs raisons ! Par exemple, il se prononça pour le respect de tous les droits des Allemands vivant sur le territoire de la Bohême. Cela ne voulait absolument pas dire qu'il soutenait la politique des nazis. Ensuite, dans ses articles Erreurs et dangers de la réforme foncière (Omyly a nebezpeci pozemkove reformy), le professeur Pekar fait appel à une approche plus tolérante vis-à-vis de la noblesse tchèque en soulignant l'importance du rôle joué dans la sauvegarde des paysages, châteaux, églises et autres monuments historiques. Il attira également l'attention sur l'importance de la foi en Jean Népomucène, après la bataille de la Montagne Blanche, au niveau culturel et national. En outre, l'oeuvre du célèbre historien démontre une liaison, si ce n'est un entrecroisement, de l'histoire tchèque avec l'histoire occidentale. Josef Pekar a incontestablement prouvé les incidences catastrophiques et le désastre de la période suivant la bataille de la Montagne Blanche. L'essor des domaines étrangers a entraîné la perte de la petite noblesse tchèque, ainsi qu'un appauvrissement des paysans. Quoi qu'il en soit, sa façon de percevoir l'histoire, son analyse et ses polémiques sont considérées comme inacceptables par le régime communiste et le fameux historien sombre alors dans l'oubli pour une quarantaine d'années. Une tentative de renaissance de l'oeuvre de Pekar survient à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance en 1970, par la publication d'extraits d'études et d'articles : Personnages et problèmes de l'histoire tchèque (Postavy a problémy ceskych dejin), par la maison d'édition Vysehrad, et Le livre sur le château Kost (Kniha o Kosti), publié par la maison d'édition Ceskoslovensky spisovatel. Malheureusement les livres ne seront jamais mis en vente, condamnés au rebut. A noter que même le monument de l'historien édifié à Turnov, ville dans la région natale de Pekar, a été déboulonné en 1949 et de nouveau érigé le 8 avril 1994.
Le professeur Josef Pekar est né le 12 avril 1870, près de la ville de Turnov, dans une ferme que ses ancêtres exploitaient déjà depuis plus d'un siècle. Il passe son enfance dans la charmante région du Paradis tchèque, endroit auquel il restera très attaché tout au long de sa vie et qui l'inspirera dans l'écriture du Livre sur le château Kost (Kniha o Kosti), une de ses oeuvres les plus remarquables. Le jeune Pekar passe le baccalauréat au lycée de Mlada Boleslav puis part à Prague pour suivre des études de géographie et d'histoire à la Faculté des lettres de l'Université Charles. Manquant de moyens financiers, ses parents ne peuvent pas satisfaire aux besoins de leur fils. Josef se voit donc obligé de faire de menus travaux dans une famille de riche bourgeois. Le jeune historien se fait remarquer presque aussitôt ! Il n'a que vingt cinq ans lorsqu'il publie l'Histoire de la conjuration de Wallenstein (Dejiny valdstejnskeho spiknuti), en somme la thèse d'admission au grade de maître de conférence, titre qu'il obtiendra deux ans plus tard. Rapidement, Josef Pekar fait une carrière brillante. Au début du XXe siècle, il est nommé professeur et, en 1931, président de l'Université Charles. C'est une personnalité reconnue dans les milieux politique et scientifique. Il est nommé président de l'Académie des Sciences et des Arts, membre de maints Instituts scientifiques tchèques et étrangers. Pourtant, Josef Pekar restera toute sa vie un homme modeste, menant une vie de vieux garçon assez régulière. Plus que tout au monde, il apprécie les rares moments de repos à la ferme de son père et les promenades dans la nature du Paradis tchèque, situé à deux pas.
Josef Pekar respectait certes le président Tomas Masaryk, ce qui ne l'empêchait pas d'être en désaccord avec sa vision sur le sens de l'histoire en Bohême et de mener ainsi avec lui d'interminables discussions sur le sujet. De toute manière, le professeur Pekar ne s'est jamais accoutumé aux changements survenus après la chute de la monarchie austro-hongroise. Il se renferme et refuse même la candidature présidentielle, proposée par la droite, deux ans avant son décès, le 23 janvier 1937.
Parmi les oeuvres du professeur Josef Pekar, rappelons Zizka et son époque (Zizka a jeho doba), Différend sur le sens de l'histoire tchèque (Spor o smysl ceskych dejin), Saint Venceslas, la Philosophie tchèque de Masaryk (Masarykova ceska filozofie ), Wallenstein, où l'historien brosse un portrait psychologique remarquable de cette personnalité importante. La plupart des oeuvres de Josef Pekar ont été rééditées après 1989.