Sur la route, depuis plus d'un siècle
Superb, Felicia, Octavia, ces mots évoquent une aventure prodigieuse autant qu'une actualité brûlante : celle du sponsor officiel du Tour de France (depuis mars dernier), celle d'une société dont les derniers sondages montrent qu'elle est la plus admirée parmi les Tchèques. Vous l'aurez compris, nous consacrons ces Chapitres de l'Histoire à la célèbre marque de voiture Skoda. De l'automobile civile ou sportive aux voitures de pompier, le nom de Skoda a recouvert plusieurs facettes. Jusqu'aux plus symboliques.
Skoda a été récemment choisi comme sponsor officiel du Tour de France. Au-delà de l'événement d'actualité, le fait consacre d'abord un retour aux origines. Car, on le sait peu, ce sont des vélos que l'entreprise, dont le nom n'est pas encore Skoda, a commencés à fabriquer.
L'aventure commence en 1895 à Mlada Boleslav, petite ville située à 80 km au Nord de Prague, quand deux industriels tchèques, Vaclav Laurin and Vaclav Klement, créent une usine de bicyclettes. Ils passent bien vite à la motocyclette et, en 1906, présentent leur 1ère voiture, dite Voiturette A. Il s'agit d'un petit modèle, équipé d'un moteur à refroidissement à eau. De 1906 à 1910, les usines Klement et Laurin continuent à se diversifier de manière étonnante et s'érigent en véritable touche-à-tout de la production automobile : véhicules de pompiers, taxis, aucun secteur n'échappe aux deux industriels ingénieux.
La crise économique des années vingt semble sonner le glas du succès grandissant de Laurin et Klement. L'usine de Mlada Boleslav est sauvée grâce à son acquisition par Emil Skoda, industriel à la tête d'une usine d'armements à Plzen, la Skodovy Zavody. C'est vers 1925 que le nom de Skoda désigne la marque officielle du constructeur.
Le choix récent de Skoda comme sponsor du Tour de France pourrait évoquer l'aboutissement de ce succès technologique et économique. Il n'est cependant pas la première incursion du constructeur dans le domaine sportif. Dans les années vingt et trente, Skoda décide de développer ses voitures de sport. Robustesse de la carrosserie, nervosité de ses moteurs, ces qualités font des Skoda des voitures particulièrement recherchées pour les épreuves d'endurance. Ainsi, en 1936, une Skoda Popular remporte, dans sa catégorie, le Rallye de Monte-Carlo.
Cette même année, Skoda réalise un autre exploit, qui contribue à sa renommée mondiale: à bord de la Skoda Rapid, l'équipe de Prochazka réalise un tour du monde en 97 jours. Ce qui frappe, au-delà de l'exploit sportif, c'est bien le caractère avant-gardiste du procédé. Ne nous-y trompons pas, ce tour du monde est aussi un formidable coup publicitaire pour la marque. En 1936, Skoda a déjà inventé le marketing !
A l'image de Bata à Zlin, les usines Skoda à Mlada Boleslav symbolisent bien l'état d'avancée économique de la 1ère République tchécoslovaque. La rationalisation des moyens de production, la constitution progressive d'un réseau commercial à travers le monde, tout concourt à faire rapidement de Skoda l'un des premiers constructeurs. Dans les années trente, les petites voitures tchèques se fraient un chemin jusqu'au Japon et à sa cour royale !
Pour arriver à un tel succès, Skoda ne s'est pas uniquement reposé sur des exploits spectaculaires mais, plus simplement, sur la qualité du travail au quotidien. Si les usines changent de nom durant les années vingt, le slogan des pères fondateurs - " Le travail bien fait se mesure à la qualité des parties que l'on ne voit pas " - est toujours respecté. Durant l'entre-deux-guerres, Skoda se pose en précurseur et inaugure une tradition promise à un bel avenir: celle des voitures puissantes.
Les usines de Mlada Boleslav réalisent alors 15 modèles à 6 ou 8 cylindres. Mais deux modèles marquent la consécration du constructeur: en 1933, c'est la 420, une voiture populaire et économique à quatre cylindres. En 1938, c'est la Skoda Superb, un modèle limousine où s'exprime tout l'art de la technologie. Ce foudroyant succès économique ne doit pas cacher un aspect plus symbolique de la marque.
A peine vingt ans après la proclamation de la Tchécoslovaquie indépendante, Skoda illustre la fiabilité économique et industrielle du nouvel Etat. Bon gré, mal gré, la marque s'érige progressivement en une sorte d'emblème de l'Etat. Le président Masaryk, lui-même, possède une six cylindrées.
S'il y a bien une seule ligne de continuité entre la 1ère République tchécoslovaque et la Tchécoslovaquie communiste, c'est bien Skoda qui l'assure. Les dirigeants communistes ne tarissaient pas de critiques démagogiques envers Masaryk mais ont conservé cet attribut prestigieux du pouvoir. La Skoda Gouvernemental est la grande voiture des dirigeants communistes: c'est une 4 portes - 5 places, au design élégant et très moderne en son temps. Décidément, les dirigeants " prolétariens " ne se privaient pas ! Klement Gottwald, premier président communiste, circulait pour sa part dans la Skoda VOS, produite en 1948 et dont la vitesse pouvait atteindre 130 km/h ! Inutile de dire que la technologie Skoda était alors Top Secret.
Pourtant, rien n'y fait: en 1989, après 40 ans de gestion communiste, le constructeur automobile est en bien piètre état. Résultat: en décembre 1990, le gouvernement tchèque désigne le groupe allemand Volkswagen pour faire peau neuve. En 1995, Volkswagen détient 75 % des parts de Skoda. Depuis, il possède la totalité des actions.
Aujourd'hui, Skoda dispose de 903 sous-traitants dispersés à travers le monde. 80% de la production est exportée vers 70 pays. Skoda représente donc un élément prestigieux de l'histoire nationale. Les Tchèques ne s'y sont pas trompés en l'ayant élu récemment société la plus populaire du pays. Mais les usines de Mlada Boleslav, centre de production, constituent aussi un véritable bienfait local. La ville enregistre en effet un salaire moyen supérieur d'environ 5000 couronnes à la moyenne nationale. Etrange et fabuleux destin d'une marque automobile dont le nom signifie, en tchèque... " dommage " !