Marc-Antoine Charpentier au festival Printemps de Prague
Le festival Printemps de Prague, qui fait une large place à plusieurs anniversaires de compositeurs tchèques, n'a pas oublié non plus le tricentenaire de la mort du grand compositeur français, Marc-Antoine Charpentier. L'ensemble Les Paladins a présenté à l'église St. Simon et St. Jude un programme composé d'histoires sacrées, plusieurs oratorios illustrant quelques grandes scènes bibliques ainsi que la légende de Sainte Cécile. Vaclav Richter s'est entretenu, après ce beau concert, avec le chef de l'ensemble, Jerôme Corréas.
Votre ensemble s'appelle les Paladins. Pourquoi?
"Pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est le titre d'un opéra de Rameau. J'aime beaucoup Rameau, j'aime beaucoup sa musique. Et aussi parce que les paladins, au Moyen Age, c'était les chevaliers justiciers, chevaliers errants, solitaires, qui allaient défendre les opprimées, les orphelins, les femmes, etc. Il y a donc un idéal de justice, d'honnêteté qui m'a beaucoup plu dans ce nom."
Marc-Antoine Charpentier est très peu joué en Tchéquie. On connaît Couperin, Rameau, Lully mais Charpentier, on ne l'entend presque jamais. En France la situation est sans doute différente. Est-ce dû seulement au tricentenaire de sa mort ou c'est une véritable redécouverte de ce grand compositeur?
"Je crois que vous êtes un peu optimiste. En France Charpentier n'est pas très joué. Cette année il sera beaucoup joué à cause de cet anniversaire, c'est vrai, mais je crains que l'année prochaine cela ne retombe un peu. C'est la même chose pour Berlioz. L'année dernière on a beaucoup joué Berlioz, et regardez, cette année, on le joue beaucoup moins. "
Vous avez apporté à Prague les Histoires sacrées de Charpentier. A quelles occasions on présentait ces oeuvres?
"Charpentier, en fait, était passionné par le théâtre même dans sa musique religieuse. Mais en même temps c'était un harmoniste, c'était vraiment un compositeur. Et il a toujours essayé de concilier ces deux exigences, tandis que Lully, lui, était vraiment d'abord l'homme de théâtre, je dirais qu'il était plus un homme de théâtre qu'un musicien. Charpentier a fait jouer ses histoires sacrées dans plusieurs circonstances chez la duchesse de Guise, chez qui il servait, et aussi parfois chez les jésuites parce que l'histoire sacrée est un genre en même temps très musical et très théâtral. C'est du théâtre et c'est aussi quelques chose qui sert à éduquer le chrétien, à lui donner le bon exemple, à lui raconter des histoires, le convertir, l'entraîner vers la foi."
Est-ce que l'acoustique de l'église St. Simon et St. Jude se prêtait bien à ce genre de musique?
"Ah oui, tout à fait. C'est une acoustique formidable, ni trop sèche, ni trop réverbérante qui nous a permis de faire toutes les nuances, piano ou très forte, vraiment j'était très content."
Et la réaction du public?
"J'était très content de la réaction du public parce que ce n'est pas toujours un répertoire facile. On ne comprend pas toujours les paroles, on connaît à peu près les situations, l'histoire que cela raconte, mais il faut quand même se fier surtout à la force de la musique. J'ai trouvé que le public était très concentré, il y avait une écoute assez intense et j'ai eu l'impression que le public était très satisfait à la fin. Et je pense qu'on l'a ressenti, nous."