Philippe Minyana: Nous ne nous connaissons pas
Parmi les auteurs français, invités à participer aux Journées de la dramaturgie et du théâtre français contemporain à Prague, qui a eu lieu dans la capitale tchèque du 31 mai au 2 juin, il y a avait aussi le dramaturge Philippe Minyana. Vaclav Richter l'a invité à faire un petit bilan de ces Journées.
Qu'est-ce que vous rapporterez en France de ces 'Journées de la dramaturgie et du théâtre français'?
"J'ai senti beaucoup d'attente de la part des personnes que nous avons rencontrées. J'ai l'impression qu'il y a un gros travail à faire, travail de découverte. Les noms qui ont été cités, ce sont les noms déjà très connus, joués, traduits qu'il y a donc tout un pan du théâtre français qui devra passer la frontière. Donc c'est extrêmement touchant et assez émouvant de voir qu'il y a un avenir possible."
On voit donc qu'il reste beaucoup à faire pour la meilleure connaissance du théâtre tchèque en France et réciproquement pour le théâtre français en République tchèque. Connaissez-vous un moyen spécial pour faciliter ces échanges?
"Moi non, mais Sabine Bossan a cité pas mal de lieux comme la maison Antoine Vitez qui est un lieu de jonction entre différents pays. Il est vrai qu'on ne connaît pas les auteurs tchèques, pour l'instant. Moi, j'attends avec beaucoup d'impatience de lire des auteurs tchèques traduits en français."
Est-ce que vous avez une pièce ou des pièces de votre plume que vous aimeriez présenter en République tchèque?
"Je viens d'apprendre à l'instant par Daniela Jobert que ma pièce 'Inventaires' est dans l'anthologie dont on a parlé tout à l'heure, donc j'espère qu'elle va être jouée ici. Oui, il y a des pièces auxquelles je tiens, je pense aux 'Guerriers', je pense aux 'Pièces', à 'La maison des morts' qui sont les travaux de moi que je juge accomplis, donc j'aimerais qu'ils passent la frontière."
Vous avez eu l'occasion de vous promener dans les rues et de voir Prague?
"Oui, j'ai trouvé cette ville absolument magnifique, notamment le quartier de Mala Strana, l'autre côté de la ville au-delà du pont Charles. J'ai l'impression que cette partie de la ville est plus vraie, moins peinte, moins décorée que le centre de la ville qui a un décor d'opérette. Mais c'est assez récent, m'a-t-on dit, avec les chevaux, les voitures, etc. C'est une ville qui a souffert. Si l'on y reste plusieurs jours on y voit encore des comportements rigides de certaines personnes; dans les endroits officiels où nous sommes allés, on sent qu'il y a des hiérarchies encore, qu'il y a de l'ordre, dans les têtes. C'est un mélange de rigidité, et l'on sent que, derrière, il y a la violence. J'ai été très frappé par cela. Les chauffeurs de taxi sont très violants, très énervés par exemple, mais c'est un peu partout, (rires) il n'y en a pas qu'en Tchéquie, mais aussi dans d'autres pays. On sent que c'est un pays qui renaît, en même temps. J'étais très heureux d'être là. Je trouve que ce qui est heureux dans ces rencontres (c'est vrai, c'est une rencontre avec les étrangers), mais je trouve que même entre nous, Français, on ne se connaît pas. Brigitte Jaques, c'est pour la première fois que je parle avec elle aussi longtemps, et que je la fréquente. Nous ne nous connaissons pas. C'est assez amusant, ça."