La bibliothèque de Vaclav Havel
"Comment pouvons-nous aider le monde, que pouvons-nous faire pour le monde? Je pense que la bibliothèque de Vaclav Havel peut le démontrer avec une destinée humaine, sur la destinée d'un homme qui est resté libre en tant que dissident, écrivain, prisonnier et finalement en tant que président. On peut démontrer avec cet exemple que la société civile peut se défendre contre le régime totalitaire." C'est ce qu'a déclaré l'ancien chef du gouvernement tchèque Dagmar Buresova lors de la présentation, à Prague, du projet de fondation de la bibliothèque de l'ancien président tchèque Vaclav Havel.
L'objectif de la bibliothèque serait donc d'organiser les activités des chercheurs, des archivistes et des bibliothécaires concernant non seulement la vie et l'oeuvre de Vaclav Havel, mais aussi les événements liés à sa personnalité. Les spécialistes devraient analyser leurs retombées sur la vie de la société tchèque. Le but du projet est cependant encore plus ambitieux.
"Je me suis retrouvé au centre de l'actualité, non seulement en Bohême, mais aussi dans le monde, dit Vaclav Havel. C'était un énorme don pour moi, et j'en serai reconnaissant à Dieu jusqu'à la fin de mes jours. J'ai été, par exemple, le témoin, j'ai même participé à la dissolution du Pacte de Varsovie, donc à la fin de la division bipolaire du monde. J'ai été parmi ceux qui cherchaient à convaincre l'Occident qu'il fallait rapidement élargir les structures démocratiques dont l'Union européenne et l'OTAN. Je sens le besoin de transmettre ce don aux autres, comme une expérience, comme une information sur le monde. Il ne s'agit donc pas que d'expériences du fonctionnement et de la chute du système totalitaire, ce qui est certes très important, mais aussi de l'histoire du monde, de la décomposition du monde bipolaire et de la recherche d'un nouvel arrangement plus juste du monde."La bibliothèque sera provisoirement installée au bureau de Vaclav Havel, rue Vorsilska. Dans un premier temps, on poursuivra les recherches, on cherchera aussi des subventions et des sponsors. Ce n'est que dans quelques années qu'on se mettra à la recherche d'un édifice pour abriter les fonds de la bibliothèque.
"Je suppose que dans cinq ans nous aurons réuni l'argent nécessaire pour savoir où sera le siège de la bibliothèque ou si nous restaurerons un édifice dans la Vieille-Ville de Prague, dit le directeur de la bibliothèque Vaclav Bartuska. Nous aimerions installer la bibliothèque au centre de Prague parce que Vaclav Havel y appartient et nous estimons que la bibliothèque doit être en contact quotidien avec les gens, avec l'Université, avec les jeunes. C'est à eux que les informations sur ce qui s'est passé à cette époque-là manquent le plus. Les manuels d'histoire dans les écoles s'arrêtent en 1945, donc on peut dire que c'est un grand trou noir."
Pour lancer la nouvelle bibliothèque on a publié un ensemble de documents sur la révolution de velours, choisis, commentés et préparés à l'édition par l'historien Vilem Precan. "Le département d'Etat américain, le ministère des Affaires étrangères, a levé le secret concernant entre autres un ensemble de télégrammes et dépêches de l'ambassade des Etats-Unis en Tchéquie de novembre 1989, dit-il. On a mis cet ensemble de documents à la disposition de notre Centre de documentation il y cinq ans, nous en avons traduit et publié quelques uns et nous les avons déposés comme matériel d'études. En été 2004, on s'est posé la question de savoir comment se présenterait au public la bibliothèque de Vaclav Havel et j'ai eu cette malheureuse idée de donner l'ensemble de traductions de ces documents au directeur Vaclav Bartuska, cela lui a plu et on a décidé donc de les publier. C'était un énorme travail. Et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un paresseux."
Le livre intitulé Prague-Washington-Prague est bilingue, tchèque et anglais, et c'est un ouvrage volumineux de près de 800 pages qui comprend 120 télégrammes et dépêches choisis par Vilem Precan. Dans les dépêches adressées à Washington par tout un réseau d'informateurs mais aussi, par exemple, par l'ambassadrice des Etats-Unis à Prague, l'ancienne actrice Shirley Temple-Black, on trouve entre autres les portraits des personnalités ayant joué des rôles politiques importants lors de la chute du régime communiste, mais aussi des analyses, souvent précises et pertinentes, des événements de cette période. Il y aussi quelques erreurs. Certains documents ne sont pas complets parce qu'on a effacé les passages qui pourraient révéler l'identité de certains informateurs. Quoiqu'il en soit il s'agit d'une source d'informations précieuse sur cette période cruciale de l'histoire tchèque moderne. On déplore seulement de ne pas disposer d'un ensemble de documents semblable que les informateurs soviétiques en Tchécoslovaquie adressaient à cette époque à Moscou. Malheureusement les archives russes ne sont pas encore prêtes à révéler leurs secrets.