La bande dessinée belge à Prague

Tintin
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Qu'est-ce que la bande dessinée ? Est-ce un livre pour enfants égarés dans le monde des adultes, un divertissement facile pour les lecteurs paresseux ou un genre autonome qui élargit les limites de la littérature et peut être considéré à juste titre comme le "neuvième art"? Ceux qui cherchent les réponses à ces questions mais aussi tous les amateurs de la bande dessinée sont invités à une exposition en hommage aux cent ans de la naissance d'Egard Pierre Jacobs, une des plus grandes personnalités de la bande dessinée belge et créateur de la célèbre série Blake et Mortimer, et aux soixante-quinze ans de la naissance de Tintin créé par Georges Rémi, plus connu sous le nom de Hergé. L'exposition est présentée par la délégation de la Communauté française de Belgique à Prague à son siège, au No 31 de la rue Myslikova, au centre de la capitale tchèque. Lors du vernissage, je me suis entretenu sur l'exposition et sur la bande dessinée en général avec le délégué de la communauté française de Belgique, Olivier Gillet.

Vous présentez une exposition consacrée à la bande dessinée, concrètement à Edgard Pierre Jacobs et à Tintin. Pourquoi Jacobs et pourquoi Tintin?

"Pour plusieurs raisons : d'abord on vient de fêter les cent ans de la naissance de Jacobs et les soixante-quinze ans de la naissance du personnage de Tintin. C'est la raison principale. En plus, il faut savoir que la BD est une spécialité belge par excellence et donc c'est une occasion de promouvoir cette littérature qui est véritablement un art, raison pour laquelle on dit d'ailleurs que c'est le neuvième art. Tintin est mondialement connu : il a été traduit dans une cinquantaine de langues. Jacobs qui est le créateur de Blake et Mortimer est moins connu mais certainement est un des fondateurs de la bande dessinée mondiale les plus importants parce qu'il a vraiment donné une personnalité, un caractère à la bande dessinée."

Quels documents, quelles bandes dessinées avez-vous réunis pour cette exposition?

L'objet principal de l'exposition, c'étaient les planches dessinées par Jacobs pour le journal hebdomadaire Tintin qui paraissait en Belgique et qui était favori, évidemment, des enfants et des adolescents. Donc c'est le premier plan et le deuxième plan, c'est un essai de traduction de quelques planches de Jacobs pour montrer ce que ça peut donner et en effet, je crois que le résultat est tout à fait probant pour faire la promotion de cet auteur qui mérite autant de succès que Tintin."

Pourquoi la bande dessinée a trouvé un terrain tellement fertile en Belgique?

"On peut évidemment donner plusieurs explications. La première, c'est le rôle fondamental d'Hergé, donc de Georges Rémi, qui a eu cette idée géniale de l'invention des phylactères, comme on dit plus simplement des bulles, c'est-à-dire que le texte qui était en-dessous de l'image est entré dans l'image. Et la deuxième innovation d'Hergé, c'était ce qu'on appelle la ligne claire, c'est-à-dire ces dessins stylisés typiques de la bande dessinée. Et à partir de ce moment-là, Hergé a eu autour de lui des disciples qui ont créé tout un mouvement et Jacobs a participé aussi à l'oeuvre d'Hergé. Donc il y a eu toute une école qui s'est créée à Bruxelles, mais pas seulement, autour de ces personnalités importantes au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et qui remporté ce succès. Certains diront que la bande dessinée marche particulièrement bien avec l'esprit belge mais là, ce sera à d'autres d'en juger."


Trois albums de la série des Tintin ont déjà été traduits en tchèque et publiés par la maison d'édition Albatros. Est-ce qu'il y a une grande différence entre les traductions d'un livre et d'une bande dessinée? Une question pour la traductrice des Tintin et des Astérix, Katerina Vinsova :

"Bien sûr, parce que la bande dessinée a des problèmes tout à fait spécifiques, d'abord il y a les bulles qui sont une certaine contrainte pour le traducteur, ensuite il n'y a pratiquement que les dialogues, c'est comme pour la traduction d'un film, et puis il y a le problème des jeux de mots, parce que dans presque tous les albums de bandes dessinées il y a des jeux de mots. Vous savez peut-être que j'ai traduit aussi les albums d'Astérix et là il y a plein de jeux de mots et il faut les traduire parce que sinon, l'image perd sa raison d'être."

Est-ce que vous lisiez la bande dessinée déjà avant de commencer à la traduire?

"Astérix bien sûr. Tintin aussi mais je ne suis pas vraiment experte dans ce domaine."

Comment expliquez-vous que Tintin en tant que héros de la bande dessiné est tellement populaire?

"C'est parce que c'est un héros modeste, un héros de tous les jeunes, de tous les enfants. C'est quelqu'un qui est toujours juste ..."

Est-ce que Tintin est populaire aussi parmi les jeunes lecteurs tchèques?

"Je ne suis pas tout à fait sûre, je ne sais pas. Malheureusement, je pense que les albums de Tintin ne se vendent pas aussi bien qu'on le croyait au début ...

... et pourquoi?

"On m'a dit que c'est parce que c'est une bande dessinée un peu classique, que cela ne correspond peut-être plus aux goûts des jeunes lecteurs tchèques. Mais je ne sais pas."

Quelles sont vos projets d'avenir? Vous allez continuer à traduire Tintin?

"J'aimerais bien, cela dépend uniquement de la maison d'édition. Pour Astérix, j'ai fini avec le dernier, avec Astérix chez les Belges et sinon je continue à traduire des livres."

Avec plaisir ?

"Avec beaucoup de plaisir."


Il faut se rendre à l'évidence : que cela plaise ou non la bande dessinée fait partie de nos vies. Plus, il y a des vies dans lesquelles elle joue même un rôle très important. Olivier Gillet :

"Ecoutez, je suis né dans la bande dessinée. Enfin cela est certain, tout Belge a lu des dizaines, des centaines de fois les mêmes albums de Tintin donc on dirait qu'on a été béni par ces bandes dessinées parce qu'il faut savoir qu'en Belgique il existe des magasins spécialisés où l'on n'aurait que de la bande dessinée et vous aurez la bande dessinée pour tout âge, tant pour les enfants que pour les adultes avec de la bande dessinée de science fiction, de la bande dessinées expressionniste, symboliste etc. Vous avez maintenant un développement remarquable de la bande dessinée futuriste, donc la bande dessinée dans certain cas se rapproche fort de la littérature puisqu'il y a des auteurs qui passent d'un domaine à l'autre."

Je me demande parfois ce qu'il y dans la bande dessinée de si particulier qui ne peut pas être remplacée par le livre ou le cinéma?

"La question est vraiment judicieuse parce qu'on constate que chaque fois qu'on essaie de passer de la bande dessinée au cinéma, cela ne marche pas du tout, cela ne fonctionne pas bien. Donc effectivement il y a une spécificité de la bande dessinée. C'est cette liaison entre le dessin et le texte, je crois, qui permet de faire passer un discours, un scénario tout à fait original qui ne passera pas avec d'autres modes d'expression. Je dirais même que, déjà, Tintin en album, ce n'est pas Tintin en dessins animés, c'est déjà autre chose. Il y a là vraiment le plaisir de l'album, du livre, qui allie le texte, l'imagination, le récit, la fantaisie et l'image."

Quel est, d'après vous l'avenir de la bande dessinée?

"Actuellement il y a de nombreux mouvements qui vont un peu dans tous les sens. Il y a un mouvement avant-gardiste qui veut rapprocher la bande dessinée plutôt de la littérature ou qui rapproche la bande dessinée de la peinture ou des expressions picturales plus abstraites ou plus symbolistes et qui s'écartent de la bande dessinée classique ; mais il y a aussi dans la bande dessinée un mouvement qui souhaite garder ce côté un peu naïf de la bande dessinée, pour que ça reste un art accessible, que cela ne finisse pas par devenir un art réservé à des cercles privés. Donc il y a deux tendances que l'on peut comprendre."

(L'exposition sera ouverte jusqu'au 25 février 2005.)