La presse tchèque s'interroge sur les causes de la mort de Youri Gagarine

Youri Gagarine
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Youri Gagarine... Quarante-quatre ans se sont écoulés depuis le jour où le premier cosmonaute s'est envolé dans l'espace. Sa mort, survenue sept ans plus tard, demeure toujours entourée de mystères. Les circonstances et les différentes interprétations de sa disparition, nouvellement apparues, ont été évoquées dans la presse tchèque, ces derniers jours.

Les témoins s'en souviennent encore. Ce 12 avril 1961 matin, l'enseignement a été brusquement interrompu dans l'ensemble des écoles tchèques, une voix brisée par l'émotion, diffusée par la radio scolaire, annonçant la première conquête de l'espace par un cosmonaute soviétique. Le nom de Youri Gagarine deviendra dorénavant familier à chaque habitant de la Tchécoslovaquie, pays que le cosmonaute légendaire ne tardera pas à visiter peu après et qui lui réservera un accueil très chaleureux. En l'occurrence, on est censé dire qu'il était l'un des rares sinon l'unique citoyen soviétique auquel la nation, vivant à l'époque sous la botte communiste et sous le dictat de Moscou, a voulu manifester autant de sympathies spontanées.

La gloire de Youri Gagarine, on le sait bien, n'a été que de courte durée. Il est mort en 1968, à la fin du mois de mars, suite à un accident d'un avion de chasse, Mig, près du village de Novoselovo, dans la région de Moscou. Immédiatement après l'accident tragique, des spéculations variées et bizarres sont apparues. Le quotidien Hospodarske noviny rappelle notamment celle qui a eu un grand retentissement à l'époque et selon laquelle Gagarine n'aurait pas été victime d'un accident d'un avion de chasse ; à moitié momifié dans un vaisseau cosmique, il tournerait, depuis des années, autour de la Terre.

« Il n'y a probablement pas d'autre homme, dont la mort et ses circonstances ont provoqué autant de rumeurs et de spéculations que celle du premier cosmonaute au monde, Youri Gagarine. Point étonnant : à l'époque où la guerre froide culminait, il représentait une icône, dont la mort devait être pour toujours enveloppée de mystères », écrit le journal.

Celui-ci rappelle que tout se déroulait dans la mise en scène du numéro un soviétique de l'époque, Leonid Breznev, qui a interdit de rendre publics les résultats de l'enquête de la commission d'Etat spéciale chargée d'examiner les circonstances de la mort de Gagarine.

Dans un article paru dans Lidove noviny, Pavel Toufar, spécialisé dans la cosmonautique, confirme que les relations entre Gagarine et Breznev étaient tendues. Il réfute pourtant la version, l'une parmi tant d'autres qui circulaient, selon laquelle Breznev aurait interné Gagarine dans un établissement psychiatrique où il serait décédé, en catimini, en 1990. Une version peu vraisemblable car, comme le souligne l'auteur du texte, Gagarine ne s'opposait jamais au régime.

A la question de savoir quelle a donc été la cause de la mort de Gagarine, il répond : « Le plus probablement, une incurie ». Il évoque à cette occasion le grand chaos qui existait alors dans le système de gestion du trafic aérien soviétique, aux environs de Moscou notamment. Ainsi il se peut, comme le confirment certaines sources, qu'un autre avion ait croisé le trajet de Gagarine et provoqué l'accident tragique. « Tout porte à croire que les histoires mystérieuses ont été artificiellement nourries pour détourner l'attention du désordre qui régnait et qu'il fallait à tout prix dissimuler », conclut Pavel Toufar, dans les pages de Lidove noviny.

Tout en admettant l'éventualité mentionnée, Hospodarske noviny opte, plutôt, pour une autre version qui eut un effet spectaculaire dans le large public et qui s'appuie sur les conclusion d'une enquête toute fraîche. Elle veut que Gagarine ait sombré dans l'inconscient à cause d'un manque d'oxygène dans son avion, provoqué par une soupape mal fermée, suite à quoi il n'aurait plus réussi à maîtriser l'appareil. Le quotidien cite un certain Igor Kuznecov, membre de la commission d'enquête :

« En 1968, la Commission d'Etat n'avait pas l'autorité de publier quoi que ce soit qui aurait pu nuire à la réputation de l'Union soviétique. Nous étions enfermés dans un mur de silence... La commission ne pouvait pas, par exemple, dévoiler que les techniciens ou le pilote qui se trouvait dans l'avion avant Gagarine, ont omis de fermer la soupape. »

« Kuznecov a ainsi donné l'impulsion à d'autres spéculations. Si le KGB avait vraiment voulu se débarrasser de Gagarine, il aurait eu une tâche on ne peut plus facile : agir de sorte à ce que la soupape demeure ouverte », peut-on lire dans le journal qui se réfère, à la fin, à l'ancien cosmonaute Viktor Gorbatka. Pour lui, personne ne connaîtra jamais toute la vérité.