Escale au musée tchèque de la musique
Récemment réouvert dans un somptueux palais de la rue Karmelitska, dans Mala Strana, le musée tchèque de la musique réserve de nombreuses surprises. A vrai dire, la diversité dispute la palme à l'insolite. Pédagogique et vivant, le parcours est parsemé de bandes sonores permettant d'écouter les instruments exposés. C'est tout simple, le musée de la musique fait figure d'incontournable pour les mélomanes... et tous les amateurs de belles choses.
Découvrir le Musée de la Musique, c'est un peu partir en terres inconnues, même pour l'explorateur averti. Néophytes ou amateurs, vous êtes prévenus, vous croyiez peut-être à tort savoir ce qu'est un violon, une guitare ou un clavecin !
Car le musée de la musique, et ce n'est pas son seul mérite, n'est pas une simple collection d'instruments. Son exhaustivité n'a d'égal que l'originalité et le caractère unique des modèles exposés.
La première surprise est fournie au visiteur par l'édifice lui-même, dont la façade, ornée de deux petites colonnes du Bernin, ne laisse pas présager un intérieur si déroutant. Dominée par une coupole vitrée semblant amplifier la lumière du soleil, un vaste atrium offre un espace très agréable au visiteur. Construit au XVIIème siècle par l'architecte italien Francesco Caratti, l'édifice a d'ailleurs une histoire mouvementée. D'église, il a rapidement abrité un bureau de poste, puis un hôpital militaire et enfin des casernes de police !
L'exposition montre d'abord au visiteur l'étanchéité de la frontière entre art et artisanat en ce qui concerne la fabrication d'instruments. Car si la musique est un art auditif, la lutherie, pour ne prendre qu'elle, relève bel et bien de l'art visuel. Ainsi ce clavecin à queue du XVIIIème siècle, sur lequel sont peints, sur fond rouge, de délicats motifs chinois. Tellement précieux qu'on se demande comment on a pu oser en jouer ! Personnellement, j'ai eu un faible pour la collection d'instruments à corde du maître pragois Thomas Andreas Hulinzky, au XVIIIème siècle. Notez sa magnifique guitare de 1754 et, bien sûr, les inévitables violes d'amour, au nom si poétique. La salle des cordes offre de véritables surprises. A côté d'un violon aux dimensions lilliputiennes, trône un magnifique violon baryton, dont le manche, étrangement décalé vers la droite, est surmonté d'une tête d'homme à chapeau.
Répartie sur les premiers et deuxièmes étages, l'exposition permanente se démarque par la diversité des instruments exposés. Mais surtout, le visiteur ne ressent aucune impression de monotonie tant les découvertes sont au rendez-vous. Insolite, cet échantillon de harpes françaises de style Empire, décorées comme des ponts parisiens ! Ou encore la série de piano-girafes, dont toute la structure est verticale. Plus loufoque : l'harmonium en verre, fait de plaques de taille décroissante et dont le son est... finalement presque harmonieux !
Comment le savons-nous ? Dans chaque salle se trouvent des bandes sonores, qui permettent au public d'écouter le son des instruments exposés. Un point fort, qui rend l'exposition très vivante et illustre aussi le souci pédagogique de ses organisateurs. De même, des panneaux en tchèque et en anglais donnent de précieux repères historiques et retracent les grandes innovations.
La musique microtonale, qui naît aux alentour des années vingt, fournit un exemple étonnant de dépendance entre concept musical et fabrication de l'instrument. Cette technique consiste à utiliser des intervalles de plus en plus petits (quart de ton, sixième de ton...). Grande figure de la musique microtonale, le musicien tchèque Alois Haba faisait construire des pianos spécialement adaptés à cette technique. L'exposition offre d'intéressants modèles d'harmoniums à 6 tons, généralement équipés de 3 claviers, dont le dernier est tout bonnement minuscule !
Autre point fort de l'exposition : le nombre important d'instruments fabriqués en Bohême, qui rappelle, si besoin était, la solide tradition des terres tchèques dans cette discipline. Mais aussi dans l'avant-garde ! Ainsi, la salle consacrée au jazz et au rock tchèque se donnerait presque des airs futuristes. Qui pourrait croire que ce synthétiseur Crémone, aux allures de tableau de bord de vaisseau spatial, date de 1956 ! Notons que le concept de prototype n'attend pas le XXème siècle en Bohême. La salle des clavecins le prouve, avec cet étonnant clavecin-meuble de 1700 dont le flanc est orné d'une rangée de tiroirs !
Organisée par Eva Paulova et Bohuslav Cizek, l'exposition permanente du musée de la musique est un passage obligé pour tout mélomane ou amateur de belles choses. Insolite, elle est aussi très bien faite et constituera un instrument précieux pour tout chercheur ou étudiant en musicologie.Quittons-nous sur une anecdote recueillie au musée : saviez-vous que la célèbre rue Nerudova, dans Mala Strana, s'appelait avant la rue "Loutnarska", autrement dit la "rue des luthiers" ? L'enseigne "Aux Trois Violons" est encore là aujourd'hui pour le rappeler.