Du baron Trenck à l'époque contemporaine
Qui n'a pas lu, dans les années cinquante, le roman relatant les évasions spectaculaires du baron de Trenck, un chefs des « Pandours », comme on les appelait, des soldats réputés féroces et avides de sang, en fait des sortes de soldats à gage, opérant un peu dans toutes les armées des princes et roi d'Europe. Ce n'est pas du baron de Trenck, lui-même, que nous parlerons dans la rubrique touristique de cette semaine, mais d'une des prisons où il a été détenu et où il a trouvé la mort. Cette prison, c'est celle de la forteresse ou citadelle, du château qui domine la ville de Brno, le chef-lieu de la Moravie.
Le Spilberk, aujourd'hui le siège du Musée de la ville de Brno, a eu une histoire mouvementée. Revenons, un peu, dans le passé. Le château, qui a toujours eu l'apparence d'une citadelle, d'une place-forte, a été fondé par le roi de Bohême Premyslide Otakar II, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Brno se trouve dans un environnement relativement plat, mais, presque dans le centre se trouve un éperon rocheux. C'est lui a été choisi pour y construire le château, en raison des possibilités de défense qu'il offrait. Spilberk, en allemand Spilberg (Berg pour colline ou montagne), était le nom de l'éperon rocheux, à l'origine, ensuite il donna son nom au château. En sept siècles de son existence, il a changé d'apparence, avec une reconstruction à l'époque du baroque. Au début, il représentait une place-forte importante du royaume de Bohême, il faisait partie des châteaux royaux. Il perdit un peu de son importance, par la suite. Il fut relégué au rôle de château provincial, des margraves moraves et devint, plus tard, une énorme forteresse baroque, pour être transformé, sous l'empire austro-hongrois, en prison et caserne. Le Spilberk s'est tristement rendu célèbre par son surnom « La geôle des nations ».
Le château, en tant que citadelle a joué un rôle militaire important, pendant les guerres hussites, mais aussi lors des guerres entre les souverains du XIVe et XVe siècles. Il servit de refuge imprenable au roi de Bohême, Georges de Podebrady, lors de ces combats contre le roi hongrois, Mathias Corvine. A la fin du XVe siècle, il commence à être délaissé et, en 1560, il est même racheté par les états de la ville, enfin qu'il ne soit pas vendu à un seigneur étranger. Les états, ayant du mal à l'entretenir et même à l'utiliser convenablement, le revendent, soixante ans plus tard, à la ville de Brno. Après la Bataille de la Montagne Blanche, le château du Spilberk est confisqué par l'empereur Ferdinand II et redevient donc une propriété royale. Au cours des siècles, les fortifications, en même temps que celles de la ville de Brno, furent renforcées, bien qu'il ait été assez endommagé pendant la Guerre de Trente ans. Il a connu sa plus grande gloire militaire en 1645, lors du siège de Brno par les armées suédoises. Sous le commandement du colonel Raduit de la Souche, le Spilberk résista au siège pendant trois mois, faisant ainsi ses preuves de forteresse imprenable. Même après les reconstructions ultérieures, à l'époque du baroque surtout, il conserva son caractère de place-forte, faisant partie du système de défense de l'empire austro-hongrois. Brno, sous l'empire austro-hongrois était une ville de garnison surtout. Le Spielberk était une grosse caserne, mais il est devenu célèbre plutôt en tant que prison. En effet, de grosses casemates avaient été construites dans le rocher, tout comme des centaines de mètres de couloirs souterrains, qui conduisaient non seulement aux entrepôts de munitions ou de produits alimentaires, mais aussi aux geôles. Le Spilberk était la prison la plus redoutée de l'empire. La liste des prisonniers qui ont passé de longs séjours dans les geôles du Spilberk est longue. Elle commence par les « rebelles » qui avaitent voulu résister à l'empire austro-hongrois, lors de l'Insurrection des états, au début du XVIIe siècle. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, la forteresse de Brno prive de liberté les ennemis de l'empire, non seulement donc des prisonniers de droit commun, mais aussi des personnalités, surtout des militaires, les généraux Bonneval et Wallis par exemple, et le fameux baron de Trenck dont nous avons parlé au début. Selon la légende, ce dernier aurait parvenu à s'évader, mais les chroniques sont impitoyables : le baron de Trenck est décédé dans les casemates du Spilberk en 1749... La citadelle perd de son importance militaire, après les guerres napoléoniennes. Napoléon 1er y contribua, après la bataille d'Austerlitz (Slavkov en tchèque et qui se trouve non loin de Brno), en ordonnant la destruction d'une partie des remparts et murailles. Le Spilberk devient vraiment la « Prison des nations », au XIXe siècle, avec l'emprisonnement dans ses murs des résistants à l'empire austro-hongrois qui s'acheminait vers sa chute. Cet empire étant multinational, on laisse groupir dans les geôles du Spilberk les opposants de toutes les nationalites, aussi bien les révolutionnaires italiens que leurs 200 collègues polonais. Le château du Spilberk s'est encore inscrit deux fois dans l'histoire, malheureusement toujours en tant que prison. Lors de la Première Guerre mondiale, on y enfermait les soldats récalcitrants et les prisonniers de guerre. Au début de la Seconde Guerre mondiale, les nazis allemands y enfermèrent plusieurs milliers de patriotes tchèques et moraves. Le Spilberk devint, ainsi, une prison de transit avant l'envoi dans les camps de la mort nazis. Pourtant, dans les années 1939 -1941, les occupants nazis effectuèrent de grands travaux de reconstruction. Le Spilberk devint une caserne modèle, dans l'esprit de l'historisme romantique de l'idéologie du Reich allemand de l'époque. Après la guerre, en 1959, l'armée tchécoslovaque quitte, définitivement, la forteresse. En 1960, le Spilberk devient le siège du musée de la ville de Brno. Du point de vue architectonique, le château du Spilberk, en style gothique à l'origine, présente, encore ajourd'hui, beaucoup d'éléments de la reconstruction baroque. Pourtant, la plus grande intervention dans l'architecture d'origine a eu lieu à la fin du XXe siècle. Aujourd'hui, le Spielberk présente une apparence peut-être encore plus gothique qu'à l'origine. Toute une aile a été surélevée et on a élevé aussi l'énorme toit, ce qui change l'image de la dominante de la ville de Brno. Des fouilles archéologiques ont mis à jour les fondations d'un énorme donjon circulaire que les touristes peuvent admirer, lors des visites guidées. Celles-ci vous conduisent dans les parties baroques, surtout les fortifications de tous types qui se sont conservées, avec leurs bastions, courtines et autres. Au Spilberk se trouve aussi probablement le puit ancien le plus profond de Brno. Il avait une profondeur de 40 mètres à l'origine, mais en 1717 il fut approfondi pour atteindre la nappe d'eau souterraine à une profondeur de 114 mètres ! Avouez qu'à cette époque c'était un exploit ! Nous vous recommandons la visite des casemates surtout. Aujourd'hui, le château du Spilberk est pleinement utilisé pour les besoins du Musée de la ville de Brno. On y organise un grand nombre d'expositions de toutes sortes, certains espaces sont utilisés comme salles de représentation. En été, des tournois historiques y sont organisés et, de l'époque du baron de Trenck, il reste les murailles muettes, mais aussi le cliquetis des armes, des épées et autres instruments de mort du Moyen-Age, lors des reconstitutions de combats de chevaliers. Nous vous recommandonc la promenade à pieds, du centre de Brno, par un large escalier, avec d'énormes marches assez plates, qui ne vous fatigueront pas pour monter au sommet du rocher du Spilberk, au château du même nom. Vous y découvrirez un magnifique panorama du chef-lieu de la Moravie, Brno, et de ses environs.