Coronavirus : un prêtre pragois nous fait partager son expérience des messes 2.0
Jaroslav Mrňa est aumônier à l’église Saint-Jacques et à l’église Saint-Procope à Prague. Originaire de la région Vysočina, dans le centre de la République tchèque, il a étudié la théologie avant un doctorat en histoire ecclésiastique. Depuis neuf mois, il exerce les fonctions de prêtre, une activité qui comme bien d’autres a été contrainte de se transformer en raison de la crise du coronavirus. En attendant la réouverture complète des églises d’ici à début juin, Jaroslav Mrňa explique comment avec l’aide des nouvelles technologies sa paroisse s’est adaptée à la situation actuelle.
Quel rapport entretenez-vous personnellement avec la technologie ? Auriez-vous pu imaginer un jour célébrer des messes en ligne ?
« Pendant mon enfance, je n’ai pas été très exposé à la technologie. Je n’ai commencé à utiliser un ordinateur et un téléphone portable que quand je préparais mon baccalauréat. Mais globalement, j’ai un bon rapport avec la technologie. Elle permet de relier les gens malgré de grandes distances. On le voit bien pendant cette période de coronavirus. Grâce à elle, on peut aujourd’hui célébrer des messes ou discuter. Par exemple, j’enseigne la religion avec l’application Zoom ou sur YouTube. J’aime utiliser ces technologies même si honnêtement je commence juste à m’y mettre et que je suis encore en phase d’apprentissage. »
« Je dois admettre que cela a été une surprise de devoir célébrer des messes en ligne. Dans le passé, je participais aux messes qui étaient diffusées à la télévision depuis la cathédrale Saint-Guy ou depuis d’autres endroits où j’offrais mon aide. Je ne pouvais vraiment pas imaginer tout ce qui allait se produire ! Mais je m’adapte, je vois tout cela comme une opportunité ‘d’entrer’ chez les gens pour qu’ils puissent se connecter entre eux. »A l’annonce du confinement, il a fallu convaincre et guider les fidèles afin qu’ils suivent les messes en ligne. Quels moyens avez-vous mis en place ?
« Après un accord avec le pasteur, nous avons crée une nouvelle plateforme sur YouTube qui diffuse les offices religieux. Bien entendu, le canal n’est pas devenu tout de suite populaire. Mais je pense que les familles d’aujourd’hui, et surtout les plus jeunes, sont plus à l’aise avec la technologie. Nous avons donc trouvé une personne qui a bien voulu s’occuper de l’enregistrement des messes, de leur diffusion et de la musique. »
« Pour nous, c‘était vraiment nouveau. Nous accumulons entre 400 et 600 vues pour nos vidéos, et parfois même 300 lorsqu’elles sont diffusées en direct. Cela prouve que les paroissiens ne voient pas cette diffusion d’un mauvais œil. Mais d’un autre côté, ils attendent que les restrictions soient supprimées pour que nous puissions tous de nouveau nous réunir à l’église... Pour eux, tout cela reste quelque chose d’inhabituel. La participation à la messe manque vraiment aux fidèles. »
Concernant se passent les confessions en cette période de confinement ?
« Il n’est malheureusement pas possible d’organiser les confessions en ligne, ni même par téléphone, sur Zoom ou d’une autre manière. Ce que nous faisons, c’est que nous nous mettons d’accord individuellement avec les fidèles. Ils m’appellent sur mon téléphone qui est disponible sur notre site internet et viennent me rencontrer individuellement. Nous nous réunissons généralement dans une grande pièce et nous commençons la confession en faisant bien attention à respecter les normes d’hygiène et de sécurité. Deux mètres nous séparent environ. Aujourd’hui, il existe des salles spéciales où il n’y a plus de séparation entre le prêtre et les fidèles, comme c’était le cas autrefois. Les fidèles ont donc l’habitude de ce type de confessions. Parfois, nous faisons ça à l’extérieur. »S’interroger sur la relation entre religion et nouvelles technologies est particulièrement à propos ces derniers temps. Sont-elles selon vous compatibles ?
« Je pense que globalement, lorsque l’on se penche sur l’histoire – même si c’est à questionner - la religion n’a jamais vraiment lutté contre les différentes innovations. Même si le cœur de la religion reste le même à travers les siècles, la religion a toujours utilisé la nouveauté. Elle-même a été vectrice de nouveauté. Lorsque l’imprimerie a été inventée, des livres religieux ont été imprimés. Depuis la création d’Internet, certains prêtres prient ou célèbrent la messe au moyen de tablettes et portent même parfois des écouteurs. Je pense donc que la technologie et la religion sont tout à fait compatibles, je n’y vois aucun prolème. »
Quels espoirs et quels enseignements pouvons-nous tirer de cette pandémie ?
« J’espère que cette période influera positivement les relations entre les gens. J’ai été surpris de constater que beaucoup, même des représentants de l’Eglise, critiquaient notre époque. Mais quand les temps sont durs et quand nous sommes les témoins de guerres ou d’épidémies, il existe toujours une vague de solidarité. Je pense que cette épreuve du coronavirus représente un véritable défi. Honnêtement, je constate que même les gens qui étaient les plus obstinés font preuve aujourd’hui de solidarité et que celle-ci se répand dans toutes les couches de la société. Je pense par exemple à la solidarité parmi les sans-abris. Selon moi, après le coronavirus, viendra le temps de la réflexion sur les relations humaines mais aussi avec les entreprises. Je pense que nous avons appris que nous ne pouvons pas jouer de façon inconsciente avec la nature. »
Selon vous, quel passage de la Bible pourrait illustrer la crise actuelle ?
« C’est un choix difficile. Je dirais que le message fondamental au cœur de la Bible est le suivant : ‘traite les autres comme tu voudrais être traité’. C’est une citation du livre des Proverbes et je pense que c’est une règle générale. La Bible est l’histoire de la victoire du bien sur le mal. C’est l’histoire d’un homme qui se retrouve parfois en position de faiblesse et qui a besoin de l’aide divine. Mais c’est aussi l’histoire de relations humaines saines, entre l’homme et Dieu, qui atteint son point culminant à travers Jésus-Christ. Au fond, je pense que si un mot pouvait définir ce qu’est la Bible, ce serait ‘amour’. L’amour de son prochain et de Dieu dans la Création. »