Comme au temps du communisme, les chrétiens tchèques s’apprêtent à fêter Pâques chez eux
Comme dans beaucoup d’autres pays touchés par le coronavirus, en République tchèque aussi, les chrétiens s’apprêtent à vivre des fêtes pascales très particulières, inédites même dans l’histoire de l’Eglise. Interdiction de rassemblements de plus de deux personnes oblige, les croyants ont vécu le Carême et vivent les temps forts de la Semaine sainte en famille, parfois seuls, chez eux. Pour certains, cette situation n’est pas sans rappeler une époque révolue, sous le régime communiste, lorsque les messes étaient célébrées dans la clandestinité.
« Pour nous, prêtres à qui les autorités communistes n’ont pas attribué ou à qui elles ont interdit d’exercer le ministère sacerdotal, l’expérience des messes célébrées en famille ou entre amis, autour d’une simple table, parfois quelque part à la campagne, n’est pas nouvelle. A l’époque, célébrer un office religieux illégalement, ce que j’ai fait onze ans durant, était répressible de deux ans de prison. Mais comme mes amis, je garde un très beau souvenir de ces célébrations pascales clandestines. »
Depuis le 12 mars, quand le gouvernement tchèque a décrété l’état d’urgence et interdit les rassemblements alors encore de plus de 30 personnes, les églises sont fermées. Les offices n’ont pas été supprimés pour autant : ils continuent d’être célébrés, en l’absence des fidèles, qui peuvent néanmoins les suivre quotidiennement sur le site www.mseonline.cz.
Au-delà de l’aspect spirituel, ces messes virtuelles permettent de s’adonner à un « tourisme religieux ». Depuis son canapé, il est désormais possible de visiter des dizaines d’églises de Bohême et de Moravie et ainsi de découvrir différents styles architecturaux et ambiances.
Pour Tomáš Halík, ces fêtes de Pâques célébrées pendant la crise du coronavirus représentent un défi, et plus encore dans un pays souvent perçu comme très athée :« Je suis profondément convaincu qu’il s’agira peut-être des Pâques les plus chrétiennes que notre société ait jamais vécues. Même ceux qui, normalement, ne mettent pas les pieds dans une église, peuvent, en cette période d’épreuves difficiles, être touchés par l’histoire de la Passion du Christ. C’est un défi également pour nous, croyants : nous devrions célébrer ces fêtes simplement, sans artifices. »
Le diacre et thérapeute Elva Frouz fait partie de ceux qui, cette année, vivent la Semaine sainte différemment. A Holostřevy, une petite commune de Bohême de l’Ouest, il a rénové et transformé une cure baroque délabrée en un centre culturel, de rencontre et de méditation. On l’écoute :
« Habituellement, je célèbre Pâques avec ma famille et mes amis, au sein de notre communauté. Cette année ce ne sera pas possible, nous ne pourrons pas nous rassembler en grand nombre. Nous serons donc en famille, tout en restant en contact les uns avec les autres. Chaque année, j’organise une procession du chemin de croix : nous portons une grande croix et marchons à travers champs et forêts. Des dizaines de personnes de toute la région se joignent à nous. Cette fois, je ferai ce chemin de croix uniquement avec mes proches, nous ne serons que cinq… Mais nous aurons une pensée pour les autres. Je crois bien que nous pourrions vivre quelque chose de plus sincère et de plus authentique durant ces fêtes pascales que les années précédentes. »A l’initiative d’Elva Frouz, les cloches d’une vingtaine d’églises de Bohême de l’Ouest, de Plzeň à Karlovy Vary en passant par Domažlice, retentissent quotidiennement et à différentes heures pour exprimer un espoir commun face à l’épidémie de Covid-19 :
« Lorsque l’état d’urgence a été décrété par le gouvernement, j’ai réfléchi à la manière de soutenir et d’interconnecter les gens, croyants ou non, en cette période difficile. J’ai d’abord fait sonner les cloches dans notre paroisse à midi, et cette initiative a été très appréciée des habitants du village. J’en ai ensuite parlé à l’évêque de Plzeň, Tomáš Holub, qui a invité les autres églises du diocèse à faire de même. Nous continuerons au moins jusqu’à la fin de l’état d’urgence. Qui sait, peut-être est-ce là le début d’une nouvelle tradition… »