Cinéma : Jojo Rabbit sur la place de Žatec
Nominé récemment aux Oscars dans la catégorie des meilleurs décors, le film Jojo Rabbit a été en grande partie tourné en République tchèque, entre autres dans le centre de Žatec. Depuis plusieurs années déjà, la petite ville de Bohême du Nord est grandement appréciée des sociétés de production internationales. Toujours davantage mise en valeur par sa culture du houblon, la cité historique ne profite toutefois pas encore pleinement de cette nouvelle exposition aux yeux du monde.
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Pour la majorité des Tchèques, Žatec et ses environs sont d’abord connus – et reconnus – pour leur production de ce qu’on appelle aussi parfois « l’or vert de Bohême ». C’est de là, en effet, à quelques dizaines de kilomètres de Plzeň et à proximité de la frontière avec l’Allemagne, grâce à une culture qui s’étend sur quelques milliers d’hectares, que proviennent environ les trois quarts de la production totale en République tchèque de houblon, une plante dont les cônes sont indispensables au brassage de la bière. Réputé pour sa noblesse, le houblon de Žatec, très aromatique, est vendu dans le monde entier.
Mais depuis quelques années, Žatec n’est plus seulement la capitale du houblon. Entres autres raisons parce que les productions étrangères continuent d’affluer en République tchèque (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/infos/cinema-les-productions-etrangeres-en-republique-tcheque-continuent-de-rapporter-gros), la ville, avec ses façades ravalées sur la place mais aussi quelques coins encore délabrés, est aussi devenu un important lieu de tournage. C’est ainsi qu’elle a encore servi de décor pour Jojo Rabbit. Mais avant cette coproduction américano-allemande réalisée par Taika Waititi, qui a bien failli valoir un Oscar à sa cheffe décoratrice tchèque Nora Sopková, d’autres longs-métrages étaient déjà passés par Žatec.
« Le but des repérages en Tchéquie était de trouver le village savoyard, qu’on a trouvé pas très loin de Prague, à Žatec, où il y a déjà eu des tournages d’ailleurs » expliquait ainsi, il y a quelques années, Marc Jenny, le directeur de la société OKKO basée à Prague et coproductrice de l’adaptation au cinéma d’Un sac de billes, le célèbre livre autobiographique de Joseph Joffo. Adjoint au maire, Jaroslav Špička explique que Žatec ne possède pas seulement les atouts d’un village savoyard :« Nous nous sommes souvent posé cette question et nous avons toujours reçu la même réponse des producteurs et cinéastes : c’est le centre historique de la ville, marqué par l’histoire du houblonnage, qui leur plaît avec notamment ses bâtiments historiques bien conservés et ses voies de communication qui pour la plupart sont pavées. C’est donc cet ensemble de choses qui les conduit à choisir Žatec pour tourner des films qui ne sont d’ailleurs pas seulement historiques. »
Depuis quelques années, la petite ville de Bohême du Nord est candidate à une inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Responsable du département UNESCO au ministère de la Culture, Dita Limová avait confirmé, au micro de Radio Prague il y a quelque temps, que Žatec entendait mettre en valeur son patrimoine en lien avec la culture du houblon :« Žatec est effectivement connu d’abord pour ses monuments architecturaux liés à la culture du houblon. Cet héritage architectural est unique au monde. »
Ghetto juif, Paris en pleine révolution ou encore Dresde bombardé, Žatec a déjà été tout cela. Dans le cas de Jojo Rabbit, une satire qui met en scène la relation entre un jeune garçon de dix ans et son ami imaginaire Adolf Hitler, la ville a parfois pris des airs qui n’ont pas plus à tous ses habitants, comme le reconnaît Jaroslav Špička :
« Les avis sont toujours partagés. D’un côté, vous avez ceux qui comprennent que ces tournages profitent à la ville et sont source de rentrées d’argent. Ils apprécient aussi de suivre comment certaines scènes sont tournées sur le terrain, parfois ils participent aussi aux concours pour des rôles de figurants. D’un autre côté, vous avez ceux que ces symboles nazis dérangent. C’est vrai que leur vue peut être embarrassante. Certains nous ont par exemple demandé s’il était bien nécessaire que ces symboles soient exposés deux jours avant le tournage. Nous avons alors contacté la production qui les a immédiatement recouverts. Même si elles ne sont pas majoritaires, vous aurez de toute façon toujours des voix critiques. »Traditionnellement, Žatec est une destination recherchée des amateurs de bière, avec notamment son musée appelé Le Temple du houblon et de la bière et sa tour panoramique qui domine le centre-ville. Avec des expositions qui s’étendent sur 4 000 mètres, son Musée du houblon est aussi – ni plus ni moins – le plus grand du genre au monde… Mais comme le confirme Jaroslav Špička, la ville entend désormais profiter également de son exposition sur les écrans du monde entier :
« Jusqu’à présent, l’intérêt est encore limité. Mais nous envisageons d’installer une exposition sur les films tournés à Žatec à la galerie dite de la malterie. Récemment, la commission chargée de la culture et du tourisme travaille au lancement d’une application qui permettrait aux visiteurs de découvrir les endroits de la ville où ont été tournés les films tchèques comme étrangers. C’est effectivement une direction dans laquelle nous voulons nous orienter. »Car outre donc Jojo Rabbit et Un Sac de billes, d’autres films à succès comme Les Misérables, La Femme du gardien de zoo ou même le Yentl de Barbra Streisand au début des années 1980 et des séries comme Oliver Twist ont également exploité les décors de Žatec, très appréciés évidemment aussi des réalisateurs tchèques.