En Bohême, la découverte du plus ancien puits en bois au monde a été confirmée
Déterrée il y a deux dans le cadre de travaux préalables à la réalisation d’une autoroute dans la région de Pardubice, en Bohême de l’Est, la structure en bois de chêne d’un puits remontant à l’époque du néolithique est désormais considérée comme la plus ancienne au monde. Suite à la publication d’un article dans le Journal of Archeological Science, l’information a été communiquée, mardi, par Jaroslav Peška, directeur du Centre archéologique d’Olomouc, en Moravie centrale, qui a mené des analyses approfondies et s’occupe de la conservation de cette ossature dont la construction remonte à 5256-5255 avant J.-C.. Jaroslav Peška a répondu à quelques questions de Radio Prague International pour nous aider à mieux comprendre la portée de cette découverte exceptionnelle.
Comment êtes-vous parvenus à la conclusion que cette pièce était la plus ancienne de ce type ?
« Nous sommes parvenus à dater cette structure en bois grâce à une méthode combinée. D’abord par le radiocarbone, mais cette méthode de datation n’est pas suffisamment précise et la marge d’erreur est relativement importante. Elle ne nous a ainsi pas permis de déterminer précisément l’année où l’arbre a été abattu. C’est pourquoi nous avons ensuite recouru à la dendrochronologie, soit donc une autre méthode de datation, cette fois à l’année près, qui permet de corriger les mesures obtenues par le radiocarbone et dont le principe repose sur l’analyse de la morphologie des cernes ou, si vous préférez, des anneaux de croissance des arbres. Cette méthode est tellement sensible qu’on pourrait presque même la qualifier de miraculeuse. »Il faut donc préciser qu’il s’agit là de la plus ancienne structure en bois façonnée par l’homme jamais découverte grâce précisément à cette méthode de datation qu’est l’analyse dendrochronologique…
« C’est tout à fait ça. Car sinon, on pourrait très bien faire remarquer que nous possédons déjà des troncs fossilisés vieux de 10 à 11 000 ans. Simplement, nous ne savons pas s’ils ont été travaillés par l’homme et nous ne disposons pas de leur datation par dendrochronologie. Il est d’ailleurs très probable que l’on découvre un jour d’autres puits plus anciens encore dans la région. Deux puits ont déjà été retrouvés en Hongrie. Mais pour l’instant, nos collègues hongrois ne disposent que de leurs mesures par le radiocarbone qui sont trop approximatives et ne permettent pas de déterminer précisément quand les arbres ont été abattus et travaillés. »
Comment est-il possible que ce puits millénaire ait si bien résisté à l’usure du temps ?
« Le bois se trouvait dans de très bonnes conditions pour sa conservation. Même lors de recherches, lorsque nous creusions, l’eau souterraine continuait de monter très fort. Cela signifie que les gens à l’époque n’avaient pas construit ce puits à cet endroit précis par hasard. Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient. L’humidité et l’absence d’air sont des conditions favorables à la conservation du chêne. Elles le fossilisent en quelque sorte. C’est ce qui explique que le bois que nous avons trouvé est très dur et résistant. »Quelle est l’importance pour les historiens de cette découverte ?
« Elle nous permet déjà de savoir que cette technique était déjà utilisée à l’époque du néolithique, ce que les archéologues ne soupçonnaient pas. Aujourd’hui, nous possédons sur notre territoire trois exemples de puits, réalisés sur un espace de temps de deux siècles, qui nous montrent que ce n’était pas le cas. Concrètement, le puits se composait de poteaux qui étaient reliés entre eux par des planches plates. Jusqu’ici, on pensait que cette technique, qui n’était pas utilisée seulement pour les puits mais aussi pour d’autres constructions, appartenait à l’âge de bronze, voire même à l’époque romaine. »
Qui étaient ces hommes qui ont construit ce puits ?
« Ce sont les premiers agriculteurs qui s’établissent sur notre territoire durant le 6e millénaire avant notre ère. Ce sont des gens qui se sédentarisent et construisent les premiers sites d’habitation avec de longues maisons parfois de 40 à 50 mètres, qui domestiquent aussi les premiers animaux sauvages pour les élever et se lancent dans la culture de céréales. Autrement dit, ce sont des hommes qui adaptent le paysage dans lequel ils vivent à leurs besoins, qui maitrisaient déjà la culture des blés d’hiver et de printemps telle que nous la connaissons aujourd’hui. »