Pékin rompt à son tour l’accord de partenariat avec Prague
La décision prise jeudi par la ville de Pékin de rompre l’accord de partenariat avec Prague, en réaction à la décision similaire prise préalablement par le conseil municipal de la capitale tchèque, met fin aux relations officielles entre les deux métropoles. Tandis que la mairie de Prague entendait supprimer la mention figurant dans le contrat faisant état de la reconnaissance de la politique d’une Chine unique, les dirigeants pékinois lui reprochent une grossière ingérence dans les affaires intérieures de la Chine.
Cet accord de partenariat avait été signé en février 2016 par l’ancienne équipe municipale, à la tête de laquelle se trouvait Adriana Krnačová, membre du mouvement ANO dirigé par le Premier ministre Andrej Babiš. A l’époque déjà, l’existence de cette mention relative à la reconnaissance par Prague de la politique d’une Chine unique avait été vivement critiquée par l’opposition.
Aujourd’hui, Pékin estime que Prague a violé les termes de l’accord et endommagé les relations de confiance entre la Chine et la République tchèque. En début de semaine, l’ambassade de Chine a publié un communiqué dans lequel elle soulignait que la décision des conseillers municipaux pragois pourrait nuire aux intérêts de Prague. Dans son édition de ce jeudi, le quotidien économique Hospodářské noviny rappelait ainsi que ce n’est pas un hasard si la République tchèque compte parmi les destinations privilégiées des touristes chinois voyageant en Europe. Près de 620 000 d’entre eux, nouveau record, ont ainsi séjourné l’année dernière en République tchèque, dont la moitié à Prague.
Si les (derniers) résidents des centres de Prague ou de Český Krumlov ne seraient sans doute pas mécontents de les voir moins nombreux se promener dans les rues de leurs villes à l’avenir, commerçants et hôteliers eux, regretteraient certainement amèrement la perte d’une clientèle au fort pouvoir d’achat.
Prague ne voulait que « dépolitiser » ses relations avec Pékin
Zdeněk Hřib a réagi à ce communiqué en le qualifiant de menace ouverte, rendant ainsi de facto caduc tout accord de partenariat. De son côté, le ministre des Affaires étrangères, le social-démocrate Tomáš Petříček, interrogé par la Radio tchèque, a estimé que la décision de Pékin ne constituait pas une surprise :« C’est une mesure attendue compte tenu du fait que cela faisait plusieurs mois que la ville de Prague envisageait de rompre le partenariat en raison de la référence à la politique d’une Chine unique à laquelle la République tchèque en tant qu’Etat souscrit depuis la révolution de Velours, au même titre que l’Union européenne et les Etats-Unis. Les relations entre deux villes ne reflètent cependant pas nécessairement la politique extérieure officielle de la République tchèque. »
Si le maire de Prague a demandé au chef de la diplomatie d’intervenir, ce dernier, tout en critiquant l’ambassade de Chine, a fait savoir que ce n’était pas son rôle :
« Je me dois de respecter une décision libre prise par une organisation élue démocratiquement. Parallèlement, j’ai rappelé [au maire de Prague] que par exemple dans le domaine des droits de l’Homme, le gouvernement menait beaucoup d’actions dans sa relation avec la Chine. C’est quelque chose qui fait partie de notre dialogue pour justement ne pas nous fermer la porte dans nos discussions avec la Chine. »Selon son maire, Prague ne souhaitait rien d’autre que dépolitiser ses relations avec Pékin. La conseillère municipale Hana Marvanová, représentante de la coalition Forces unies pour Prague (Spojené síly pro Prahu), estime que la base de travail était de toute façon mauvaise depuis le début :
« Ce n’est certainement pas en forçant Prague à exprimer une position politique et à soutenir le régime en place en Chine que l’on peut envisager de coopérer dignement. Je pense que ce n’est pas là le rôle de Prague et je suis convaincue que cette mention n’aurait jamais dû figurer dans l’accord de partenariat. »
De leur côté, les députés préfèrent ne pas s’immiscer dans des affaires internes à la mairie de Prague. Vice-président de la commission en charge des affaires étrangères à la Chambre basse du Parlement, Jaroslav Bžoch, député du mouvement ANO, pense toutefois que la situation aurait très bien pu ne pas s’envenimer de la sorte :
« Cet accord de partenariat entre Prague et Pékin portait sur une durée déterminée et il ne restait plus qu’un an et demi avant qu’il n’arrive à son terme. On aurait donc très bien pu faire preuve d’un peu de patience, rediscuter des termes de l’accord à ce moment-là et demander ensuite de supprimer la mention qui pose problème de façon à pouvoir prolonger l’accord. »Et ce d’autant plus probablement que, selon Hospodářské noviny, la reconnaissance de la politique d’une Chine unique ne figure dans aucun autre accord de partenariat signé par Pékin avec d’autres villes européennes.