Les dirigeants tchèques rejettent les pressions de la Chine

Photo: josullivan.59 on Trend hype / CC BY-NC-SA

Réunis mercredi comme chaque mois au Château de Prague pour discuter des sujets d’actualité internationale, le président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et les présidents de la Chambre des députés et du Sénat ont rejeté dans un communiqué les diverses pressions et menaces exercées par la Chine sur la République tchèque. Les plus hauts représentants de l’Etat ont souligné que la République tchèque avait le droit de mener une politique étrangère indépendante.

Cela fait quelques mois déjà que la ligne entre Prague et Pékin est pour le moins encombrée. Il y a même de la friture depuis la signature, en début d’année, d’un accord de partenariat entre la ville de Prague, avec son maire pirate Zdeněk Hřib à sa tête, et Taipei. Bien qu’apolitique, puisqu’il porte sur une coopération dans les domaines économique, commercial et culturel entre les capitales tchèque et taiwanaise, ce document gène la Chine, qui considère Taïwan comme une de ses provinces. La signature de ce partenariat a fait suite à la rupture, à l’automne dernier, d’un autre accord de partenariat qui existait entre Prague et Pékin, en raison du refus des autorités chinoises de retirer la mention faisant état de la reconnaissance de la politique d’une Chine unique. Les dirigeants pékinois avaient alors reproché à leurs homologues tchèques une grossière ingérence dans les affaires intérieures de leur pays.

Plus récemment, les médias tchèques ont publié l’information selon laquelle l’ambassade de Chine à Prague avait adressé une lettre au président de la République, Miloš Zeman, bien connu pour ses positions généralement prochinoises – et qui devrait participer au sommet 17+1 à Pékin en avril prochain avec ses homologues d’Europe centrale et de l’Est -, dans laquelle elle le prévenait des sanctions et des conséquences négatives qu’aurait pour les entreprises tchèques présentes sur le marché chinois la réalisation de la visite à Taïwan envisagée par Jaroslav Kubera, ancien président du Sénat. Décédé en janvier, Jaroslav Kubera n’a finalement jamais effectué cette visite.

Miloš Zeman,  photo: ČTK/Kateřina Šulová
Mais lorsqu’il avait fait part, l’année dernière, de son intention de se rendre à Taiwan, le président de la Chambre haute du Parlement avait été vivement critiqué tant par l’ambassade de Chine que par le président Zeman, selon qui ce voyage n’était pas dans l’intérêt économique de la République tchèque. De son côté, le gouvernement chinois avait qualifié cette potentielle visite de violation de la déclaration sur l’établissement d’un partenariat stratégique que Miloš Zeman avait signée lors de la visite très remarquée de son homologue Xi Jinping à Prague en 2016.

Depuis, comme encore mardi le Premier ministre Andrej Babiš, les autorités tchèques réclament le remplacement de l’ambassadeur chinois à Prague, toujours en raison de cette lettre de représailles. Dans une interview qu’il avait accordée à la Radio tchèque en septembre dernier, le ministre de la Culture, Lubomír Zaorálek, par ailleurs chef de la diplomatie sous l’ancien gouvernement, avait relaté en des termes étonnamment fort peu diplomatiques une précédente entrevue qu’il avait eue avec l’ambassadeur chinois. Cette entrevue avait fait suite à la décision prise par les dirigeants chinois d’annuler des concerts de différents orchestres tchèques en Chine en raison des prises de position de la mairie de Prague :

Lubomír Zaorálek,  photo: ČTK / Ondřej Deml
« Selon moi, monsieur l’ambassadeur n’était pas en mesure de mener une discussion digne de ce nom. Il a dit qu’il voulait servir de pont entre les cultures tchèque et chinoise et a utilisé d’autres belles formules de ce type qui ne voulaient rien dire. Il a même dit qu’il voulait être le Pont Charles... Je lui ai répondu que cela n’avait aucun sens de parler de ponts, que ce n’étaient que des paroles en l’air et qu’il était temps d’agir. J’ai donc quitté la pièce, car il m’a semblé que cela ne servait à rien de poursuivre la discussion. En tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai rencontré en Chine de nombreuses personnes très intelligentes et très intéressantes. Mais ce que l’ambassadeur de Chine a raconté, excusez-moi, ce n’était pas possible d’écouter. »

Tout cela sans oublier non plus qu’en fin d’année dernière, le site d’actualité Aktualne.cz a révélé l’existence d’un réseau d’experts, de journalistes et de responsables politiques dont la mission consiste à influencer la société tchèque en répandant des opinions pro- Pékin dans le débat public. Ces révélations avaient suscité les inquiétudes de plusieurs députés, qui avaient réclamé l’ouverture d’une enquête.

Autant de raisons qui ont donc poussé les dirigeants tchèques, mercredi, à rappeler qu’en matière de politique étrangère, la République tchèque restait un Etat indépendant, qu’ils rejetaient et condamnaient toute forme de pression de quelle partie que ce soit, et qu’ils souhaitaient continuer à développer la coopération économique et culturelle avec Taiwan, celle-ci ne remettant pas en cause la politique d’une Chine unique.