Mariusz Szczygieł, le plus tchécophile des écrivains polonais

Mariusz Szczygieł, photo: Tomáš Vodňanský, ČRo

Ecrivain et journaliste, auteur entre autres de Gottland, un livre qui retrace l’histoire de la Tchécoslovaquie au XXe siècle à travers les portraits de quelques-unes de ses grandes figures, Mariusz Szczygieł est, comme beaucoup de Polonais, fasciné par des Tchèques qu’il apprécie beaucoup. Ses reportages en République tchèque lui ont valu de nombreux prix. A l’occasion de la publication de la traduction en tchèque de son dernier ouvrage (Není), Mariusz Szczygieł était récemment l’invité de la Radio tchèque.

Mariusz Szczygieł,  photo: Tomáš Vodňanský,  ČRo

'Gottland',  photo: Actes Sud
Entre Polonais et Tchèques, c’est un peu une histoire d’amour incompris ou inaccompli. Car autant les Polonais apprécient sincèrement les Tchèques, qui sont même leurs voisins préférés, et leur culture, autant l’inverse est tout sauf réciproque. Dans leur majorité, les Tchèques, qui préfèrent eux leurs voisins slovaques ou autrichiens, ne manifestent que de l’indifférence pour les Polonais. S’il existe bien dans les médias tchèques quelques spécialistes de l’Europe centrale, rares sont ceux à s’intéresser plus particulièrement à la Pologne, comme Mariusz Szczygieł, de l’autre côté d’une frontière qu’il traverse très souvent, le fait pour la République tchèque. Le journaliste lui-même se qualifie d’ailleurs de « crypto-Tchèque ». Mais si un de ses ouvrages les plus connus, traduit en français aux éditions Actes Sud, s’intitule Gottland, en référence au célèbre chanteur Karel Gott décédé la semaine dernière, c’est son admiration pour une autre artiste tchèque qui a fait de lui un tchécophile :

Golden Kids - Helena Vondráčková,  Václav Neckář,  Marta Kubišová | Photo: Joost Evers,  Anefo,  Nationaal Archief/Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0
« En Pologne, nous considérons qu’Helena Vondráčková est une chanteuse polonaise, tellement elle est populaire chez nous. Et c’est elle, lors d’un reportage, qui m’a fait découvrir Marta Kubišová, une grande figure que je ne connaissais pas et qui était d’ailleurs totalement inconnue en Pologne. Son histoire, avec l’opposition au régime communiste, m’a beaucoup ému et j’ai voulu la raconter aux Polonais. Mais comme elle parlait très mal anglais, et moi pas du tout, je me suis lancé dans l’apprentissage du tchèque. »

Depuis, Mariusz Szczygieł n’a donc jamais cessé de porter un regard attendri sur les Tchèques. Un regard cependant lucide, objectif et parfois même sans concessions. Et s’il ne s’exprime que très rarement sur les questions politiques, le reporter polonais a néanmoins exprimé quelques regrets lors de son passage dans les studios de la Radio tchèque :

'Il n’est pas',  photo: Dokořán,  Máj
« Aujourd’hui, en Pologne comme en République tchèque, nous vivons sous de mauvais gouvernements. Je suis déçu par les deux peuples et par l’évolution des deux sociétés. En Pologne, avec le parti PiS (Droit et Justice), nous avons une droite ultraconservatrice au pouvoir. Cette droite catholique était autrefois anticommuniste, et c’était très bien. Mais tout ce qui intéresse l’Eglise, c’est d’imposer les valeurs morales catholiques. Et pour cela, ils se comportent aujourd’hui exactement de la même manière que le faisaient les communistes quand ils le pouvaient encore. »

Son dernier ouvrage – Není (littéralement « Il n’est pas » ou « Il n’y en a pas ») – est un recueil de ses reportages littéraires. L’auteur, qui publie un texte chaque semaine dans la Gazeta Wyborcza, a été récompensé en Pologne pour son travail. Tandis que les lecteurs l’ont élu « Livre de l’année 2018 », Mariusz Szczygieł est aussi en lice pour l’obtention du très prestigieux Prix Ryszard Kapuściński, du nom d’un ancien célèbre journaliste qui compte parmi les auteurs polonais les plus traduits dans le monde. Dans ce livre, Mariusz Szczygieł évoque entre autres la perte de sa foi en Dieu, un malheur, affirme-t-il, pour de nombreux Polonais dont il s’est libéré grâce à « l’art de vivre de beaucoup de Tchèques sans Dieu ».