Marián Kočner, « l’équivalent du parrain tchèque František Mrázek » en Slovaquie
Un premier procès dans lequel Marián Kočner est mis en accusation a commencé cette semaine en Slovaquie. L’homme d’affaires à la réputation sulfureuse est également soupçonné d’avoir commandité le meurtre du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée il y a un an et demi. Les révélations publiées en marge de l’enquête sur ce crime font trembler le jeune Etat slovaque à cause de l’importance de la toile qu’aurait réussi à tisser Marián Kočner jusqu’aux plus hautes sphères, particulièrement dans les hiérarchies judiciaires et policières. Des réseaux influents, qui remontent à l’époque de la Tchécoslovaquie communiste.
Journaliste d’investigation depuis plus d’une décennie au sein de la rédaction du quotidien slovaque SME, Adam Valček a beaucoup enquêté sur les affaires de Marián Kočner, qu’il compare à une célèbre figure de la pègre tchèque, tué par balles en 2006 :
« Pour le public tchèque, le profil qui ressemble le plus à Marián Kočner est celui de František Mrázek. Pour un public étranger, je n’arrive pas à trouver de réel équivalent mais ce que je peux dire pour le décrire est que c’est un homme qui, depuis la création de la Slovaquie en 1993, est toujours dans une zone située entre les structures mafieuses et les structures politiques. Il connaît les hommes politiques et les chefs d’entreprises les plus puissants du pays, ainsi que les gens de la culture. Donc il a des liens dans toutes les couches du pouvoir national. »
« Pendant de nombreuses années, il a eu comme très bon ami le procureur général de la République. Marián Kočner est parvenu à faire poursuivre ses ennemis par la Justice. Il est aussi arrivé à faire arrêter des poursuites quand il le souhaitait, pour lui ou pour des alliés de circonstances. Et maintenant on sait qu’il y est arrivé notamment grâce à des dossiers compromettant qu’il collectionnait. Dans son coffre on a retrouvé par exemple des enregistrements d’un précédent procureur à qui il versait des pots-de-vin. »La presse slovaque a récemment publié une partie du millier de messages envoyés et reçus par Marián Kočner sur son téléphone via une application censée être chiffrée. Ces textos viennent confirmer l’ampleur de son réseau, qui trouve ses origines jusque dans les rangs de la StB, l’ancienne police secrète de la Tchécoslovaquie communiste. Adam Valček a fait des recherches dans les archives pragoises :
« Les liens de Marián Kočner avec des membres de la police de l’ancien régime étaient d’une importance cruciale. Deux de ses partenaires en affaires en sont très proches : l’un a collaboré activement avec la StB ; l’autre était un agent informateur. Ces deux individus étaient importants dans le réseau d’amis de Marián Kočner et ils sont tous les deux aujourd’hui poursuivis par la justice dans des affaires le concernant. »
Le journaliste Adam Valček a travaillé avec Ján Kuciak sur plusieurs enquêtes et il a lui aussi été menacé par Marián Kočner, qui avait constitué un dossier sur son histoire personnelle et sur sa famille. Cette semaine, Marián Kočner a été acheminé au tribunal de Bratislava en voiture militaire blindée, les autorités craignant sa fuite.