Coronavirus, robot, Ján Kuciak et Télévision tchèque parmi les préoccupations de la presse tchèque

Photo: ČTK / AP Photo / Achmad Ibrahim

L’épidémie de coronavirus est le premier sujet abordé dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. A son menu également : le centenaire de l‘invention du mot robot par l’écrivain Karel Čapek, le procès en Slovaquie avec les auteurs présumés du meurtre du journaliste Ján Kuciak et de sa compagne Martina Kučnírová, la question des pressions sur la Télévision tchèque et la nouvelle situation dans laquelle se trouve l’opposion de droite.

Photo: ČTK / AP Photo / Achmad Ibrahim
Comme un peu partout dans le monde, l’apparition et la prolifération du coronavirus ont fait les gros titres de la presse tchèque cette semaine. Une place importante a été réservée notamment aux avis de différents experts. D’après le biologiste Jaroslav Petr, qui s’est exprimé sur le site de l’hebdomadaire Respekt, nous ne sommes pas confrontés à une situation exceptionnelle :

« Il est probable que de telles maladies aient déjà existé dans le passé et que la mondialisation contribue à leur prolifération. Il faut admettre que de nouveaux virus dont nous ignorions jusqu’ici l’existence apparaîtront encore à l’avenir. »

De l’avis du biologiste, le virus atteindra aussi la Tchéquie et pourra causer des décès. Cela dit, l’heure n’est pas à la panique :

« Il y a d’abord la grippe qui fait chaque année des victimes. Je ne veux pas atténuer la gravité de l’épidémie actuelle de coronavirus, mais il ne s’agit pas d’une nouvelle peste appelée à anéantir l’humanité. On viendra à bout de ce virus, comme précédemment du SARS. »

L’expert en maladies infectieuses Ladislav Machala considère, lui aussi, que la grippe est plus « intéressante ». Dans les pages du journal Deník N, il a expliqué les raisons de son « optimisme modéré » :

« L’expérience a montré que les mesures de quarantaine ont permis d’éliminer les virus SRS et MERS. En plus, les possibilités technologiques, de médecine et de diagnostic, sont aujourd’hui beaucoup plus sophistiquées. J’espère également que la Chine, qui a sous-estimé le SARS, fera preuve aujourd’hui de sa détermination à agir radicalement ».

Le robot, « le Tchèque » le plus célèbre

R.U.R. de Karel Čapek,  photo: public domain
« Qui est le Tchèque le plus célèbre ? », s’interrogait le supplément Orientace du quotidien Lidové noviny samedi dernier, avant de répondre que c’est évidemment le robot. Il rappelle que ces jours-ci, cent ans se sont écoulés depuis son invention :

« En cherchant une appelation pour les protagonistes de sa nouvelle pièce de théâtre, R.U.R., tels des ouvriers artificiels ou des machines intelligentes, l’écrivain Karel Čapek, inspiré au hasard par son frère Josef, peintre reconnu, a choisi le mot robot. La première de la pièce au Théâtre national de Prague que l’auteur a commencée à créer un an auparavant, s’est tenue le 25 janvier 1921. Le succès de la comédie en trois actes a été aussi immense qu’immédiat. Par ailleurs, moins d’un an plus tard, la pièce a été présentée à New York, avant d’être produite sur de nombreuses scènes européennes et mondiales. »

R.U.R., la pièce de théâtre tchèque la plus connue du XXe siècle, a figuré au répertoire du Théâtre national pendant six années d’affilé. Selon l’auteur de l’article, son succès était logique, car Čapek a su ingénieusement saisir un sujet important de son époque, celui de l’influence potentiellement destructrice d’une civilisation technologique sur la société. Il a également noté :

« Paralèllement avec la diffusion de la pièce de Čapek sur les scènes mondiales, le ‘robot’ tchèque a commencé à occuper les espaces scientifique et public. Il est est devenu un phénomène global, un des symboles de la montée en puissance de la civilisation technologique. Le mérite en revient non seulement au ‘père natal’ du robot, Karel Čapek, mais aussi à son ‘père adoptif’, l’écrivain américain d’origine russe Issac Asimov, qui s’est fait connaître par ses récits de science-fiction qui avaient pour protagonistes des robots. L’auteur est allé jusqu’à définir les lois sur la base desquelles le monde qu’il a inventé avec des êtres humains et des robots qui cohabitent, doit fonctionner. »

« C’est pourtant à Čapek que le robot, tel le Tchèque le plus célèbre de tous les temps, doit sa naissance à Prague », conclut le journaliste.

Le procès Kuciak sous l’œil des médias tchèques

Le procès des auteurs présumés du meurtre du journaliste slovaque Ján Kuciak et de sa compagne Martina Kušnírová, qui se déroule depuis le 13 janvier à Pezinok, en Slovaquie, est très suivi aussi par les médias tchèques. Une des récentes éditions du quotidien Lidové noviny, par exemple, a publié le texte d’un commentateur slovaque connu qui a souligné à ce propos:

Photo: Matej Grochal,  CC BY-SA 4.0
« Ce procès peut être perçu comme le point culminant des efforts de longue date visant à instaurer des conditions normales en Slovaquie. Il constitue également un point final symbolique, aussi préliminaire soit-il, sur les années sauvages 1990. L’époque a permis la création de puissants groupes du crime organisé à travers toute la Slovaquie et leur infiltration dans le milieu politique et dans les services de sécurité de l’Etat. L’époque où les meurtres étaient une réalité quotidienne. Le procès actuel traduit les efforts visant à clore le chapitre des méthodes criminelles et à adresser le message qui dit que la société est prête à se défendre, même au prix de sacrifices humains. »

Le commentateur tourne aussi l’attention vers les prochaines élections législatives qui auront lieu en Slovaquie le 29 février, « à l’ombre du deuxième anniversaire du meurtre de Ján Kuciak et de sa fiancée » et sur lesquels le procès en cours n’aura probablement que peu d’effet. L’occasion d’observer que l’ascension du Parti populaire-Notre Slovaquie (LSNS), une formation ultranationaliste, xénophobe et europhobe de Marian Kotleba que les intentions de vote placent en deuxième position, semble signaler que la Slovaquie n’a quand même pas devant elle des années calmes et de perspective d’une situation politique stable.

La Télévision tchèque, un média public strictement suivi

Photo: Eva Odstrčilová,  ČRo
La société civique doit être vigilente pour ne pas se faire voler la Télévision publique tchèque. C’est un appel lancé dans un texte publié sur le site Aktualne.cz en rapport avec les remaniements, prévus pour ce mois de mars, au sein du Conseil audiovisuel pour la télévision. Son auteur explique :

« Dans une situation normale, la fin des mandats de six des quinze membres qui composent le Conseil ne poserait aucun problème. Toutefois, on est loin d’un tel état, car les médias publics sont désormais strictement suivis. Pire : ils sont devenus les cibles d’attaques, des quotas dont certains partis et représentants politiques voudraient s’emparer. C’est également pour cette raison que la Télévision tchèque fait aujourd’hui l’objet d’un grand intérêt. »

Le commentateur indique que parmi les candidats au Conseil, on trouve, à côté de noms de personnalités dignes de respect, des personnes qui souhaitent ouvertement rétrécir, voire supprimer la télévision publique. Il note en outre qu’une « pression sur la Télévision tchèque est déployée également par la Conférence épiscopale tchèque », qui a nommé une candidate proche des Václav Klaus, père et fils, qui sont à l’égard de ce média particulièrement critiques.

L’intégration de la droite : une mission plus impossible que jamais

Le rêve d’une integration de la droite à l’approche des élections législatives de 2021 est désormais plus éloigné que jamais. Et ce au moment où une importante partie de la population qui a pour priorité la défaite du mouvement ANO d’Andrej Babiš, ne souhaite pas l’émiettement des forces de l’opposition. « Ce sont les chrétiens-démocrates qui ont enfoncé le dernier clou dans son cercueil fictif », prétend un commentaire publié sur le site www.rozhlas.cz/plus à l’issue du congrès de samedi dernier du parti KDU-ČSL. Son auteur précise :

Photo illustrative: 8385 / Pixabay,  CC0
« Il y a d’abord le Parti pirate qui a annoncé vouloir s’émanciper. C’est aussi le principal parti de droite, l’ODS, qui a ambitionne de se présenter indépendemment. Les chrétiens-démocrates, quant à eux, ont longtemps souligné la nécessité d’une approche commune des partis de droite. Leur président nouvellement élu Marian Jurečka semble pourtant changer de cap en proposant au parti de sortir de la masse de l’opposition et de se profiler avec ses propres initiatives. »

A noter aussi, selon le commentateur, qu’au sein des trois partis mentionnés se font entendre des voix qui admettent mener un dialogue avec le mouvement ANO, une chose jusqu’ici inadmissible. Or, tandis que l’actuel gouvernement de coalition de ce dernier avec les sociaux-démocrates est orienté à gauche, il est possible que, demain, ANO favorise une orientation à droite.

« Donner un nouveau souffle à la politique tchèque serait évidemment souhaitable. Toutefois, les mains tendues à Babiš auraient de quoi prendre au dépourvu les participants aux manifestations anti-Babiš qui se tiennent régulièrement à Prague et ailleurs », remarque enfin le commentateur.