Pour lutter contre les campagnols, quel usage les agriculteurs tchèques pourront-ils faire du phosphure de zinc ?
Experts des ministères de l’Agriculture, de la Santé, de l’Environnement, écologistes et autres spécialistes des animaux se sont réunis, ce lundi, pour discuter du grave problème que constitue la pullulation des campagnols des champs. Vendredi dernier, le ministère de l’Agriculture a suspendu l’autorisation d’une utilisation générale d’un rodonticide appelé Stutox 2, un produit destiné à l’élimination des nuisibles rongeurs. Les écologistes estiment que le poison nuit aussi aux autres animaux, notamment aux rapaces et au gibier.
Dans un communiqué de presse publié vendredi, le président de la Fédération agricole a d’abord rappelé que les invasions de campagnols étaient un problème courant et cyclique, et que l’amplitude des fluctuations de sa population variait d’une année à l’autre. Avant de préciser que la prolifération observée cette année dépassait les proportions habituelles. Pour les cultivateurs tchèques, lutter contre ce petit rongeur au corps trapu et arrondi qui colonise les surfaces agricoles, est donc devenu une priorité, comme l’a confirmé le porte-parole du ministère de l’Agriculture, Vojtěch Bílý, avant la réunion de ce lundi :
« Nous nous attendons à ce que nos collègues des autres ministères nous présentent des propositions concrètes de façon à pouvoir faire avancer les choses et à trouver une solution qui convienne à toutes les parties concernées. Car ce qui est sûr, c’est que nous considérons que la situation actuelle est très grave, plus particulièrement dans le sud de la Moravie. Les agriculteurs risquent des pertes de l’ordre de plusieurs centaines de million d’euros. Il est donc urgent de résoudre le problème. »
En se nourrissant de plantes herbacées et des graines prélevées à la surface du sol, le campagnol des champs est un grand ravageur des cultures notamment de céréales. Comme dans d’autres pays, en République tchèque aussi, le contrôle de ses populations se fait essentiellement par traitement chimique. La substance toxique utilisée dans les champs de Bohême et de Moravie s’appelle le Stutox II, un rongicide à base de phosphure de zinc.Jusqu’à présent, le ministère de l’Agriculture a enregistré vingt demandes pour une application du produit qui se présente sous forme de granulés en plein champs, autrement dit également à la surface de ceux-ci, et pas seulement dans les terriers des campagnols. Toutefois, aucun cultivateur n’y a encore eu recours. Entre autres raisons parce que le phosphure de zinc menace également la faune non-cible, en particulier les rapaces qui comptent parmi les prédateurs des campagnols et les mammifères. L’ornithologue Václav Zámečník explique ainsi les risques encourus par les oiseaux chasseurs de rongeurs :
« Le produit qu’ils vont ingérer en attrapant des campagnols encore vivants a des conséquences néfastes sur eux. Certes, les oiseaux ne mourront pas sur le champ, mais le produit peut grandement influencer leur reproduction ou même leur survie. »
Employé à l’Institut de recherche agricole (ZSÚ), Jakub Beránek tempère toutefois cette idée. Selon lui, en effet, le rotonditice agit sur les organes internes du campagnol, ce qui limiterait les effets non intentionnels, et notamment le risque d’intoxication pour les autres animaux :
« Le Stutox est une substance qui se transforme en gaz toxique dans l’estomac des campagnols et qui, de fait, reste dans leurs entrailles. Or, ce que mangent généralement les rapaces, ce sont les muscles des rongeurs, et pas les intestins. Mais même si c’était le cas, les rapaces possèdent un réflexe nauséeux très développé, ce qui fait qu’il vomit ces choses-là. »Il existe néanmoins d’autres moyens pour contrôler les populations de campagnols des champs, notamment la mise en œuvre sur le long terme d’un certain nombre de pratiques comme le piégeage, la déstabilisation des sols ou encore le piétinement. Mais en plus de n’être efficaces sur le long terme, toutes présentent le désavantage de nécessiter d’importants besoins en main-d’œuvre, bien plus importants qu’en cas de recours au Stutox ou à une autre substance chimique.