Le Président tchèque agit-il anticonstitutionnellement ? Oui, selon les sénateurs
Le Sénat tchèque a voté en faveur de poursuites contre le président Miloš Zeman pour violation présumée de la constitution du pays, entre autres parce qu’il a refusé de nommer un ministre. Cependant, vu la composition de la chambre basse, il est peu probable que cette initiative aboutisse.
Ce n’est pas tous les jours que le plus long mot de la langue française peut servir, donc allons-y gaiement : les sénateurs à l'origine de ce vote estiment que le chef de l’Etat préside anticonstitutionnellement.
Ils ont d'abord accusé le président et son entourage de chercher à influencer le système judiciaire. Sept autres accusations de violation de la constitution ont également été portées contre lui, notamment pour ne pas avoir agi conformément à la politique étrangère officielle et pour avoir refusé de limoger ou de nommer un ministre.
Pour que cette plainte aboutisse et soit portée devant la Cour constitutionnelle, un autre vote est nécessaire à la Chambre des députés, avec une majorité des trois cinquièmes des élus, ce qui est hautement improbable.
Mais le sénateur Jiří Růžička (TOP 09 + maires et indépendants) a déclaré que la Chambre haute était tenue d'agir :
« Nous ne pouvons pas déterminer à l’avance si la Chambre des députés l’approuve ou non. Mais nous, qui devons veiller au respect de la Constitution, sommes d’avis qu’elle n’est pas respectée. Nous devons agir, quelle que soit la suite des événements. »
Après le vote de mercredi à huis clos, le chef du groupe des sénateurs ODS, Miloš Vystrčil, a déclaré que la Chambre haute, dont l’utilité est souvent débattue à Prague, s’acquittait de la tâche pour laquelle elle avait été créée.« Je suis heureux que le Sénat ait réussi à s'acquitter de son devoir et des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution et à donner à la Chambre des députés l'espace nécessaire pour permettre au public tchèque, à la population tchèque, de savoir si le président viole la constitution. »
Le président de la Chambre haute, Jaroslav Kubera (également ODS), était l'un des sept sénateurs qui se sont abstenus mercredi. Il affirme que le chef de l'Etat est principalement coupable de ne pas adhérer à des principes politiques anciens:
« Ce n’est pas une question de respect de la constitution ou autre. C’est simplement une question de bon sens pour lequel nous n’avons pas besoin de la constitution. Si, et il s’agit d’une règle politique, un parti de la coalition a le droit d’occuper un poste de ministre, il procède à une nomination. Si l'autre formation ne l'aime pas, elle ne peut pas remettre ce choix en question. Sinon, ça ne sert à rien de former une coalition. »
Une référence ici du président du Sénat au feuilleton politique de l’été concernant le remplacement du ministre de la Culture, que le Président bloque depuis plusieurs semaines, en outrepassant ses pouvoirs selon ses critiques.La procédure visant le Président de la République a été vertement critiquée par son porte-parole Jiří Ovčáček :
« Du point de vue factuel, cela n'a aucun sens, car les chances que cette initiative soit également approuvée par la Chambre des députés sont presque nulles. Quant au contenu réel, cela n'a rien à voir avec la Constitution. C'est un pamphlet politique. »
Une procédure similaire avait été initiée sans aboutir il y a six ans, quand une plainte constitutionnelle contre le chef de l'Etat de l'époque, Václav Klaus, avait été débattue suite à l’amnistie de grande ampleur qu’il avait décrétée.