A Prague, Svetlana Tikhanovskaïa rend hommage à Václav Havel et appelle à soutenir les opposants biélorusses
La cheffe de file de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa est en République tchèque pour quatre jours et appelle Prague à agir contre le régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko et à soutenir les prisonniers politiques. A côté de nombreuses rencontres officielles, l’opposante était également présente lundi soir à une manifestation de soutien au peuple biélorusse.
Exilée à Vilnius depuis août dernier pour échapper à une arrestation certaine dans son pays, Svetlana Tikhanovskaïa n’a pas cessé depuis de multiplier les déplacements à l’étranger pour faire valoir le combat de l’opposition biélorusse contre la réélection d’Alexandre Loukachenko, jugée frauduleuse et qui a déclenché une vague de manifestations sans précédent dans la dernière dictature d’Europe.
Cette enseignante s’était présentée à l’élection présidentielle du 9 août dernier, remplaçant au pied levé son mari blogueur, emprisonné quelques mois auparavant pour « troubles à l’ordre public ». Alors que ni l’Union européenne, ni les Etats-Unis ne reconnaissent l’élection de Loukachenko, le chef du Sénat tchèque, Miloš Vystrčil (ODS), à l’origine de l’invitation à Prague de l’opposante, l’a désignée lundi comme « president-elect » selon la terminologie des scrutins américains, soit comme vainqueur d’une élection qui n’a pas encore pris ses fonctions :
« L’élection présidentielle d’août 2020 n’a pas été libre, elle n’a pas été juste, elle était illégale. Je veux souligner que, en ce qui concerne sa politique diplomatique, le Sénat tchèque soutient et s’inscrit dans la lignée de la politique étrangère de l’ancien président Václav Havel. Le Sénat tchèque soutient les libertés et les droits fondamentaux, ces choses qui sont pour nous les plus importantes. »
La référence à l’ancien dissident au régime communiste et premier président de la Tchécoslovaquie libre après 1989, promoteur d’une diplomatie basée sur la défense des droits de l’Homme, a été renforcée par une visite de l’opposante biélorusse à la veuve de Václav Havel, Dagmar Havlová. Dans un tweet accompagné de photos des deux femmes, Svetlana Tikhanovskaïa a rappelé que la toute dernière lettre de Václav Havel avait été pour les prisonniers politiques biélorusses.
Le déplacement de Svetlana Tikhanovskaïa à Prague s’inscrit dans un contexte de regain de tensions avec Minsk, alors que les 27 Etats de l’UE ont décidé d’isoler la Biélorussie en fermant leur espace aérien à ses avions, après le déroutage d’un vol Ryanair sur Minsk. Ce détournement avait permis au régime d’arrêter le journaliste et militant d’opposition Roman Protassevitch qui, a été vu, depuis, à la télévision biélorusse dans le cadre d’une interview « forcée et vraisemblablement manipulée », estime le ministère des Affaires étrangères tchèque qui demande sa libération. Svetlana Tikhanovskaïa a appelé à soutenir les prisonniers politiques biélorusses, par exemple via des lettres et des e-mails et est revenue sur les « aveux » de Roman Protassevitch :
« De toute évidence, il a été battu et torturé. On l’a obligé à reconnaître, face à la caméra et devant un large public, des crimes qu’il n’a jamais commis. »
Parmi les soutiens déployés par la République tchèque, en réaction à la répression des manifestations pacifiques en Biélorussie, la création par le ministère de l’Education de bourses destinées aux étudiants biélorusses, pour leur permettre de venir poursuivre leurs études en Tchéquie. Ce soutien universitaire était également l’objet de la visite de Svetlana Tikhanovskaïa à l’Université Charles, avant de se rendre place de la Vieille-Ville où une foule l’attendait dans le cadre d’un rassemblement de soutien aux manifestants et prisonniers politiques. Un autre événement de ce type, sous forme de concert gratuit, doit se dérouler ce mardi soir sur la presqu’île de Kampa.
Avant cela, Svetlana Tikhanovskaïa aura rencontré dans la journée le président Miloš Zeman, mais aussi le Premier ministre Andrej Babiš, lui qui avait refusé en septembre dernier d’inviter officiellement l’opposante à un sommet du groupe de Visegrád, préférant attendre une prise de position commune de l’Union européenne.