Bohemia Jazz Fest : Trois questions à Rudy Linka

Rudy Linka, photo: Adam Kebrt, ČRo

Une vingtaine de concerts de jazz gratuits dans 6 villes et sur les plus belles places du pays, c’est la promesse du Bohemia Jazz Fest. Cette année, c’est la quatorzième édition de ce festival qui commence lundi sur la place de la Vieille-Ville à Prague. Pour l’occasion, Radio Prague a rencontré Rudy Linka, grand guitariste de jazz tchèque, et organisateur de ce festival.

Rudy Linka,  photo: Adam Kebrt,  ČRo

C’est la quatorzième édition du Bohemia Jazz Fest, qu’a-t-elle de particulier ?

« Cette année, le festival célèbre la liberté, pour les 30 ans de la révolution de Velours. Je pense que le jazz est la façon la plus directe de proclamer sa liberté. Notre logo cette année, c’est une cage à oiseaux avec un saxophone dedans qui se demande s’il devrait s’envoler. C’est un beau symbole, parce que notre révolution a trente ans, mais la liberté n’est peut-être pas totalement garantie. »

Quel a été la place du jazz dans cette Révolution de Velours ?

« Pour moi, le jazz c’est l’ouverture. Pendant la Révolution, il y avait beaucoup de musiciens : Michael Kocáb, Michal Prokop, et ils se sont engagés en politique. C’est logique, je pense : ils étaient habitués à être sur scène, à parler aux gens, ils n’avaient pas peur, et ils savaient ce qu’est la liberté.

Le fait que le festival soit gratuit est très important, car les Tchèques ont été enfermés pendant tant d’années… Aujourd’hui, c’est plus ouvert, mais surtout ouvert à ce qu’il y a de plus commercial. Il y a beaucoup de groupes qui viennent : AC/DC, ZZ Top, Madonna, et c’est plutôt cher. Et je pense que c’est beau d’avoir quelque chose de gratuit. Vous pouvez passer par là, vous arrêter si vous aimez, et repartir sinon. C’est ça, la liberté.

L’année dernière, un festivalier est venu me dire : ‘il y a eu la Révolution en 1989, on a commencé à voyager à l’Ouest, et puis on rentrait chez nous’. Et soudain, en 2010, il marchait sur la place de la Vieille-Ville, et il y avait Stanley Clark ! Et là mon festivalier s’est dit : ‘ok, c’est ça, la révolution ! Je n’ai pas besoin d’aller à l’ouest pour voir un truc incroyable !’ Pour moi, c’est l’enjeu du festival : c’est gratuit, c’est pour tout le monde, et ce sont les meilleurs joueurs, ni plus ni moins. »

Quels sont les trois artistes à ne surtout pas rater au festival cette année ?

« Ralph Towner, d’abord. C’est un génial guitariste, un bon ami. Il a créé un truc bien à lui. C’est le maître absolu.

Ensuite je dirais Stefano Bollani. Il n’a jamais joué en République tchèque, il est italien. Il a joué avec Chick Corea, Pat Metheny, tous ces gars qu’on connaît tous et qu’on adore.

Et enfin je dirais Tuck and Patti, c’est un duo californien. Je les connais depuis 30 ans. Tuck est un guiratiste incroyable. Il joue comme Jimi Hendrix et Joe Pass. Imaginez ce que ça peut donner et allez voir ! Ces deux gars sont incroyables et Tuck les rassemble parfaitement mais avec son propre son. Et sa femme, Patti, c’est une chanteuse de blues qui me rappelle Janis Joplin, et je suis très heureux de fêter les 30 ans de la Révolution avec eux.

Notre festival n’est pas un musée. Ce n’est pas un lieu où quelqu’un jouant comme Louis Armstrong pourrait être invité. J’adorerais avoir Louis Armstrong sur scène, et j’essaye de n’inviter que des gens qui inventent quelque chose.

Le jazz est très créatif. Par exemple, j’adore Django Reinhardt. Mais ça n’aurait pas de sens de jouer comme Reinhardt. Ce qu’il faut, c’est apprendre à jouer comme lui pour en tirer sa propre musique. C’est vraiment difficile… Bon, maintenant je suis un peu bloqué. J’adore Django, et j’adore Armstrong, et j’adorerais les avoir au festival. Mais les gens que j’invite sont des créateurs, qui ont des influences, mais qui vont plus loin encore. »

Le Bohemia Jazz Fest, ce sera les 8 et 9 à Prague, le 10 à Plzeň, le 11 à Liberec, le 13 à Domažlice, le 14 à Tábor et le 15 à Brno. Toutes les informations sur le site du festival : bohemiajazzfest.cz/en