Bez Andreje : l’application smartphone qui déclare la guerre commerciale à Babiš

Photo: iTunes

Il y a deux semaines, environ 250 000 personnes manifestaient sur l’esplanade de Letná contre le premier ministre Andrej Babiš, fondateur d’un groupe très présent dans le secteur agro-alimentaire. 250 000, c’est également à peu de choses près le nombre de téléchargements à ce jour d’une application smartphone nommée Bez Andreje (sans Andrej), qui permet aux Tchèques de savoir si les produits qu’ils achètent sont Babiš-free.

Photo: iTunes
"Bez Andreje", c’est la création de Martin Vytrhlík, un développeur d’applications smartphones très remonté contre le Premier ministre. « Il est inacceptable que quelqu’un qui a autant d’intérêts privés puisse dicter les règles », dit-il.

Lancée en 2016, l’application a connu très rapidement un immense succès. Le principe est simple, vous scannez, avec votre smartphone, le code-barres d’un article, et l’application vous dit si, en l’achetant, vous donnez un peu de votre argent à Andrej Babiš.

Si c’est le cas, la tête d’Andrej Babiš apparaîtra de couleur rouge sur votre écran. Si la marque que vous achetez ne fait pas partie de l’empire industriel et médiatique du premier ministre, alors la tête apparaîtra en vert.

Les résultats donnés par l'application sont édifiants.

Selon le créateur de l’application, plus de 10% des produits des étalages des supermarchés sont des produits Agrofert, le groupe à la tête duquel siégeait Andrej Babiš jusqu’en 2017, avant de le transférer vers des fonds fiduciaires, pour se conformer à la nouvelle loi appelée Lex Babiš, votée pour limiter ses conflits d’intérêts.

Les premiers produits concernés sont donc le pain et la viande. Agrofert regroupe des centaines d’entreprises, des dizaines de milliers d’employés à travers la Tchéquie, la Slovaquie et d’autres pays, surtout dans le domaine de l’agro-alimentaire. Mais Agrofert possède également des usines pharmaceutiques, une station de radio et une chaîne de télévision, ainsi que deux des plus importants quotidiens tchèques : Lidové Noviny et donc DNES, comme on l’a vu.

Pas un appel au boycott

Martin Vytrhlík,  photo: DVTV
« Je n’appelle pas au boycott, dit le créateur de l'application. Je veux montrer aux gens que le Premier ministre possède beaucoup de choses, et beaucoup d’entreprises qui sont directement liées à nos vies et au budget national de la République tchèque. Après, les gens font ce qu’ils veulent de cette information. Je sais que certains s’en serviront pour boycotter Babiš, mais je ne crois pas que ça soit le point principal. Il s’agit avant tout d’être conscient de la place d’Andrej Babiš dans notre pays. »

Et Martin Vytrhlík insiste là-dessus : le problème dépasse la seule personne d’Andrej Babiš, c’est bien le conflit d’intérêt qui est visé. Évidemment, cela ne lui évitera pas d’être accusé d’être payé, selon les rumeurs, par les opposants de Babiš, par le multimillionnaire Zdeněk Bakala, ou, plus classique, par Georges Soros. A ces accusations, Martin Vytrhlík se contente de répondre malicieusement :

« Ce serait génial si je pouvais être payé par ces gens, je pourrais recevoir de l’argent pour rembourser ce que j’ai dû payer pour développer cette appli. Je fais ça sur mon temps libre, j’ai payé le serveur avec mon propre argent comme tout le reste. Donc je serais très content d’avoir un peu d’argent en retour, à vrai dire… (rires) »

Une autre application pour un e-commerce Babiš-free

Photo: Chrome
Une autre application existe, lancée par un autre développeur, Honza Binder, elle s’appelle #sorryjako: Nakupujte bez Babiše, qu’on traduirait par « faites vos courses sans Babiš », l’expression « sorry jako » fait quant à elle référence à une sortie célèbre du Premier Ministre refusant de répondre à un journaliste lui demandant les revenus qu’il perçoit grâce à Agrofert.

Il s’agit donc d’une extension Google Chrome qui vous aide à faire vos courses en ligne tout en évitant de donner de l’argent à Agrofert. L’application masque les produits Agrofert sur trois sites de e-commerce : nakup.itesco.cz, kosik.cz and rohlik.cz. Andrej Babiš n’a donc qu’à bien se tenir, en plus de la rue, ce sont les génies du web qui lui ont déclaré la guerre… commerciale.