Au DOX, les montages morbides de Kryštof Kaplan

Kryštof Kaplan, 'Tension', photo: Centrum DOX

Jusqu’au 10 juin, le DOX propose une exposition de Kryštof Kaplan, Tension. Déclinant ce thème autour de la fragilité de l’espèce humaine et de l’omniprésence, le sculpteur tchèque explore le morbide, et effraye autant qu’il fascine. Visite guidée de l’exposition avec Lucie Laitlová, responsable marketing au DOX, au micro de Colin Gruel.

« Bienvenue à l’exposition de Kryštof Kaplan, Tension. Kaplan est né à la fin des années 1980, il se concentre sur l’opposition entre la dynamique et la stabilité, le poids et la légèreté… Ici au DOX, dans cette exposition, la tension est envisagée comme un moment avant l’activité, avant le mouvement. »

Autant dire qu’avec une définition aussi large, le sculpteur s’autorisait un champ d’expression plutôt large. Mais c’est vers la mort que Kryštof Kaplan a décidé de se tourner dans les trois salles de son exposition.

« La première partie est inspirée par le livre d’Elisabeth Kubler-Ross, Vivre avec la mort et les mourants, qui se concentre sur la mort et les phases avant la mort, les phases émotionnelles ou psychiques de la personne. Il y a plusieurs phases de réconciliation avec la mort. Cette série devant nous a été préparée pour le diplôme de Kryštof Kaplan à l’Académie des Beaux-Arts. »

Très concrètement, la première salle propose cinq objets du quotidien, notamment une chaise, et un lit, mais totalement déstructurés, comme sur le point de s’effondrer. Le tout dans une pièce aux murs immaculés, d’une blancheur presque inquiétante. Une première salle qui nous plonge dans l’ambiance : lourde, froide, et agréablement dérangeante…

Kryštof Kaplan,  'Tension',  photo: Centrum DOX

« Il y a aussi une œuvre qui a été préparée spécialement pour le DOX. Ça s’appelle ‘Les fenêtres’. Ce sont des masses en plastique qui tentent de rentrer à l’intérieur du DOX et qui sont retenues par une bâche. Il y a aussi une tension : la masse veut entrer mais elle est encore retenue. Dans ce même cycle, on peut aussi trouver des objets qui bougent. Ce sont des ‘city lights’, ces écrans publicitaires que l’on trouve aux arrêts de bus. Il y a donc ce son, un peu dérangeant, quand l’écran publicitaire bouge. C’est le même principe : l’écran semble vouloir sortir du cadre, retenu par une bâche. »

Kryštof Kaplan,  'Tension',  photo: Centrum DOX
Plastique, écrans publicitaires, deux éléments de pollution dont on tente de se préserver, dont on essaye de contrôler l’intrusion, sans grand succès. Chacune de ces fenêtres semblent à tout moment sur le point de céder, et les tons ocre et morbides renforcent cette impression de précarité. C’est d’ailleurs la caractéristique de chacun des éléments de l’exposition de Kryštof Kaplan. Tous inertes, immobiles, ils portent en eux la possibilité d’une autodestruction…

« C’est quelque chose de mort, mais il y a toujours quelque chose qui bouge. Par exemple avec les pendules à coucou : si quelqu’un titre sur l’une des cordes, un mécanisme se met en marche et relâche des sacs sur les jambes du visiteur. A côté d’ici, il y a un objet où, dès que le mécanisme est déclenché, la machine casse la vitrine devant. Ça veut dire qu’il y a toujours cette possibilité de changer les choses, de les détruire… »

Le mécanisme autodestructeur existe, il fait partie intégrante de l’exposition, mais celle-ci n’est pas interactive. Aussi le visiteur sait qu’il pourrait d’un geste détruire les éléments qui l’entourent, mais l’intérêt réside justement là, dans cet équilibre précaire qui ne tient qu’à une chose : que le visiteur joue le jeu de l’artiste. Une ode à la morbidité surprenante, qui s’intègre parfaitement dans une salle qui prouve à nouveau sa capacité à se renouveler…

Plus d'infos : https://www.dox.cz

Kryštof Kaplan,  'Tension',  photo: Centrum DOX