La référence à la Première République protège du populisme

Photo: Lidové noviny

Cette nouvelle revue de presse est consacrée au centenaire de la fondation de la République tchécoslovaque, le 28 octobre 1918, tel qu’il a été traité dans les médias.

Photo: Lidové noviny
« Même cent ans après sa fondation, la Première République nous protège du populisme. » Tel est l’intitulé d’un article publié dans le quotidien économique Hospodárské noviny qui constate que la majorité des nombreux rappels du centenaire de cet événement ont un caractère « muséal » et que l’on n’insiste pas assez sur ce qui est d’une certaine manière vivant dans l’esprit de la Première République. Son auteur explique :

« On peut évidemment décrire la Première République comme une période au cours de laquelle la Tchécoslovaquie faisait partie des pays les plus développés au monde. Toutefois, plus importante encore est sa tradition démocratique qui nous protège des tendances autoritaires. Comme on le sait, les populistes nationalistes aiment se référer à ‘un passé glorieux’. Pourtant, en tant qu’Etat libéral, démocratique et multinational, la Première République ne s’y prête pas, car ne répondant pas à leurs concepts nationalistes. C’est donc dans la tradition de la Première République qui elle-même a fait preuve de résistance à l’égard de ces tendances que l’on peut puiser l’espoir qu’il en sera ainsi de même à l’avenir et que la Tchéquie demeurera un espace de libéralisme. »

Cela sous-entend, par exemple, que tous ceux qui tournent aujourd’hui leurs yeux vers l’Est finissent par suivre la voie de la raison et que la Tchéquie refuse de prêter l’oreille aux discours vulgaires et haineux qui font davantage penser à la Deuxième qu’à la Première République. Et l’auteur de l’article publié dans le quotidien Hospodářské noviny de conclure :

« Il faut reconnaître que les festivités liées à la naissance de la Première République sont censées avoir un certain caractère ‘muséal’. On fête en effet la fondation d’un Etat qui, à bien des égards, n’existe plus, car il recouvrait un territoire qui est aujourd’hui partagé entre trois pays. En outre, un tiers de la population qui vivait à l’origine sur le territoire qui nous appartient aujourd’hui, a disparu. Toutefois, les célébrations en cours devraient servir également de rappel : il s’agissait d’un Etat qui a une certaine continuité avec notre présent dont le drapeau national identique n’est d’ailleurs pas l’unique référence. »

Pour ou contre l’éclatement de la monarchie austro-hongroise ?

Seriez-vous favorables à la survie de la monarchie austro-hongroise ? Le site ihned.cz a posé la question, en ligne, à ses lecteurs, tout une assurant qu’il ne s’agissait pas d’une véritable enquête répondant aux critères sociologiques mais, plutôt, d’un sondage social. Si, la majorité des 2 000 correspondants a salué l’éclatement de la monarchie, ceux qui, en revanche, le déplorent ont présenté différents arguments dont le site fait part :

« Un grand empire peut atteindre sur les champs politique et économique plus de choses que les petits Etats. Tel est l’argument le plus fréquent de ceux qui souhaiteraient la réinstauration de la monarchie habsbourgeoise mais qui ajoutent presqu’à l’unisson que celle-ci devrait garantir à toutes ses nations, à l’instar de la Grande-Bretagne, des droits à part égale. Un autre argument de taille soutenu : la survie de la monarchie aurait pu stopper la montée en puissance de l’Allemagne nazie et l’augmentation de l’influence de l’Union soviétique en Europe. Certains ont également exprimé l’avis que les Tchèques, prétendument incapables de gérer seuls leurs affaires, avaient besoin d’un pouvoir fort que la monarchie aurait été à même d’assurer. »

Le site ihned.cz indique également que selon une enquête de l’agence Median dont les résultats ont été rendus publics durant le week-end écoulé, pour 20% seulement des personnes interrogées, l’éclatement de la monarchie austro-hongroise était une erreur.

Ces autres hommes du 28 octobre 1918

Alois Rašín
Un texte qui a été publié dans la derniére édition du magazine Česká pozice met en relief l’apport à la fondation de la République tchécoslovaque du premier ministres des Finances, Alois Rašín qui, comme il le souligne, « a été pour le moins aussi important que celui de Tomáš Garrigue Masaryk. ».

Il rappelle que depuis cette époque-là et, notamment, sous la Première République, la question du partage des mérites de la résisteace étrangère et de la résistance locale ont fait l’objet de polémiques. D’après son auteur, aujourd’hui, celles-ci ne sont plus à l’ordre du jour, car le mérite de la fondation de la Tchécoslovaquie est attribué au trio Masaryk, Beneš et Štefánik. Toutefois, comme il l’explique, « les hommes du 28 octobre » ne devraient pas tomber dans l’oubli :

« Cela concerne en premier lieu Karel Kramář, le premier chef de gouvernement tchécoslovaque et, tout particulièrement, Alois Rašín, premier ministre tchécoslovaque des Finances qui, avec Vincenc Červenka et Josef Zamazal, ont été condamnés, le 3 juin 1916, à la peine capitale. Ils ont été sauvés grâce à l’hésitation de François-Joseph Ier à signer la sentence et à son décès, en novembre de la même année. Le nouvel empereur Charles Ier a par la suite gracié ou libéré l’ensemble des prisonniers et des résistants tchèques. »

L’article qui est en grande partie consacré à la vie et aux activités d’Alois Rašín remarque que les « hommes du 28 octobre » sont les premiers à s’être jetés dans l’inconnu, prêts à assumer, en cas d’échec, les conséquences de leurs actes. Ils n’ont attendu ni recommandations ni autorisation pour pouvoir réaliser de manière professionnelle, à partir de leur propre raisonnement, un coup d’Etat.

La République tchèque dans l’ombre de la Tchécoslovaquie ?

Le fait que le pays fête chaque année l’anniversaire d’un Etat inexistant pourrait s’inscrire sur la liste des spécificités tchèques. C’est ce que l’on peut lire dans une note mise en ligne sur le site novinky.cz. Son auteur estime pourtant qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute l’ampleur de celles de cette année qui seront accompagnées, par exemple, d’un défilé militaire jamais vu depuis la chute du régime communiste. Car un centenaire le mérite bien, note-t-il encore. Ce qu’il trouve toutefois côté paradoxal, c’est que l’Etat actuel n’ait pas de fête comparable :

« Il est vrai que le 28 septembre, on fête la Journée de l’Etat tchèque qui est symboliquement dédiée à Saint-Venceslas, mais cette fête n’a pas le même poids que celle du 28 octobre. D’autant plus qu’elle a un caractère principalement religieux. Le jour de la fondation de l’Etat tchèque indépendant qui tombe le 1er janvier est d’un intérêt encore moindre, non seulement en raison de sa date, mais aussi compte tenu de l’événement qu’il représente, un événement qui n’a pas provoqué un enthousiasme débordant... Il est alors compréhensible qu’en République tchèque, on fête davantage la fondation de la Tchécoslovaquie, car ce fut un événement d’une grande importance. Cependant, il est regrettable que son successeur, la République tchèque, demeure dans son ombre. Un brin d’amertume persiste alors, bien que l’on sache que son indépendance ne soit pas le fruit de combats. »