Un programme rend de jeunes étrangers scénaristes de leur propre histoire
Depuis avril dernier, l’Organisation internationale pour les migrations (IOM) planche sur un projet original : donner les moyens à de jeunes immigrés de décrire, l’espace de plusieurs semaines, leur quotidien en République tchèque. Intitulé « Young migrants in Czech Republic through their eyes » - « La République tchèque à travers les yeux de jeunes migrants », le projet cherche à dépeindre avec justesse l’adaptation de ces derniers dans leur pays d’accueil, leurs rencontres ou encore le regard qui est porté sur eux.
« L’ensemble du projet est basé sur l’intégration avec en toile de fond la question de savoir: comment impliquer davantage ces jeunes gens, nouveaux dans cette société. L’objectif est de promouvoir cette implication, de présenter en quelque sorte ce qu’ils peuvent tirer de la société tchèque mais aussi ce qu’ils peuvent lui apporter. »
Âgés de 16 à 29 ans, la vingtaine de participants au programme sont des personnes arrivées durant leur enfance en République tchèque, et qui ont désormais le titre de séjour voire la nationalité. Une courte formation leur a été dispensée par des professionnels du tournage vidéo pour les aider à transmettre, à travers leur travail, un message personnel.
« Tous ces jeunes savent déjà faire de la vidéo, mais nous avons besoin de formats très spécifiques. Nous leur apprenons donc à retenir l’attention des spectateurs : comment apporter leur touche personnelle et faire passer une information. Cette formation dure deux jours. Le premier a été consacré à l’aspect plus technique du travail, ce qu’il faut faire et aussi ne pas faire. Un scénariste a conseillé ces jeunes aussi au niveau de la narration. Puis la seconde session dans quelques jours, sera marquée par l’intervention d’un Youtubeur pour les aider à intéresser le public. »
Pendant plusieurs semaines, ces cinéastes en herbe présenteront ainsi leur quotidien au travers d’un téléphone portable. Filmer leurs mésaventures à la poste, les discussions avec leurs amis tchèques ou tout simplement laisser courir l’objectif dans la rue, au fil de leurs journées. Un récit à la première personne qui fait donc sens, à l’heure où les étrangers sont encore souvent présentés comme une entité abstraite.« Le plus souvent, les médias ont tendance à présenter les immigrés dans leurs reportages sans vraiment leur donner la parole. Notre plus grand souhait aujourd’hui est que chaque individu puisse avoir la liberté de se présenter tel qu’il le souhaite sans être soumis au regard des autres. Les histoires doivent être réelles et contribuer à leur intégration. Ces jeunes doivent se sentir intégrés dans la société, comme des membres à part entière. »
Piloté par le ministère de l’Intérieur tchèque, ce projet n’a pas pour but de dénoncer explicitement, et le terme d’activisme est d’ailleurs réfuté par Lucie Bultová. Néanmoins, il doit permettre de mettre des noms et des visages sur une réalité sociale.
« Cela ne changera pas les mentalités, mais cela amènera une pierre à l’édifice, en améliorant le regard que l’on porte sur les migrants. Cela donnera une vision plus positive, c’est certain. Il s’agit en quelque sorte de faire la promotion de la cohabitation entre les étrangers qui vivent en République tchèque et le reste de la société. Cette cohabitation peut être difficile mais elle peut aussi se passer sans accroc, c’est du moins ce que nous espérons. »A terme, ces courtes vidéos seront diffusées par petites pastilles sur Youtube avant d’être regroupées dans une version longue, qui sera projetée en marge du Festival du film sur la migration, qui se tiendra du 10 au 18 décembre à Prague. Un projet inédit qui pourrait bien faire des émules dans d’autres grandes villes.