Ces étrangers dont on veut bien, et les autres
Pour la première fois dans l’histoire de la République tchèque, le nombre de ressortissants étrangers vivant officiellement sur son territoire a dépassé en 2017 la barre du demi-million. Ils sont actuellement près de 525 000 à posséder un titre de séjour, parmi lesquels deux cinquièmes sont des immigrés ukrainiens et slovaques, majoritairement travailleurs et étudiants. Parallèlement à cette croissance régulière de la population étrangère ces dix dernières années, la migration illégale, elle, a baissé en 2017. Quant aux migrants syriens, afghans ou autres irakiens, dont seuls 172 ont été arrêtés par la police, la République tchèque n’est pour eux pas plus un pays cible que de transit.
Si ce type de remarques de leur président fait encore sourire un nombre relativement important de Tchèques, comme le laissent à penser les résultats du premier tour de l’élection, il en irrite aussi beaucoup, et notamment les partisans de Jiří Drahoš, mais aussi des Pavel Fischer, Michal Horáček et autres Marek Hilšer, tous candidats autoproclamés « anti-Zeman » déçus du premier tour.
Ces remarques choquent aussi les étrangers qui vivent en République tchèque et s’intéressent à son débat public. Loin du multiculturalisme de Montréal, leur ville d’origine, Patricia et Mathias, deux Québécois qui vivent à Prague depuis quelque temps déjà, avouent ainsi, tout en veillant à bien peser leurs mots, que cet aspect de la vie dans leur pays d’adoption les désole sincèrement :
Patricia : « Les Tchèques sont certes des gens introvertis, mais les commentaires racistes que j’entends parfois ici dans la rue, et auxquels je me suis malheureusement habituée, m’ont vraiment choquée les premières fois. Evidemment, tout le monde n’est pas comme ça, mais je dirais quand même que les Tchèques sont plus racistes par exemple que les Québécois ou… Peu importe qui, je trouve que c’est dommage qu’il y ait cette mentalité ici. »
Mathias : « Ici, beaucoup de monde ne tolère pas les gens qui ont une couleur de peau plus foncée. Cette difficulté à accepter les autres cultures est vraiment une chose qui me désole dans ce pays. »
Certes, le nombre d’étrangers en République tchèque augmente régulièrement ; d’un tiers en l’espace de dix ans et même du double depuis l’adhésion du pays à l’UE. Le faible taux de chômage et les conditions de vie favorables attirent ces immigrés qui sont les bienvenus et dont plus de la moitié possèdent une carte de résident permanent. Indispensables de toute façon pour faire tourner une économie tchèque dont la croissance pourrait bientôt être menacée par la pénurie de main-d’œuvre, ceux-ci sont majoritairement ukrainiens (118 000) et slovaques (111 000), selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, mais aussi vietnamiens (près de 60 000) puis européens, ressortissants issus de plus ou moins tous les pays membres de l’Union européenne, parmi lesquels quelque 3 800 Français.Viennent ensuite ces immigrés qui, eux, ne sont pas les bienvenus, pas plus en République tchèque qu’ailleurs. Leur nombre tend pourtant à baisser. Ils n’étaient ainsi qu’un peu plus de 4 700 à résider illégalement sur le territoire tchèque en 2017, soit près de 10 % de moins en l’espace d’un an. Surtout, une grande majorité d’entre eux ne devaient leur statut d’immigrés illégaux qu’au fait que leur titre de séjour qui leur avait permis d’entrer légalement sur le territoire tchèque avait expiré. Là encore, les ressortissants ukrainiens, devant les russes et les vietnamiens, arrivaient en tête du classement.
Enfin, seuls 172 migrants, majoritairement afghans, syriens et irakiens, qui transitaient par la République tchèque, ont été arrêtés en 2017, soit respectivement trois et treize fois moins qu’en 2016 et 2015 quand la crise migratoire était à son plus fort en Europe. La police tchèque le confirme elle-même : « notre pays » n’intéresse pas les migrants, ne serait-ce que ceux dont le président, le Premier ministre et nombre d’électeurs tchèques ne veulent de toute façon pas.