« En septembre 68, seul dans ses ruelles, Prague m’appartenait »
En début d’année, Radio Prague avait invité ses auditeurs à partager leurs souvenirs se rapportant au Printemps de Prague et à l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968. Parmi les nombreux témoignages que nous avons reçus, celui de Maurice Yon, fidèle parmi les fidèles de notre station, nous a plus particulièrement interpellés. Aujourd’hui âgé de 82 ans, Maurice Yon, qui vit à Reims, a voyagé à plusieurs reprises en Tchécoslovaquie dans les années 1960, jusqu’à son dernier séjour, avant un autre vingt ans plus tard, en septembre 1968. Nous l’avons donc appelé pour évoquer avec lui ses souvenirs :
« J’écoutais très souvent Radio Prague à l’époque. J’étais alors membre du Parti socialiste unifié et beaucoup de choses se passaient en France aussi. On s’intéressait donc beaucoup à ce qui se passait dans l’est de l’Europe et les réactions à l’évolution de la situation en Tchécoslovaquie étaient très partagées. Mais vous savez, la majorité des Français ne suivaient pas trop ce qui s’y passait. Me concernant, en raison de mes opinions politiques, je trouvais cela très intéressant. Je n’étais absolument pas partisan du communisme à la mode soviétique tel qu’on le connaissait. En revanche, les expériences tchèques et slovaques, oui, nous intéressaient beaucoup. »
Le 21 août 1968, jour de l’intervention militaire soviétique, Maurice Yon hébergeait chez lui, en France, une institutrice pragoise. Dans le message qu’il nous a envoyé, il évoque les larmes et le désarroi de son amie en apprenant, le matin, la fin de l’espoir qu’avait fait naître, les mois précédant, une effervescence démocratique qui, dixit Maurice Yon, « redonnait alors un sens au projet communiste ».
« J’ai eu l’occasion de me rendre en Tchécoslovaquie à plusieurs reprises dans les années 1960. Cela m’a permis d’échanger pas mal avec des amis tchèques. A l’époque, je travaillais dans un bureau de voyages à Genève de la Jeunesse agricole catholique. Nous organisions des échanges avec la ČSM (Československý svaz mládeže – Fédération tchécoslovaque de la jeunesse), notamment des stages pour de jeunes Tchécoslovaques qui leur permettaient de perfectionner leur français et de découvrir notre société. »
« La dernière fois que je suis allé à Prague dans les années 1960, c’était en septembre 1968 dans le cadre d’une conférence de Bureaux de voyages et d’échange de la jeunesse. Je garde ce passage un souvenir à la fois précis et contrasté. Des représentants de pays d’Europe de l’Est, comme on l’appelait alors, et de l’Occident participaient à cette conférence, et deux camps se formaient parmi les pays de l’Est : le camp des amis soviétiques d’un côté et le camp composé des Tchécoslovaques, des Roumains et des Yougoslaves qui était davantage tourné vers l’Occident. Prague était très calme. Je me suis promené à plusieurs reprises le soir dans la ville, et dans les ruelles au pied du château sur les bords de la Vltava, j’avais le sentiment qu’elle m’appartenait tellement j’y étais seul. Prague était et reste une ville à la fois attachante et très mystérieuse, comme l’ont décrite beaucoup d’écrivains, mais pour moi c’était un monde différent de celui dans lequel nous vivions en Occident. »