150 ans se sont écoulés depuis la pose de la première pierre du Théâtre national

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Le 16 mai, 150 ans se sont écoulés depuis la pose de la première pierre du Théâtre national de Prague, dont la fondation fut un des symboles du « réveil des nationalités » au XIXe siècle, puisqu'il s'agissait du premier théâtre en langue tchèque dans un pays dominé par la langue allemande.

Théâtre national de Prague,  photo : Filip Jandourek,  ČRo
Sa toiture couronnée d’une balustrade dorée est reconnaissable entre toutes dans le panorama praguois : le bâtiment du Théâtre national, situé au bord de la Vltava, faisant face au Château de Prague depuis sa rive droite, a été fondé il y a 150 ans, un anniversaire qui a été l’occasion, samedi d’une reconstitution théâtrale de son histoire, sur la piazzetta adjacente :

« Il y a deux cents ans, on jouait déjà du théâtre dans ce pays, mais seulement sur les marchés. On y donnait des spectacles de marionnettes, des troupes amateurs faisaient l’animation, mais il n’existait aucun grand théâtre digne de ce nom. »

Ce que racontait samedi l’allégorie de l’Histoire, interprétée par la comédienne Taťjana Medvecká, n’est en fait pas tout à fait exact puisqu’il existait déjà le Théâtre des Etats, rendu célèbre par Mozart notamment. Mais dans des pays tchèques inféodés à la monarchie des Habsbourg, les créations présentées au Théâtre des Etats sont d’abord à dominante allemande (et italienne), avant que des pièces en tchèque puissent également y être jouées.

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Au milieu du XIXe siècle, comme ailleurs en Europe, l’idée nationale gagne du terrain, et la culture tchèque connaît une renaissance significative, promue par ceux qu’on nomme les « éveilleurs », des patriotes tchèques menés notamment par l’historien et homme politique František Palacký. L’idée d’un théâtre exclusivement en langue tchèque voit le jour, et c’est Palacký lui-même qui, en 1845, soumet le projet à l'assemblée des Etats de la couronne de Bohême.

Il faudra encore plus de deux décennies, avant que ne soit posée la première pierre de l’édifice, ou plutôt les premières pierres car c’est plus d’une dizaine de pierres qui sont envoyées des quatre coins de la Bohême et de la Moravie. La première a été symboliquement taillée dans le mont Říp qui, dans l’histoire tchèque, est associée au mythe fondateur du peuple tchèque.

Taťjana Medvecká,  photo : Ondřej Lipár,  CC BY-SA 2.0
« Ce sont finalement seize pierres qui seront amenées ici. Certaines sources parlent même de vingt pierres. Une grande fête était prévue le 16 mai 1868. Près de 100 000 personnes ont afflué à Prague depuis la campagne, 60 000 étant venus à pied, les autres par des trains spéciaux. Le 15 mai s’est déroulée une grande fête, une régate, et le théâtre temporaire brillait au loin. »

Comme le raconte en effet la comédienne Taťjana Medvecká, la fondation officielle du Théâtre donne lieu à trois jours de célébrations et à des manifestations exaltées du patriotisme tchèque.

Edifié dans un style néo-Renaissance, le Théâtre national est entièrement décoré par un ensemble d’artistes dont certains seront connus ensuite comme la « génération du Théâtre national ». Josef Myslbek, Mikoláš Aleš et d’autres encore se caractérisent justement par un style allant puiser dans les canons de la Renaissance, agrémenté de recours à la mythologie slave ou à la peinture de paysage romantique.

Photo : Palickap / CC BY SA 3.0
Mais la route est longue vers l’ouverture du Théâtre : plusieurs années s’écoulent encore avant que des spectacles puissent être produits continuellement, en langue tchèque, sur la scène du Théâtre national. En effet, s’il ouvre officiellement ses portes le 11 juin 1881 avec l’opéra Libuše, de Bedřich Smetana, un incendie se déclare deux mois plus tard, ravageant une grande partie du bâtiment. L’événement est considéré comme une catastrophe nationale, et une seconde grande collecte publique est lancée pour rassembler des fonds destinés à sa reconstruction.

Ce « crowdfunding » avant l’heure a d’ailleurs trouvé son expression sur le linteau de l’encadrement de la scène du théâtre : il porte l’inscription « Národ sobě » (La nation à elle-même), témoignage de l’élan patriotique qui présida à l’édification du Théâtre.