Presse : quand l’opposition et les forces antisystème jouent la carte de la peur
Au menu de cette revue de presse : l’élection présidentielle 2023, la récente manifestation contre le gouvernement de Petr Fiala et la situation du théâtre tchèque.
La semaine dernière, le cabinet de Petr Fiala a été confronté à une motion de défiance. Une épreuve dont il est sorti victorieux. L’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt remarque :
« Le rôle de l’opposition est très important, car sa critique permet de faire sortir le gouvernement de la léthargie ou de lui proposer des solutions pertinentes. Toutefois, elle ne saurait ignorer le contexte dans lequel la politique se déroule. Il est vrai que le cabinet de Fiala a réagi à la crise énergétique lentement et que les ministres de l’Industrie et des Finances n’ont pas suivi les recommandations d’experts. Mais il y a une menace plus grave qui guette ce pays, c’est qu’il plonge dans un conflit inconciliable qui pourrait déboucher sur un bouleversement politique, voire sur des actes de violence ».
L’opposition et en particulier le chef du mouvement ANO, Andrej Babiš, sont alors appelés à en tenir compte et à mesurer leurs critiques. Attiser les émotions par le biais de déclarations agressives, démagogiques et manipulatrices signifie, selon l’éditorialiste, jouer pendant la guerre en Ukraine la carte de Poutine.
La peur de l’avenir tel un outil de manipulation
« La Tchéquie est dominée par la peur. Beaucoup s’inquiètent pour leur avenir, tandis que d’autres s’inquiètent au vu de la prolifération de la peur au sein de la société qui risque de faire basculer le système ». C’est ce que l’on peut lire dans un commentaire qui a été publié dans le quotidien Deník N au lendemain de la manifestation contre le gouvernement, « La Tchéquie d'abord », qui s’est tenue samedi dernier à Prague et qui a été ornée exclusivement de drapeaux nationaux. Selon son auteur, les émotions qui l’ont accompagnée témoignent prioritairement du caractère chaotique du débat public. Il explique :
« Dans un monde où le rôle des réseaux sociaux est crucial, les réactions rapides remplacent des réflexions tranquilles. Dans un tel climat, il est facile de confondre les causes et les conséquences. Ainsi, nombreux sont ceux qui refusent d’admettre que la situation actuelle n’est pas le fruit des activités des gouvernements, actuel et précédent, mais qu’on est en guerre et que c’est le président russe Vladimir Poutine qui en est le principal coupable. »
L’auteur d’une note mise en ligne sur le site Seznam Zprávy indique à son tour que les organisateurs de la manifestation abusent de la peur des gens, « celle-ci étant un instrument efficace servant à les manipuler ».
L’éditorialiste du site aktualne.cz estime pour sa part que c’est la peur de la vie chère et non pas les sympathies pour Poutine qui a amené une partie des 70 000 manifestants à se rassembler place Venceslas à Prague. Et d’ajouter :
« Dommage que le chef du gouvernement Petr Fiala ne soit pas venu pour dire quelques mots aux manifestants. Certes, il aurait été sifflé, mais on lui aurait finalement cédé la parole. Il aurait manifesté une audace comparable à celle dont il avait fait preuve en se rendant au début de la guerre en Ukraine à Kyiv. »
Présidentielle 2023 : Petr Pavel, favori des sondages
« Tout indique, sauf imprévu, que le général Petr Pavel, qui a annoncé ce mardi sa candidature et qui est plébiscité par les sondages, devienne en janvier 2023 président de la République tchèque. ». Un avis exprimé dans un texte qui a été publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny. « Par quoi ce militaire, ancien haut général de l’OTAN, fréquemment critiqué pour son passé communiste, a-t-il séduit la Tchéquie ? Pourquoi est-il acceptable tant pour les électeurs des partis au pouvoir que pour certains des anciens électeurs de l’actuel président Miloš Zeman ? ». Autant de questions que son auteur soulève et auxquelles il cherche des réponses :
« On peut imaginer que d’un point de vue mental et moral, Petr Pavel permet à la majorité des Tchèques de s’identifier avec lui. Sous le régime communiste, en effet, cette majorité se taisait pour pouvoir faire son travail et pour pouvoir mener une vie tant bien que mal. Après la chute du régime communiste en 1989, l’ouverture de perspectives inédites a offert à la majorité des Tchèques l’opportunité d’entamer de nouvelles carrières. Petr Pavel quant à lui a opté pour l’armée. Instinctivement, nombreux sont alors les Tchèques qui voient que le parcours de ce dernier n’est pas très différent des leurs. »
Evidemment, comme l’explique le chroniqueur de Hospodářské noviny, c’est aussi la situation actuelle qui profite au général Pavel, car la plupart des Tchèques tiennent compte de la menace sécuritaire liée à la Russie. « Ancien numéro deux de l’OTAN, il est aujourd’hui un symbole de l’alliance qui nous protège », écrit-il.
Le théâtre tchèque à l’heure d’un optimisme prudent
« Le théâtre va survivre », estime le titre d’un texte publié dans une récente édition du quotidien Lidové noviny. Son auteure explique :
« Avec l’ouverture d’une nouvelle saison, les théâtres en Tchéquie vont de nouveau jouer et présenter leurs productions, comme c’est la règle depuis au moins le XIXe siècle. Et ce en dépit de la guerre et de la crise énergétique et de ce qu’ils ne se sont pas encore entièrement remis des précédentes restrictions imposées par la pandémie. Difficile pour le moment d’évaluer les réactions des spectateurs à la hausse des prix des billets - de près de 15% rien qu’au Théâtre national par exemple – et à un certain inconfort à attendre dans les salles. »
La situation, comme l’indique l’article, sera plus facile pour les théâtres qui sont gérés par les municipalités et qui sont bénéficiaires de subventions régulières. Celle de scènes indépendantes sera plus fragile malgré l’immense essor qu’elles ont connu depuis les années 1990 :
« Les troupes indépendantes ont redessiné la carte théâtrale de Prague et d’autres villes tchèques. Au cours des trente dernières années, les jeunes diplômés des écoles de théâtres et d’autres créateurs ont pris l’habitude de former de nouveaux ensembles et de chercher de nouveaux espaces pour leur créativité. Les théâtres tchèques sont alors habitués à réagir à des situations jamais vues auparavant et à relever de nouveau défis. En ces temps compliqués, c’est un constat qui donne lieu à un optimisme prudent ».
Petr Fiala, lauréat du prix polonais L’Homme de l’année
« Le prix L’Homme de l’année qui vient d’être décerné au Premier ministre tchèque Petr Fiala est l’une des plus hautes distinctions polonaises », rapporte dans ses pages le quotidien Deník. C’est une façon, selon lui, d’apprécier non seulement le courage mais aussi l’approche du dirigeant tchèque à l’égard de l’agression russe en Ukraine :
« Le chef de gouvernement tchèque a su créer dans le pays un climat qui a rendu possible, avec l’aide des habitants du pays, d’accueillir quelque 300 000 réfugiés ukrainiens et d’envoyer à l’Ukraine une importante aide militaire.Il mérite pleinement d’être lauréat de ce prestigieux prix. »
On peut noter cependant qu’après des personnalités comme Havel ou Jean-Paul II, ce prix a été remis dans les dernières années à des politiciens beaucoup plus controversés dont Viktor Orban ou Jarosław Kaczyński.
Le journal a par la même occasion rappelé que Petr Fiala, ancien recteur et professeur universitaire, faisait en ce moment en Tchéquie l’objet de nombreuses critiques :
« Il y a pas mal de ceux qui ne mâchent pas à son égard leurs mots, comme on a pu le voir lors de la manifestation de protestation de samedi dernier à Prague. Une situation qui évoque celle du premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk, lorsqu’il avait le même âge et lorsqu’qu’il été lui aussi méprisé par une grande partie des Tchèques qui n’ont même pas hésité à casser les fenêtres de son appartement. »