Le réalisateur Jiří Menzel distingué à la Berlinale à l’occasion de ses 80 ans
Ce vendredi, un des grands noms de la Nouvelle vague tchécoslovaque des années 1960, le réalisateur tchèque Jiří Menzel, fête ses 80 ans. Il doit recevoir à cette occasion un prix spécial pour l’ensemble de sa carrière et de son œuvre à la Berlinale. Retour sur une carrière derrière, mais aussi devant la caméra.
Après des débuts en tant qu’acteur et un film de fin d’études, Jiří Menzel commet son premier long-métrage, un film qui, d’emblée, marque les esprits. « Les petites perles au fond de l’eau » est tiré d’une nouvelle de Bohumil Hrabal. C’est le point de départ d’une grande carrière cinématographique au cours de laquelle il filme plusieurs récits de celui qui est considéré comme un des plus grands écrivains tchèques du XXe siècle. C’est d’ailleurs l’adaptation de Trains étroitement surveillés qui vaudra à Jiří Menzel l’Oscar du meilleur film étranger en 1967. En 2014, Aurélie Lachapelle, alors doctorante travaillant sur les cinémas d’Europe centrale et de l’Est, avait évoqué au micro de Radio Prague ce travail à quatre mains entre Jiří Menzel et Bohumil Hrabal :
« Si je me souviens bien dans un article, où Jiří Menzel parlait de sa collaboration avec Bohumil Hrabal, il expliquait qu’il voulait revenir à une simplicité qu’on peut retrouver dans la littérature. Donc, il a un cinéma qu’il qualifie lui-même d’assez théâtral. Sa caméra ne bouge pas beaucoup, elle reste fixe. C’est un peu une fonction presque théâtrale du cinéma. »De la grande époque de la Nouvelle vague tchécoslovaque, outre les deux films cités précédemment, on retiendra également Un été capricieux (1968) et Alouettes, le fil à la patte (1969). Ce dernier parle d’un camp de rééducation où les personnes enfermées sont censées s’y défaire de leurs habitudes bourgeoises. Le film ne sortira que vingt ans plus tard sur les écrans, mis au pilori par les autorités tchécoslovaques « normalisatrices ». Le film fait partie de la sélection officielle de la Berlinale en 1990 où il remporte d’ailleurs l’Ours d’Or.
En effet, comme pour beaucoup d’artistes, l’invasion soviétique met un coup d’arrêt à la création et il faut attendre le milieu des années 1970 pour que Jiří Menzel recommence à tourner. Ces années de normalisation n’entament pas pour autant son talent et il laisse des œuvres importantes, également tirées de Hrabal comme Une blonde émoustillante (1976) ou Les festivités des perce-neige (1983).Tous ces films se caractérisent par des traits marquants, spécifiques à l’imaginaire de Menzel, mais pas si éloignés de certains thèmes chers aux autres réalisateurs de la Nouvelle vague, comme le soulignait Aurélie Lachapelle :
« Le cinéma de Jiří Menzel se rapporte à la Nouvelle vague surtout par ce lien avec un quotidien d’une simplicité assez importante. On est aussi dans quelque chose d’un peu absurde. On fait tout de suite référence, quand on voit un film tchèque et notamment de Jiří Menzel, à des références de l’absurde kafkaïen. Donc, c’est vraiment ces caractéristiques qu’on retrouve dans tout le cinéma tchèque et chez Jiří Menzel, donc le quotidien, l’absurde, l’ironie, se moquer un peu de situations un peu loufoques, mais toujours au sein d’une collectivité presque autarcique. »
Depuis la révolution de velours, Jiří Menzel est encore passé quelque fois derrière la caméra, mais avec des long-métrages qui n’ont pas suscité autant l’engouement du public que ceux de la grande époque. Il a davantage fait l’acteur, et notamment dans le film The Interpreter, du réalisateur slovaque Martin Sulík, présenté à la Berlinale 2018.Ce vendredi soir, Jiří Menzel sera donc récompensé à Berlin pour l’ensemble de sa carrière. Hospitalisé en décembre pour une opération au cerveau, le réalisateur tchèque oscarisé ne fera pas le déplacement au festival où, il y a 28 ans de cela, le monde du cinéma rendait hommage à la singularité radicale d’une création sans contrainte.