Jaromír Nohavica, le barde d’Ostrava
Appelé familièrement Jarek, Jaromír Nohavica, 64 ans, est un des chansonniers les plus appréciés du public tchèque. Auteur, compositeur, chanteur, guitariste et accordéoniste, Jaromír Nohavica a récemment présenté son nouvel album intitulé « Poruba » devant quelque 17 000 spectateurs de l’O2 Arena à Prague. Rare musicien tchèque à n’avoir besoin d’aucune publicité pour se produire à guichets fermés dans les plus grandes salles du pays (mais, en même temps, une personnalité qui a déçu certains de ses fans par quelques-unes de ses chansons plus récentes qui alimentent des préjugés des Tchèques à l'égard des Roms et des musulmans), Jaromír Nohavica a été décoré ce samedi 28 octobre, jour de fête nationale, par le président de la République. Retour sur la carrière et les plus grands tubes du « barde d’Ostrava » dans ce nouveau numéro du Dimanche musical…
Le succès de ce musicien autodidacte qui a exercé divers métiers avant de se consacrer entièrement à la musique à partir de 1981, se confirme depuis plusieurs décennies. Ce succès, il le doit à plusieurs choses, à commencer par son charisme, sa capacité à établir un contact intime et chaleureux avec le public. Nohavica est avant tout un « chansonnier d’Ostrava », cette ville industrielle surnommée sous le communisme « le cœur d’acier de la République », tout en étant un grand supporter de son club de football, le Baník. En même temps, c’est un chansonnier-poète, doté de larges connaissances en littérature et aussi d’un talent littéraire.
Avec une facilité surprenante, Jaromír Nohavica-auteur utilise dans ses chansons différents registres de la langue, en passant du tchèque populaire pimenté de mots d’argot et de vulgarismes soigneusement choisis à un tchèque soutenu, poétique, mais toujours original et haut en couleur. Dans de nombreux titres, le musicien met en avant le dialecte de Moravie-Silésie, au plus grand plaisir de « son public » d’Ostrava, auquel il a consacré des morceaux comme « Ostravo » ou « Fotbal ». On vous laisse les apprécier, tout comme une chanson « Zatímco se koupeš ».
Quand l’art se mêle à la politique
Jaromír Nohavica puise son inspiration dans la musique folk, country et populaire, ainsi que dans la poésie tchèque et russe. Lauréat, en tant que premier chanteur tchèque de l’histoire, du prestigieux prix italien de la chanson d’auteur Premio Tenco, il a succédé au palmarès à des chanteurs comme Georges Brassens, Leonard Cohen, Jacques Brel, Boulat Okoudjava ou Vladimir Vyssotski, les deux derniers étant particulièrement proches à Nohavica qui a lui-même traduit en tchèque et interprété quelques-uns de leurs titres.Tout comme les bardes russes, Nohavica aime évoquer dans ses chansons les malaises de notre société, ainsi que les diverses blessures de l’âme. Parmi eux, la mauvaise conscience, le sentiment de culpabilité. Le reflet, sans doute, d’un chapitre sombre de la vie du chanteur qui concerne sa collaboration avec la police secrète communiste, la StB. Un fait relayé par les médias et sobrement commenté par le chanteur. Celui-ci s’est bien expliqué sur le sujet, mais à sa façon, en déclarant un jour : « Oui, je fréquentais une pute. Mais je la rencontrais dans un café, pas dans sa chambre. »
La sortie du nouvel album « Poruba » (du nom d’un quartier d’Ostrava) de Jaromír Nohavica est prévue pour le 10 novembre prochain.