Pour quelles raisons les réfugiés viennent-ils en Europe ?
Pourquoi tant de réfugiés ont cherché à rejoindre l’Europe ces dernières années ? Qui sont-ils et quelles raisons les ont poussés à quitter leur propre pays ? Comment sont-ils parvenus à rejoindre le continent européen ? C’est à toutes ces interrogations qu’une équipe de chercheurs de l’Université Mendel de Brno a cherché des réponses à travers une étude d’une année intitulée « Migrations vers l’Europe : témoignage et fait ». Parmi ces chercheurs, le démographe social Robert Stojanov, qui a répondu aux questions de Radio Prague :
La recherche a consisté en des entretiens réalisés à partir de l’automne 2015 pendant un an avec un grand nombre de personnes en migration, en Grèce, en Turquie ainsi qu’à Vienne. La capitale autrichienne a été choisie car la Tchéquie a été l’un des premiers pays à fermer ses frontières aux migrants et elle représentait donc l’accès au terrain le plus facile pour les chercheurs basés à Brno.
Selon Robert Stojanov, de nombreux réfugiés ont également quitté leur pays pour échapper à un enrôlement dans l’armée, en l’occurrence dans celle de Bachar el-Assad. Les raisons économiques sont aussi souvent invoquées, particulièrement dans les zones affectées par la guerre où le chômage augmente de même que le prix des biens de première nécessité. Mais ce n’est pas tout :
« Autre chose que nous avons appris et qui confirme la théorie d’un article de chercheurs américains, c’est qu’avant même le début du conflit syrien, il y a eu en Syrie une grande vague de migration d’agriculteurs qui ont été touchés par la plus grande sécheresse de l’histoire moderne en Irak. Plus d’un million et demi de personnes ont quitté leurs fermes et pris la direction des villes avant même le début de la guerre. Et selon eux, cela a contribué à l’éclatement de ce conflit. »Ainsi, dans la moitié des entretiens, les migrants invoquent également la dégradation de leur environnement et les effets du changement climatique comme l’une des causes de leur départ. Des réfugiés, qui, pour ceux qui ont rejoint l’Europe, ont un profil bien particulier :
« Ceux qui sont arrivés en Europe appartenaient, selon nos résultats, à la partie la plus riche de la population syrienne. Et c’est la même chose pour ceux venus d’Irak ou d’Afghanistan. Parce qu’ils ont dû payer des sommes correspondant à des revenus supérieurs à la moyenne. Et parmi ces personnes, plus riches, arrivées en Europe, beaucoup ont reçu une éducation de qualité ; plus de la moitié de nos répondants étaient diplômés de l’enseignement secondaire ou supérieur, ce que montrait non seulement leur niveau de richesse mais aussi le fait que beaucoup étaient capables de parler anglais. »
Autre phénomène confirmé par l’étude des chercheurs tchèques, l’idée que ces mouvements migratoires vers l’Europe s’apparentent, pour la première fois dans l’histoire estime Robert Stojanov, à une « smart migration ». Ce concept désigne l’utilisation par les migrants des téléphones intelligents et des nouvelles technologies, qui leur permettent d’avoir accès à une toute série de services, pour la cartographie, pour la communication, et de se passer, dans la mesure du possible, des réseaux de passeurs.
Ce travail sur le long cours, riche d’enseignements, contraste sans doute avec le niveau du débat en République tchèque, où le monde politique et l’opinion publique semblent très hostiles à l’accueil des réfugiés. Voilà qui désespère Robert Stojanov, qui poursuit actuellement ses recherches au Migration Policy Centre de l'Institut universitaire européen de Florence :« Cela m’attriste beaucoup et je pense, excusez-moi d’utiliser ce terme, que ce débat est ridicule. Il est vraiment ridicule parce qu’il n’y a pas de quoi discuter : les immigrants arrivés en Tchéquie sont très peu. La République tchèque a accueilli quelques dizaines de personnes et la plupart sont maintenant en Allemagne, parce qu’ils ne voulaient même pas rester dans notre pays. Notre nation, qui compte 10,5 millions d’habitants, n’est pas capable d’accueillir quelques milliers de personnes qui fuient la guerre ? Et quand bien même ce seraient des migrants économiques, nous ne serions pas capables de les accueillir ? »