Démission du gouvernement à cinq mois des législatives

Bohuslav Sobotka, photo: ČTK

C’est un coup politique pour le moins inattendu. Le Premier ministre, le social-démocrate Bohuslav Sobotka, a annoncé, ce mardi après-midi, qu’il remettrait la démission de son gouvernement au chef de l’Etat avant la fin de cette semaine. En cause : le ministre des Finances Andrej Babiš (mouvement ANO), dont on pensait qu’il pourrait être démis de ses fonctions en raison de soupçons relatifs à son patrimoine. A quelques mois des élections législatives prévues en octobre prochain, cette décision sème le trouble sur la scène politique tchèque.

Bohuslav Sobotka,  photo: ČTK
La crise couvait depuis un certain temps déjà entre les deux principales formations de la coalition gouvernementale, le parti social-démocrate et le mouvement ANO, des formations rivales aussi à l’approche du scrutin législatif. Cette crise avait pris un premier tour dramatique à la fin du mois d’avril, quand Bohuslav Sobotka avait sommé le ministre des Finances de s’expliquer sur la structure de ses biens.

Andrej Babiš, milliardaire propriétaire de nombreux médias et surtout du groupe agroalimentaire Agrofert, est l’objet de soupçons pour avoir fait l’acquisition de titres de dette de cette même société. Les doutes portent sur la façon dont Andrej Babiš a financé cette transaction. Des incertitudes qu’il n’a visiblement pas réussi à lever dans la lettre qu’il a adressée, le week-end dernier, à la Chambre des députés, et dans laquelle il était censé fournir des explications. Le Premier ministre avait annoncé qu’il réagirait à ce document ce mardi et l’on pressentait qu’il pourrait mettre fin aux activités de son rival. Bohuslav Sobotka a pris une décision autrement plus radicale :

« Je choisis la seule solution raisonnable compte tenu du contexte : cela signifie que le gouvernement démissionnera. Je suis donc prêt à remettre cette démission au président de la République, et je suppose que cela sera fait d’ici la fin de cette semaine. Cette décision est aussi un moyen de permettre aux partis de la coalition de négocier pour trouver une solution à cette situation. »

Avec le parti chrétien-démocrate, le plus petit parti de la coalition gouvernementale au pouvoir depuis le début de l’année 2014, les sociaux-démocrates et les représentants du mouvement ANO pourraient éventuellement trouver un nouvel accord. Il s’agirait de mettre sur pied un gouvernement destiné à rester en place quelques mois seulement. Si aucun accord n’est trouvé, le Premier ministre n’exclut pas que des législatives anticipées soient organisées.

Andrej Babiš,  photo: ČTK
C’est dans l’optique de ce scrutin que le social-démocrate table sur la démission de son gouvernement, plutôt que sur celle du seul Andrej Babiš, dont le mouvement caracole en tête des sondages. Pour M. Sobotka, il s’agit de ne pas le renforcer davantage :

« Andrej Babiš se prépare intensément depuis plusieurs jours déjà à jouer un rôle de martyr. Il n’attend plus que l’annonce de sa démission pour cela. Mais la révocation de ses fonctions d’Andrej Babiš détournerait l’attention de l’essentiel, à savoir qu’un conflit grave a pris forme au sein de la coalition gouvernementale. Il s’agit concrètement du conflit d’intérêts du ministre des Finances qui est lui-même soupçonné de fraude fiscale. »

Cette décision ne fait cependant pas l’unanimité. Elle surprend dans le camp même de la social-démocratie, dont Bohuslav Sobotka est le leader. Dans l’opposition de droite, Petr Fiala, le président du parti civique démocrate (ODS), estime que le chef du gouvernement n’a tout simplement pas eu le courage de démettre de ses fonctions M. Babiš. Le leader des conservateurs de TOP 09, Miroslav Kalousek, a eu des mots plus durs encore. Selon lui, le chef du gouvernement se retrouverait pris à son propre piège du fait de « ses hésitations et de son incompétence ».

Peu nombreux sont ceux qui y voient clair dans cette situation inédite. Les commentateurs politiques soulèvent notamment une inconnue majeure : quel rôle le chef de l’Etat, qui doit accepter la démission du gouvernement et éventuellement en nommer un nouveau, jouera-t-il dans cette crise, alors que Miloš Zeman a toujours eu tendance à profiter de toutes les opportunités qui se sont présentées à lui pour influencer le jeu politique ?