Cinéma : l’histoire de la meurtrière Olga Hepnarová parmi les films récompensés par la critique
Décernés samedi dernier à Prague, les Prix de la critique tchèque ont mis à l’honneur le cinéma d’auteur. Sacré Meilleur film 2016, le long-métrage « Rodinný film » (« Film familial » en français) du jeune réalisateur d’origine slovène Olmo Omerzu a été suivi de très près, au palmarès, par le drame « Já, Olga Hepnarová », un film bouleversant qui relate la vie de la dernière femme condamnée à mort et exécutée dans la Tchécoslovaquie communiste. Quant à « Nous ne sommes jamais seuls », le dernier film du réalisateur installé en France Petr Václav, il a obtenu le prix de la Meilleure interprétation masculine.
C’est autour du thème de la solitude que tourne le nouveau film de Petr Václav, de même que les deux autres longs-métrages mis à l’honneur par une cinquantaine de critiques tchèques de cinéma. La solitude, mais aussi les discriminations, les pièges de l’adolescence, de la vie familiale, l’enfance maltraitée : autant de sujets que tous ces films ont en commun.
Evoquons tout d’abord celui qui a fait couler beaucoup d’encre en République tchèque et suscité des réactions tranchées des spectateurs, tant de par sa forme que par son contenu.« Cela fait treize ans que je souffre au sein d’une famille soi-disant rangée, je suis battue et maltraitée, telle une victime des adultes et une poupée pour mes camarades de classe… » Ces propos sont ceux d’une jeune Tchèque, Olga Hepnarová. En 1973, elle a tué huit personnes en fonçant délibérément au volant d’un camion sur le trottoir dans une rue de Prague. Voulant ainsi se venger d’une société dont elle se sentait exclue, Olga Hepnarová a été exécutée en 1975, à l’âge de 24 ans. Les critiques tchèques ont auréolé cette coproduction tchèque, slovaque, polonaise et française, sortie l’année dernière en France sous le titre « Moi, Olga », de quatre récompenses : Meilleure réalisation, Meilleure caméra et Meilleure interprétation féminine. Ce dernier prix est revenu à l’actrice polonaise Michalina Olszańska. Les deux réalisateurs du film, Tomáš Weinreb et Petr Kazda, ont pour leur part reçu le prix de la Découverte de l’année.
En République tchèque, où l’acte commis par Olga Hepnarová suscite toujours beaucoup d’émotion et de colère, ce film cru, tourné en noir et blanc et réservé, de par sa forme, à un public plutôt exigeant, n’a pas enthousiasmé tous les spectateurs. Certains d’entre eux reprochent au duo de cinéastes de vouloir glorifier la meurtrière.
« Nous avons tenté de trouver un équilibre entre notre vision des choses et les faits que nous connaissions. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur elle. Pour nous, son crime vient de l’irrationnel », a expliqué aux médias français le réalisateur Tomáš Weinreb. Primée à Prague pour son interprétation d’Olga Hepnarová, l’actrice Michalina Olszańska a ajouté :
« Olga était une meurtrière, ce qu’elle a fait est terrible. On ne peut pas justifier son acte. Mais on devrait essayer de la comprendre pour éviter que des choses semblables se reproduisent. »
Moins sobre peut-être mais non moins inquiétant, le « Film familial », sacré Meilleur film de l’année est signé du diplômé slovène de l’Ecole de cinéma pragoise, la FAMU, Olmo Omerzu. Il raconte l’histoire de deux adolescents livrés à eux-mêmes à leur domicile, alors que leurs parents entreprennent un voyage à travers les océans. On écoute Olmo Omerzu :« Je voulais tourner un film qui s’intéresse à la famille en général, un film sans personnage principal. J’ai aimé scruter ce sujet sous des angles différents, observer comment les enfants perçoivent leurs parents et vice-versa. Au début, on a l’impression de suivre une histoire du genre ‘Maman, j’ai raté l’avion’, mais peu à peu, le film tourne au drame. Au cours du film, j’ai plusieurs fois changé le rythme de la narration. Je crois que cela interpelle le spectateur, de même que le thème de la vie au sein de la famille, qui concerne tout un chacun. »
Samedi soir, au théâtre pragois Archa, les critiques de cinéma ont également récompensé un film documentaire du réalisateur Miroslav Janek sur les gens atteints du syndrome d’Asperger, ainsi qu’une série télévisée à succès intitulée « Pustina » ( en français « Le désert ») et inspirée de séries noires scandinaves.Rappelons qu’une autre moisson de prix pour le cinéma national est prévue le 4 mars prochain, lorsque l’Académie tchèque du cinéma et de la télévision distribuera les Lions tchèques.