Presse : face au Covid, le moral en berne des Tchèques

Photo: ČTK/David Taneček

L’évolution inquiétante de la situation épidémiologique et le moral chaque jour un peu plus en berne des Tchèques sont les deux premiers sujets traités dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Elle propose aussi une réflexion sur ce à quoi pourrait ressembler « une nouvelle politique », sur l’importance de l’attribution de prix aux meilleurs films alors que les salles de cinéma sont toujours fermées ou encore sur le groupe de Visegrád, qui célèbre le 30e anniversaire de sa création.

« Si tout va bien, l’aide gouvernementale sera probablement prête d’ici... la prochaine crise », titrait ironiquement le site Aktualne.cz au-dessus d’un commentaire dans lequel on pouvait lire :

« Le cabinet adopte des mesures qui devraient être appliquées depuis au moins dix mois. L’usage d’un vocabulaire militaire étant désormais fortement répandu, on peut y recourir pour admettre que le front anti-Covid s‘est écroulé et que le retrait s’accompagne de démarches chaotiques. Le comble du désespoir, c’est probablement le débat actuel sur la réouverture des écoles. Certes, il s’agit d’une revendication justifiée, car rares sont les pays à avoir coupé aussi radicalement les enfants de l’enseignement ‘normal’, comme l’a fait la Tchéquie. Mais il est absurde qu’une réouverture soit envisagée au moment où la situation épidemiologique est encore moins bonne que l’année dernière. La majorité des écoles sont alors restées fermées justement parce que leur réouverture était considérée comme trop risquée. »

Une aide économique efficace : telle est, selon le commentateur du site Aktualne.cz, une autre démarche qui aurait pu porter ses fruits depuis un an déjà. « Mais mieux vaut tard que jamais », constate-t-il pour les mesures que le gouvernement a adoptées cette semaine et, par exemple, pour l’augmentation des indemnisations pour les personnes positivives au Covid et contraintes de respecter une mise en quarantaine.

Quant le moral est au plus bas

« Le risque de surcharge du système hospitalier est élevé et la vaccination, si la campagne est menée à bien, est l’unique instrument qui permettra d’éviter le pire. » C’est ainsi qu’un commentateur du site Seznam.cz résume la situation épidémiologique actuelle en Tchéquie avant de s’atarder sur le climat qui règne au sein de la société tchèque :

Photo: ČTK/Michal Kamaryt

« Selon les données recueuillies récemment par l’agence PAQ Research, l’optimisme de la population tchèque est en baisse. Les mesures de protection sont moins respectées. Alors que les perspectives de l’évolution de l’épidémie sont peu favorables, les Tchèques ont le moral à zéro. De même, la volonté, l’envie ou la motivation de s’en prendre à la situation existante de façon convenable sont absents. Désormais, ne pas respecter les restrictions gouvernementales n’est plus motivé uniquement par des raisons économiques, beaucoup de gens manifestent ainsi leur opposition au gouvernement. Dans ce contexte, imposer et faire accepter aux Tchèques de nouvelles restrictions plus strictes serait très compliqué. »

Cette semaine, le gouvernement a déployé plusieurs nouveaux dispositifs d’aide économique. « Aussi justes ces mesures soient-elles, elles ne suffisent pas pour améliorer la confiance fragilisée et relever le moral des Tchèques. Pour y parvenir, il faudrait en faire beaucoup plus », peut-on lire également.

En attendant l’émergence d’une « nouvelle politique »

Photo: Filip Jandourek,  ČRo

« Comment persuader une société lasse que la politique a du sens ? », s’interroge l’auteur d’un texte publié sur le site Hlidacipes.org dans lequel il se penche sur l’effet que pourrait produire l’annulation par la Cour constitutionnelle de certaines parties de la loi électorale considérées comme inéquitables. Voici ce qu’il en pense :

« Cette décision donne à la nouvelle génération politique l’opportunité de se débarrasser définitivement des conséquences découlant des fautes et des erreurs commises suite à la révolution de Velours en 1989. C’est donc avec plus de trente ans de retard qu’une véritable révolution dans la pensée politique tchèque, ainsi que dans la vie pratique, peut commencer. »

Le commentateur admet que le défi à relever pour cette ‘nouvelle politique’ émergeante est difficile :

« Rien ne dit que celle-ci soit en mesure de remplir une mission aussi importante et qu’elle possède suffisamment d’audace pour cela. Elle sera confrontée à un appareil d’Etat rigide, à une justice corrompue, à des pactes de corruption qui touchent tout un éventail de domaines. Lors de la campagne électorale, la ‘nouvelle politique’ devrait présenter un ensemble de démarches pertinentes pour les 300 premiers jours qui suivront son éventuelle victoire aux élections. Ce serait là un moyen d’attirer les jeunes électeurs. »

Toutefois, la mission la plus difficile à relever, selon le commentateur du site Hlidacipes.org, se trouve ailleurs. Il s’agit de convaincre la société qu’une politique digne de confiance peut être menée. Une politique qui permettra de s’acquitter avec succès des conséquences psychologiques et économiques de la pandémie de coronavirus et qui permettra de relancer l’économie. « Le milieu tchèque étant depuis le Réveil national habitué à la médiocrité et aux louvoiements, la tâche apparaît impossible. Mais on ne peut pas se permettre d’avoir moins d’ambition », souligne-t-il.

Les prix de la critique rappellent que le cinéma ne se meurt pas

Cette année, de nombreuses interrogations ont accompagné la traditionnelle remise des Prix de la critique tchèque, samedi dernier, aux meilleurs longs-métrages et films documentaires. Une critique de l’hebdomadaire Respekt a remarqué à ce propos :

Le prix de l’Association des critiques tchèques du cinéma

« Chaque distribution des prix va généralement de pair avec des débats, souvent houleux, sur les choix qui ont été faits. Au bout d’une année au cours de laquelle les salles de cinéma sont restées fermées et où nombre de premières ont été annulées ou reportées, des questions foncièrement différentes sont apparues. On cherche surtout une réponse à la question de savoir quel sens donné à ces prix au moment où le monde a des préocupation beaucoup plus graves. On se demande aussi dans quelle mesure la compétition réduite est objective. »

Tout en tenant compte des objections qui peuvent être formulées à cet égard, la critique de Respekt donne une réponse univoque : attribuer des prix de cinéma a un sens qui, aujourd’hui, est plus profond encore que par le passé. Et ce en dépit du fait que, d’un point de vue mathématique, 2020 a été plus faible que l’année précédente : sur 29 longs-métrages produits, seuls 19 sont sortis en salles, le score pour les films documentaires étant plus triste encore. Elle explique :

« Les prix qui ont été décernées témoignent du fait que même cette ‘drôle d’année’ a vu la création de films qui méritent d’être retenus et de bénéficier du soutien auquel ils ont droit. Ils rappellent aussi que même dans ces conditions, la production cinématographique ne se meurt pas. »

Le groupe de Visegrád, 30 ans déjà après

La fondation du groupe de Visegrád en 1991,  photo: Péter Antall,  CC BY-SA 3.0 Unported

« Le groupe de Visegrád (V4) est devenu un instrument qui sert prioritairement les intérêts de la politique étrangère hongroise ou polonaise ». C’est ce qu’observe un commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, parallèlement à la rencontre, mardi et mercredi derniers, des présidents polonais, hongrois, slovaque et tchèque en Pologne. Il note également :

« Le V4 s’oppose souvent à tout ce que l’Union européenne propose. Son refus des quotas de migrants est un exemple parmi les plus marquants. D’un autre côté, il faut saluer que, depuis trente ans déjà, les pays et les peuples d’Europe centrale, dont la communication a toujours été compliquée par le passé, arrivent à discuter ensemble de façon cultivée et à s’écouter les uns les autres. Par ailleurs, les subventions accordées par le Fonds international de Visegrád contribuent à ce que que les quatre pays membres se connaissent mieux que jamais dans l’histoire. »

Le commentateur de Hospodářské noviny estime enfin que la coopération des quatre pays membres a facilité leur intégration dans la communauté occidentale. Et de conclure :

« Le V4 représente tout simplement une coopération pragmatique. Et même si, au bout de trente ans, sa poursuite semble incertaine, il est clair qu’aucun responsable politique raisonnable ne voudra se débarrasser d’un instrument qui pourrait lui servir un jour. »