La crèche de Krýza, la plus grande crèche mécanique au monde
L’enfant Jésus, Marie, Joseph, les anges, les bergers, les rois mages, un âne, un bœuf… Ces personnages ne peuvent pas faire défaut à une crèche de Noël. Mais souvent, la crèche telle qu’on la connaît en République tchèque ne dépeint pas seulement la traditionnelle scène de la nativité. Elle peut aussi représenter des épisodes de la vie courante. Une autre spécialité des Tchèques : nombreuses sont les crèches mobiles. L’exemple unique de cette tradition, la « crèche de Krýza » est même la plus grande crèche mécanique au monde. Installée dans le Musée de la ville de Jindřichův Hradec, en Bohême du Sud, cette crèche, dont la conception a duré plus de 60 ans, est inscrite depuis 1998 dans le livre Guinness des records.
Une crèche inscrite dans le livre Guinness des records
Deux boucs se donnent des coups de cornes. Les gardes se baladent sur les fortifications de la ville, tandis qu’un ramoneur apparaît dans la cheminée. Les villageois musiciens jouent pour l’enfant Jésus, les mineurs travaillent dans la mine et les fermiers fabriquent du beurre, tissent le lin ou battent le blé. Le forgeon ferre un cheval et de nombreux autres personnages s’abandonnent à différentes activités de la vie quotidienne. Toute la scénette est observée par un éléphant qui hoche la tête… La crèche de Krýza, du nom de son concepteur, comporte au total près de 1 400 figurines dont 133 bougent. Ethnographe du Musée de la ville de Jindřichův Hradec et responsable de la crèche, Alexandra Zvonařová explique :« Outre la Sainte Famille, les rois mages, les bergers… bref des personnages traditionnels de la crèche, Krýza a recréé un paysage qu’il a vu autour de lui. Il y a donc une ville qui ressemble à Jindřichův Hradec et puis le cadre de vie villageois. Ce dernier est très intéressant car on y trouve des métiers presque oubliés à présent. Nous pouvons y voir des menuisiers, une forge avec des forgeons et d’autres encore. De plus, Krýza a placé dans sa crèche également différentes scènes bibliques, dont par exemple ‘le Massacre des Innocents’, une scène qui représente le roi Hérode assis sur son trône et regardant comment on tue des enfants, ou ‘la Fuite en Egypte’. »
La « crèche de Krýza » a été fabriquée dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Son créateur, le fabricant de bas et collants Tomáš Krýza, né en 1838, a travaillé sur cette œuvre pendant plus de 60 ans :« On peut dire que Krýza était un vrai ‘créchiste’. Une légende raconte que quand il avait neuf ans, il est allé voir la crèche de son oncle installée dans la tour de la ville. En la regardant, il aurait dit : ‘Quand je serai grand, je ferai une crèche encore plus grande, et même la plus grande au monde’. Et effectivement : il a commencé à environ 18 ans et il a travaillé sur sa crèche jusqu’à la fin de sa vie. Cela lui a pris tout son temps libre. Le jour, il fabriquait des bas et des collants et le soir, il était enfermé dans une petite pièce et continuait avec sa crèche. J’imagine que son passe-temps devait un peu énerver sa famille… Mais il a réussi à créer une œuvre unique. »
Tomáš Krýza : un « créchiste » ingénieux
Construites en bois et en papier, la ville et les éléments rocheux sont complétés par différents matériaux naturels, tels que la mousse, des fleurs séchées, des rameaux, des pierres ou des coquilles. Alexandra Zvonařová :
« Les figurines sont fabriquées à partir d’une matière spéciale. Il s’agit d’un mélange de sciure, de farine, de colle forte et de plâtre. Chaque figurine possède une construction en bois sur laquelle Krýza a appliqué cette matière. On dit même qu’il a trempé dans ce mélange des tissus qui servaient ensuite de vêtements à des personnages de la crèche. Ces tissus se sont ensuite solidifiés et donnent l’impression d’un vêtement flottant et riche. »Des bruits typiques que peuvent entendre les visiteurs du musée sont produits par un mécanisme complexe qui fait bouger différents éléments de la crèche :
« Quand Krýza a créé la crèche, il a voulu la faire mobile. Il a installé différents mécanismes fabriqués à partir d’un rouleau à pâtisserie ou d’un rouet. Grâce à ces mécanismes, il était possible de faire mouvoir la crèche à l’aide d’une manivelle. Chaque Noël, Krýza a donc installé la crèche et tournait la manivelle pour faire le spectacle… Aujourd’hui, il n’y a personne derrière la crèche. Nous utilisons un moteur qui met en service le mécanisme. »
La crèche qui occupe plus de 60 mètres carrés, est longue de douze mètres et haute de deux mètres. Son caractère monumental est encore renforcé par deux autres crèches, installées sur ses côtés :« Il y avait trois grandes crèches à Jindřichův Hradec. Jadis, quelqu’un du musée est venu avec l’idée de les assembler, même si cela ne me semble pas tout à fait optimal. La crèche de Krýza, qui est la plus grande et comporte les figurines les plus fines, est accompagnée de deux crèches fabriquées par des boulangers locaux, les frères Bohdan et Emanuel Steinocher. Tandis que la crèche de Bohdan est immobile, celle d’Emanuel est mécanique. Les deux œuvres datent de la même époque que la crèche de Krýza. »
La Tchéquie, le pays des crèches
Dans ce déluge de figurines, un groupe attire l’attention du spectateur : il s’agit de la Sainte Famille, placée au cœur de la crèche, qui, à la différence de nombreux autres ensembles de personnages, reste complètement immobile. Quelle est la raison de cette immobilité ? Alexandra Zvonařová :
« Je crois que la Sainte Famille est la plus vieille. Elle n’est pas mobile car Krýza ne pensait peut-être pas encore à faire une crèche mécanique. Quand il a décidé de faire mouvoir ses personnages, il était sans doute difficile pour lui de retravailler la Sainte Famille parce qu’il s’agissait d’un ensemble cohérent… Mais ce n’est que ma supposition personnelle. »
Chaque année, quelque 70 000 touristes du monde entier se rendent à Jindřichův Hradec pour découvrir la crèche de Krýza. Celle-ci forme, avec la crèche mécanique de Třebechovice qui a été exposée à l’Exposition universelle de Montréal de 1967, l’un des plus beaux exemples de cet art dans les pays tchèques.Mais la tradition de la fabrication des crèches, qui remonte au XVIe siècle, est présente partout en Tchéquie. Presque toutes les villes et villages du pays exposent leurs crèches chaque année pendant la période de Noël. En bois, en papier, en céramique, en pain d’épices… leurs formes sont très nombreuses. Parmi les plus intéressantes se classent par exemple la « Crèche royale », exposée au château fort de Karlštejn, dont les figurines représentent des rois de Bohême, ou encore les crèches familiales de toute sorte de la petite ville de Třešť, dans la région de Vysočina, au cœur de la République tchèque, qui ouvrent leurs portes tous les 26 décembre et forment un parcours intitulé le « Chemin de Bethléem ».