La Pilsner va devenir japonaise

Photo: ČT24
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Le groupe brassicole Asahi va signer un chèque de 7,3 milliards de dollars pour acquérir six marques de bière de l’Europe centrale et orientale. Dans le lot, il y a Plzenský Prazdroj, qui n’est autre que la plus grande brasserie de République tchèque. Basée à Plzeň en Bohême de l’Ouest, elle est connue mondialement pour la production de la Pilsner Urquell, la mère de toutes les bières pils.

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A la base de la transaction, il y a un problème monopolistique évident, car derrière le nombre faramineux de marques de bière tout autour du globe, se cachent en réalité le plus souvent seulement trois multinationales : Heineken, Carlsberg Group et surtout AB InBev. A eux trois, ces groupes représentent environ la moitié du marché mondial. Le leader, Ab InBev, est né de l’absorption successive de certains de ses principaux concurrents. A l’automne dernier, la multinationale a mis la main sur le premier d’entre eux, SABMiller, pour la modique somme de 96 milliards d’euros. Or pour que les autorités de régulation valident l’acquisition, le groupe Ab InBev s’est engagé à céder certains de ses actifs.

Parmi ces actifs, il y a toutes les activités de SABMiller dans cinq pays de l’Europe centrale et de l’Est, avec six marques de bières à la clef, Tyskie et Lech en Pologne, Dreher en Hongrie, Ursus en Roumanie, Topvar en Slovaquie et bien sûr Plzenský Prazdroj en Tchéquie. Et c’est donc le japonais Asahi qui devrait rafler la mise, même si le processus d’achat n’est pas achevé, ainsi que l’explique Jitka Němečková, la porte-parole de la marque tchèque :

« L’accord entre AB InBev et Asahi est encore soumis au fait que la Commission européenne reconnaisse Asahi comme un acheteur approprié et que son conseil de concurrence donne son feu vert. On estime que ce processus prendra fin au cours du premier semestre de l’année 2017. »

Les Japonais n’étaient pas les seuls sur le coup, bien que favoris pour l’emporter. Il était question également d’au moins trois sociétés d’investissement, les Américains de Bain Capital, les Suisses de Jacobs Holding et le groupe PPF, qui appartient au milliardaire tchèque Petr Kellner. Autant d’entités qui n’ont donc pas grand-chose à voir avec le monde du précieux liquide doré.

Tout le contraire du groupe Asahi, le plus grand acteur japonais du secteur de la bière, qui tente de se développer à l’international pour faire face à la stagnation du marché nippon. Afin de s’étendre sur le marché européen, la société a déjà déboursé quelque 2,55 milliards d’euros pour devenir propriétaire de certaines marques européennes de SABMiller, telles que Peroni en Italie ou bien Grolsch aux Pays-Bas. Ancien directeur de la Fédération tchèque des brasseries et des malteries (ČSPS), Jan Veselý voit l’acheteur d’un bon œil :

Jan Veselý,  photo: Archives de Radio Prague
« C’est toujours une bonne chose quand un groupe brassicole achète un autre groupe brassicole. En tout cas, c’est mieux que quand c’est un groupe financier qui fait cette acquisition. Les Japonais sont très cohérents, très prudents. Ils prennent du temps pour décider mais quand ils décident, c’est comme quand un train se met en mouvement, on en peut pas les arrêter. »

De façon plus prosaïque, le groupe Asahi connaît déjà la République tchèque. Il y fait produire une bière vendue ensuite sous licence japonaise. Le maire de Plzeň, le social-démocrate Martin Zrzavecký a réagi en espérant que la fabrication, l’emploi et la réputation de Plzenský Prazdroj seront sauvegardés par le nouveau propriétaire. Comme d’autres spécialistes du secteur brassicole, Jan Veselý est plutôt optimiste à ce sujet :

Photo: ČTK
« Je pense que le fait que les Japonais fassent produire une bière sous licence en République tchèque, où ils ont donc une expérience, joue un rôle. Bien sûr s’ils font de la bière, ce n’est pas pour faire de la bière mais de l’argent. Pour autant, la façon dont ils se positionnent reste traditionnelle. Clairement, ce n’est pas une entreprise de chercheurs d’or. »

Toute cette affaire n’en reste pas moins une affaire de gros sous. On en oublierait presque que Plzenský Prazdroj, brasserie fondée en 1842, produit de la Pislner Urquell, de la Gambrinus, de la Radegast, de la Kozel ou bien encore de la Master, des noms qui sonnent plus ou moins comme des caresses aux oreilles délicates des amateurs de bière.