Forum 2000 : le dalaï-lama rend hommage à Václav Havel
« Les politiciens devraient être conscients de leur responsabilité. Ils ne devraient pas jouer avec le feu et employer les mots qui suscitent des émotions dans la société et qui peuvent avoir de larges conséquences. » C’est à ces mots que le président slovaque Andrej Kiska a inauguré, dimanche dans l’église Sainte-Anne à Prague, la conférence Forum 2000. La vingtième édition de cet événement, initié en 1997 par l’ancien président tchèque Václav Havel, réunit, jusqu’à mercredi, de nombreuses personnalités du monde entier, dont notamment le chef tibétain spirituel, le dalaï-lama.
D’après Petr Mucha de la Fondation Forum 2000, la conférence, basée sur l’idée de dialogue, n’a cessé d’évoluer ni après le départ de ses principaux fondateurs, Václav Havel et l’écrivain américain Elie Wiesel. La vingtième édition est centrée, d’après lui, sur un thème très actuel – « Le courage d’assumer la responsabilité ». Petr Mucha explique :
« Le manque de visionnaires et de visions dans la politique est remplacé par le populisme, le nationalisme et d’autres tendances qui sont presque en contradiction avec la responsabilité. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu nous poser cette question : ‘Où sont les gens comme Havel ou Gandhi qui, face à une oppression, ont assumé leur responsabilité personnelle et la suivaient, et ce même si cela leur a coûté quelque chose ? »
La conférence propose toutefois également des débats sur d'autres thèmes, comme la recherche de nouveaux leaders démocratiques au sein de la jeune génération, les défis auxquels doit actuellement faire face la démocratie ou le dialogue entre les religions. Parmi les participants, c’est notamment le dalaï-lama qui s’est rendu à cette occasion à Prague. Dans une émission pour la Télévision tchèque, le leader spirituel tibétain s’est tout d’abord souvenu du premier président démocratique de la Tchécoslovaquie et son ami personnel, Václav Havel, qui aurait fêté, le 5 octobre dernier, ses 80 ans :« Je crois que Václav Havel représentait la vérité, la sincérité et la transparence. C’est grâce à sa force intérieure qu’il a pu rester inébranlable même dans des situations difficiles. C’est ce que je ressens. »
Venu pour la première fois en 1990 à l’invitation de Václav Havel, le lauréat du prix Nobel de la paix de 1989 a effectué ensuite une dizaine de visites en République tchèque. Contrairement à leur prédécesseur, les présidents Václav Klaus et Miloš Zeman n’ont néanmoins jamais reçu ce leader tibétain, considéré comme séparatiste par la Chine, lors de ses passages. Cette année, la situation n'est pas différente. Comme l’explique le dalaï-lama, les leaders mondiaux préfèrent la coopération économique avec la Chine au respect des droits de l’homme, une position qu’il faudrait selon lui changer :
« A court terme, il peut être utile d’avoir plus de prospérité économique, plus de développement. Mais à long terme, l’économie elle-même ne peut pas assurer la paix intérieure. »
Pourtant, le dalaï-lama affirme que l’important pour lui est de pouvoir discuter avec les gens. C’est la raison pour laquelle il donnera, mercredi, lors de la dernière journée du Forum 2000, également une conférence publique au palais Lucerna.
Les invités de cette année forment une mosaïque à travers les continents mais aussi à travers les domaines. Outre le dalaï-lama, l'événement accueille par exemple l’ancienne vice-présidente de Taïwan, Aneette Lu, le grand maître d’échec et représentant de l’opposition russe Garry Kasparov, le psychiatre américain Philip Zimbardo, l’ancien président du Costa Rica et prix Nobel de la paix Oscar Arias Sanchez, l’ex-Premier ministre polonais Jerzy Buzek ou le journaliste britannique Edward Lucas du magazine The Economist.Enfin, cette édition jubilaire présente une nouveauté. Différents événements culturels, dont les concerts et conférences, sont proposés à un large public tout au long du Forum 2000, sous le nom du « Festival de la démocratie ».