Sur les pas de Josef Lada dans son village natal de Hrusice
Josef Lada est un peintre, écrivain et illustrateur tchèque dont le talent a été reconnu dans le monde entier. Né en 1887 à Hrusice, village de Bohême centrale situé à une trentaine de kilomètres au sud-est de Prague, Josef Lada s’est fait connaître essentiellement à travers ses livres et illustrations pour enfants, dans lesquels sont mis en scène différents personnages et animaux, parfois fictifs, devenus cultes depuis pour plusieurs générations. Marchons donc sur les pas de Josef Lada pour découvrir Hrusice, un village qui a été pour lui une source d’inspiration inépuisable présente dans la majorité de ses œuvres.
L’église Saint-Václav, le point de repère du village
Même si on retrouve fréquemment dans ses dessins l’église Saint-Václav, joyau du XIIe siècle et de l’architecture romane qui domine la place du village, Josef Lada ne peignait pas toujours la réalité des lieux. Il les réinventait sans cesse et c’est pour cette raison qu’il est difficile de savoir de quel endroit précis il peignait ses tableaux. Géré par le Musée régional de la ville de Brandýs nad Labem, le Musée Josef Lada est un arrêt incontournable de toute visite à Hrusice, car il retrace tant la vie professionnelle de l’artiste que sa vie privée.« Sur les photographies familiales, on peut voir le père de Josef Lada qui était cordonnier. Josef Lada était le dernier d’une fratrie de quatre enfants. Il avait un frère, František, et deux sœurs, Marie et Antónie. On peut également voir à quoi ressemblait la maison familiale, qui a été rasée en 1932 à cause de son état délabré. De nos jours, il y a une autre maison, qui porte une plaque commémorative. La femme de Josef Lada, Hana Budějická, a été sa compagne pendant dix-huit ans avant qu’ils ne se marient en 1923. Leur fille ainée Alena, née deux ans plus tard, a hérité du talent de son père. Leur fille cadette, Eva, qui était douée pour la musique, n’avait que 17 ans lorsqu’elle a été tuée lors d’un bombardement à Prague à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Madame Ladová ne s’est jamais remise de cette perte. Elle est tombée gravement malade avant de décéder en 1951. »
Dès son plus jeune âge, Josef Lada s’est passionné pour la peinture, et son village natal folklorique y a bien été pour quelque chose. Néanmoins, il quitte Hrusice pour Prague à l’âge de 15 ans et exerce tout d’abord le métier de peintre-décorateur avant de devenir apprenti relieur et doreur. Très vite, il se lance, en autodidacte, dans le métier d’illustrateur et écrivain, et revient fréquemment à Hrusice, où il commence à écrire un de ses best-sellers pour enfants « Le chat Mikeš », ce chat noir qui sait parler la langue des hommes, comme l’explique Martina Svobodová :
« Dans un de ses livres les plus célèbres pour enfants intitulé ‘Le chat Mikeš’, le héros principal Pepík Ševců, qui apprend à parler à Mikeš, c’est en fait Josef Lada lui-même. Il a écrit ce livre sur lui-même. Il avait vraiment un chat noir chez lui qui s’appelait Mikeš, mais le reste des traits de caractère de son héros animal, il les a inventés. Puis, lorsqu’il dessinait les ruines du château de Zlenice, appelé communément Hláska, qui se trouvent pas loin d’ici, ainsi que l’église et les pignons des maisons de la place principale, il réunissait tous ces éléments et les incorporait dans les tableaux à sa guise. Il partait toujours du village de Hrusice et de son enfance dans ses compositions. (Un chat noir pénètre dans la pièce, ndlr) Tenez, ça, ce n’est pas Mikeš, c’est madame Mikešová. »Les illustrations mythiques du « Chat Mikeš » et du « Brave Soldat Chvéïk »
Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent non seulement de nombreux contes pour enfants, qu’il invente et illustre lui-même, mais aussi ses illustrations du fameux roman satirique de l’écrivain Jaroslav Hašek, « Le Brave Soldat Chvéïk ». Les deux hommes étaient liés d’une grande amitié, et si Josef Lada a réalisé au total 836 illustrations pour ce roman, Jaroslav Hašek n’a pas pu toutes les apprécier, car il est mort très jeune, à l’âge de 39 ans. D’ailleurs, pour les deux adaptations cinématographiques de cette œuvre, les acteurs ont été choisis en fonction des apparences des personnages dessinés par Josef Lada. Martina Svobodová poursuit à ce propos :« Le roman ‘Le Brave Soldat Chvéïk’ est un des romans tchèques les plus connus dans le monde, traduit en 56 langues. Ici, on peut notamment voir un portrait de Jaroslav Hašek dessiné par Josef Lada à l’occasion du 30e anniversaire de la mort de Hašek. Josef Lada était un portraitiste exceptionnel. On voit bien que la ressemblance est parfaite. »
La fille ainée de Josef Lada, Alena Ladová, qui a hérité du talent de son père, est devenue elle aussi Peintre académique et a illustré près de 87 ouvrages, même si elle n’en a écrit qu’un seul, intitulé « Mon papa, Josef Lada ». Après sa mort en 1992, c’est son fils, Josef Lada, porteur du même nom que son grand-père, qui est devenu l’héritier de tous les droits d’auteur.
Au-delà de Hrusice, une palette infinie de lieux à découvrir
Le village de Hrusice et ses alentours offrent également d’autres endroits que l’on peut admirer, comme l’explique Martina Svobodová :
« On trouve des panneaux indicatifs très bien faits dans tout le village, qui signalent de nombreux lieux, où se trouvaient, par exemple, la demeure des bergers, la maison familiale, la Flaque de Jedlička, etc. En fait on peut y trouver tous les endroits que l’on connaît des livres de Lada. Dans les alentours, on peut se rendre à l’observatoire astronomique d’Ondřejov ou au château de Berchtold, situé à environ 8 kilomètres de Hrusice. Mais ce qui est très intéressant aussi, c’est le ‘Chemin du chat Mikeš’. Il s’agit d’une balade avec plusieurs arrêts, que les visiteurs peuvent effectuer à l’aide d’une carte à tampons ou avec un programme d’accompagnement, lequel est organisé une fois par an au mois de mai. Cette randonnée commence à Hrusice, traverse le village de Mnichovice, où le chat Mikeš se rendait à la fête foraine, puis le village de Světice, où le chat Mikeš s’est fait voler par des tsiganes, et elle continue jusque dans la commune de Říčany. »Les Japonais, les touristes les plus fidèles
Ouvert toute l’année, à l’exception du lundi et du mardi, le Musée Josef Lada accueille chaque année entre 17 000 et 20 000 visiteurs. Et de façon assez surprenante, ce sont les touristes japonais qui sont les plus nombreux. Martina Svobodová poursuit :
« On ne comprend vraiment pas pourquoi les Japonais sont si nombreux. Une fois, il y a même eu une télévision japonaise qui tournait un documentaire sur Lada. Cela nous a fait une grande publicité. Même si les agences de voyages qui organisent ces excursions sont nombreuses, les Japonais viennent d’eux-mêmes la plupart du temps. Ils aiment beaucoup aussi Antonín Dvořák. Ce sont donc de grands connaisseurs de notre culture. Ils s’amusent beaucoup devant les illustrations de Lada, ils les regardent et ils en rient. Mais à vrai dire, il est très difficile d’expliquer pour quelle raison ils sont si nombreux à venir. »
Autre lieu incontournable à visiter : la célèbre « hospoda U Sejků », cette guinguette dont l’intérieur est parsemé de dessins ressemblant à ceux de Lada, et où se retrouvaient habituellement l’artiste et les habitants du village autour d’une bonne bière. C’est là que nous avons rencontré Miroslav Šalda, natif lui aussi de Hrusice, et dont le grand-père et Josef Lada allaient à l’école ensemble. Il nous a dévoilé quelques bribes de l’histoire de Hrusice :« C’était évidemment un village agricole, mais il y avait tous les métiers, un charron, un forgeron, un cordonnier et ainsi de suite. Il y avait une épicerie, un boucher, trois auberges, la plus connue étant celle U Sejků, puis celle des Svoboda et des Pokorný. L’école a été construite en 1764, lorsque Marie-Thérèse a promulgué un décret obligeant toutes les paroisses à fonder une école. De nombreuses organisations, qui ont été créées avec le temps, continuent d’exister à l’heure actuelle, comme le mouvement sportif et culturel Sokol. D’ailleurs, Josef Lada était un des présidents d’honneur de l’association des Baráčníků (association attachée aux anciennes coutumes tchèques, ndlr). A l’époque, c’étaient les personnes les plus érudites qui dirigeaient ces organisations. Il y avait notamment un théâtre d’amateurs. L’activité de ces organisations était très vaste. Je précise que c’est aussi sous Marie-Thérèse que sont apparus les noms de famille des habitants. A Hrusice, presque tout le monde s’appelait Svoboda avant (« Liberté » en français, ndlr), c’est-à-dire qu’ils étaient « affranchis des corvées ». Il y avait aussi un moulin. Il y avait vraiment tout ici. Le village était tout simplement autosuffisant. »
Le village de Hrusice, qui jouit d’un riche passé, a été témoin également de la construction de l’hôtel Valencia, qui est devenu sous la Première République tchécoslovaque dans l’entre-deux-guerres un influent lieu de rencontre des intellectuels et artistes pragois. De 1931 jusqu’en 1991, le bâtiment a même abrité une des premières salles de cinéma de la région.Hrusice se trouvant à seulement quelques kilomètres de Prague, la commune s’agrandit au fur et à mesure, avec l’apparition de nouvelles maisons modernes qui n’ont plus grand-chose en commun avec le caractère pittoresque du lieu. Mais situé près de la rivière Sázava, et donc de la région de Posázaví, le village continue néanmoins de faire partie de l’une des plus belles régions de la République tchèque.