« Toutes les deux semaines, une entreprise française tente sa chance sur le marché tchèque »
Dans le cadre de la troisième édition de la Semaine France qui se tiendra à Prague du 8 au 16 juin, la Chambre de commerce franco-tchèque (CCFT) fêtera ses vingt ans d’existence. Un forum économique sera organisé notamment, mercredi prochain, qui présentera le bilan de deux décennies d’échanges franco-tchèques et dessinera les perspectives de développement de la coopération entre les deux pays. Avant cela, le président de la CCFT, Constantin Kinský, a évoqué au micro de RP ce que représentait ce vingtième anniversaire et à travers celui-ci l’évolution du marché tchèque durant cette période :
Comment a évolué l’intérêt des entreprises françaises pour le marché tchèque durant ces vingt années ? On entend parfois dire que les Français ont tardé à venir en République tchèque.
« Il y a eu d’abord la première vague qui était concentrée sur les grandes privatisations, que l’on appelle aussi ‘les gros tickets’ : Saint-Gobain, Vertex, Komerční banka, Société générale, Bongrain… Les exemples sont nombreux et bien connus. Il y a eu deux évolutions. La première est que la structure des entreprises qui viennent sur le marché tchèque s’est rapidement orientée vers une myriade de PME. Ce qui est bien, car les PME créent plus d’emploi. C’est plus vibrionnant que les mastodontes et ça se répand plus dans tout le pays. Cette richesse de la vie des PME profite constamment à la République tchèque. »
« Deuxièmement, en termes de secteurs, évidemment nous sommes encore des investisseurs essentiellement industriels dans un pays dont le génie est industriel pour les trois quarts. Mais la part de la distribution et des services, donc un quart, ne cesse de croître et c’est là que nous voyons le plus grand potentiel pour l’avenir : la combinaison de la PME, du service et de la vente. »
La République tchèque est un pays relativement petit même à l’échelle européenne. Pour quelles raisons son marché reste-t-il attractif pour les sociétés étrangères ?
« Il y a trois raisons. La première est que c’est le pays qui possède le PNB par habitant le plus élevé de la région. La deuxième est c’est une excellente plateforme pour pouvoir croître dans les quatre pays dits de Visegrád (République tchèque, Hongrie, Pologne, Slovaquie). Par exemple, si vous avez un entrepôt en République tchèque, vous pouvez couvrir le sud de la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, l’Autriche. A condition que la zone Schengen reste préservée, vous couvrez ainsi l’essentiel de l’Europe centrale en termes de pouvoir d’achat. La seule chose qui vous manque, c’est Varsovie. La troisième raisons, elle, est plus stratégique. Une entreprise qui veut avoir une expansion internationale et devenir globale doit commencer par avoir une position forte sur un marché domestique large. Certes, l’Asie est intéressante et nous devons y croître. Mais pour se le permettre, il faut d’abord élargir la définition de notre marché domestique. Nous ne sommes pas français, nous sommes européens, et d’aller en République tchèque vous permet de donner une dimension européenne plus forte à votre entreprise sans prendre le risque d’un environnement aussi incertain que l’Asie. Un environnement stable, une infrastructure mentale, physique, législative stable est intéressante à l’intérieur de l’Europe. »
Vous connaissez très bien la situation en France et en République tchèque. La République tchèque présente des chiffres qui font un peu rêver en France avec un taux de chômage très faible, une croissance économique qui est relativement dynamique, même si ce ne sont plus tout à fait les chiffres des années passées. Comment expliquer cette réussite tchèque ?
« Mentalement la République tchèque a parié sur deux choses, qui ont toujours fait son succès. La première, c’est l’ouverture et la deuxième c’est une certaine forme de stabilité économique. L’ouverture, - 80% de l’économie est tournée vers l’exportation -, est une clef du succès du pays, sachant que dans le processus la République tchèque a pour l’instant évité le risque d’être simplement un atelier pour des choses inventées ailleurs et que la part de la valeur ajoutée qui est créée ici est de plus en plus grande. Il y a quelques exemples comme Valeo qui crée un centre de recherche et développement en République tchèque. Les exemples similaires sont nombreux. »
« Le deuxième aspect, c’est cette tradition d’une certaine stabilité macroéconomique. Dans l’entre-deux-guerres, en pleine crise de 1929, la Banque centrale tchécoslovaque était une des seules à l’époque était l’une des seules à avoir une politique monétaire stable, sans provoquer de récession. Cette tradition de prudence économique est restée dans les esprits. On a donc une combinaison d’un pays qui est très entrepreneurial, très ouvert et dont l’infrastructure macroéconomique est suffisamment stable. Ce que nous aimerions, c’est que le travail actuel sur l’infrastructure législative, juridique, administrative, continue vers plus d’efficacité et plus de simplicité. Chaque pays a ses avantages et ses inconvénients. La France a besoin de réformes, elle a besoin de lancer des réformes. Cela se fait dans la douleur comme partout. La République tchèque a aussi des zones d’amélioration et cela nous rend optimistes pour l’avenir. »