Pas encore véritable préoccupation en Tchéquie, la durabilité, thème des Prix 2023 de la CCFT

Depuis quelques années, il s’agit de l’événement le plus prestigieux dans la vie de la communauté d’affaires franco-tchèque. Les Prix 2023 de la Chambre de commerce franco-tchèque (CCFT) ont été remis lors d’une soirée-gala à Prague, jeudi soir. Pour cette année, leurs organisateurs avaient choisi de mettre l’accent sur la durabilité. Un thème dont les politiques et les principaux acteurs de l’économie tchèques ne se soucient pas encore suffisamment, comme l’a confié à RPI Michal Macko, directeur de la CCFT.  

Michal Macko | Photo: CCFT

« Nous avons effectivement choisi les thèmes de la sobriété et du développement durable car ils sont très importants à nos yeux. Depuis deux ans, nous organisons le Sustainable Business Forum précisément pour discuter de la durabilité et de l’entrepreneuriat durable. »

« C’est aussi une thématique qui restera présente tout au long de l’année à travers d’autres événements. Nous avons déjà organisé plusieurs événements sur la thématique des économies d’énergie et de la sobriété des bâtiments. Nous allons donc continuer avec quatre autres événements notamment pour promouvoir le savoir-faire des entreprises françaises dans ce domaine. »

Quels seront ces différents événements ?

« En juin, nous commencerons avec Future of food (L’alimentation du futur) qui sera une belle expérience avec des entreprises françaises comme Danone. Nous poursuivrons avec le thème de l’économie circulaire, qui est très important pour une puissance industrielle comme la Tchéquie. »

« En septembre, nous enchaînerons avec la foire de l’électromobilité qui présentera le savoir-faire des entreprises françaises implantées en République tchèque. Le mois d’octobre clôturera la saison avec le Salon international de la construction mécanique (MSV)  à Brno, qui est le plus grand salon industriel d’Europe centrale. Nous y organiserons un forum franco-tchèque sur la thématique du nucléaire et le futur énergétique dans notre région. »

Autant de sujets d’actualité en Europe, alors que vous avez le sentiment que c’est moins le cas en République tchèque, tant en ce qui concerne l’électromobilité que l’alimentation du futur ou l’économie circulaire…

« Exactement, et c’est pourquoi nous avons décidé de discuter de ces thèmes il y a deux ans. Nous voyons bien que, dans un pays développé et industrialisé comme la Tchéquie où le savoir-faire dans le domaine de la durabilité est bien présent, nous ne parlons pas assez des thématiques en lien avec les enjeux mondiaux contemporains comme le Green Deal. »

« Nous avons le sentiment que la Tchéquie n’est pas encore prête à aborder le sujet ou reste muette à dessein en pensant que cela ne la concerne pas et que toutes les décisions seront discutées à Bruxelles. Mais ce n’est pas vrai et nous le voyons bien. C’est pourquoi nous avons créé le Sustainable Business Forum pour démontrer que tout cela est réellement d’actualité et qu’il existe d’excellentes entreprises non seulement en France mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne, au Benelux et différents autres pays européens à l’exception de la Tchéquie. »

« Nous souhaitons démontrer que c’est un enjeu actuel et qu’il y a un réel potentiel de développement industriel tchèque combiné à des savoirs. Les entreprises et les politiciens tchèques doivent comprendre c’est un sujet important et une opportunité pour l’économie et l’État. »

« Nos liens avec l’Union européenne sont très solides, sachant que 80% des exportations tchèques sont destinées aux pays européens. Les grandes entreprises disposent donc du savoir et des moyens nécessaires, mais tout l’écosystème doit être concerné et se tenir prêt pour l’agenda de Fit for 55, du Green Deal et tous ces objectifs que l’UE s’est donné. »

« Les échanges entre la Tchéquie et la France sont revenus au niveau qui était le leur avant la crise du Covid »

On suppose donc que ce thème de la durabilité faisait également partie des critères du jury pour cette édition 2023 des Prix de la CCFT...

« Tout à fait. Depuis plusieurs années, nous décernons des prix dans plusieurs catégories. Cette année, nous en avons choisi quatre en commençant par la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), que nous avions divisé en deux sous-catégories, grandes entreprises et PME, afin de montrer le développement des entreprises de petite et moyenne taille. »

Photo illustrative: rawpixel,  Pixabay,  Pixabay License

« Nous avons enchainé avec la thématique du VIE (Volontariat international en entreprise) et des jeunes professionnels qui travaillent à l’international. Il s’agit d’un thème important pour nous parce qu’il concerne la jeunesse et leur potentiel à l’échelle internationale. Et ce d’autant plus que la Tchéquie fait partie des pays en Europe qui, proportionnellement à leur taille, accueillent le plus de VIE : concrètement plus de 140. C’est pourquoi nous voulions récompenser les entreprises proposant cette opportunité. »

« Et parce que nous sommes une chambre de commerce, nous décernons le Prix de la croissance économique. Notre objectif est de représenter les industriels et les entreprises français implantés en Tchéquie, qui plus est après deux ans de Covid-19. Nous tenions donc à mettre en valeur les entreprises qui prônent l’innovation et contribuent à la pérennité des liens solides qui unissent la Tchéquie et la France. Il faut d’ailleurs souligner que, l’année dernière, les échanges entre les deux pays sont revenus au niveau d’avant la pandémie. »

Quels sont donc les lauréats de cette édition 2023, en commençant par ce Prix de la croissance économique ?

« Nous avons eu différentes sociétés, notamment des PME françaises et tchèques. Le gagnant de cette année est Antwell, une entreprise spécialisée dans le transport et la logistique qui travaille beaucoup avec la France. »

« Dans la catégorie RSE, parmi les PME, nous avons décerné le prix à Sodexo, qui est le plus grand fournisseur d’avantages sociaux en Tchéquie, et, parmi les grandes entreprises, à la Société générale (Komerční banka). »

« En ce qui concerne la catégorie VIE, le jury a élu l’entreprise SII. À noter que le jury est composé de nos principaux partenaires financiers que sont Veolia, Mazars, Komerční banka et Faurecia. Nous avons également des représentants de plusieurs institutions comme le ministère de l’Industrie et du Commerce tchèque, l’agence Czech Invest spécialisée dans les investissements tchèques à l’étranger, l’ambassade de France, les conseillers au commerce extérieur français ou encore la Radio tchèque. »

Quid du choix du lauréat pour la nouvelle catégorie VIE ?

« Ce qui nous a plu dans le projet de l’entreprise SII, c’est d’abord le nombre de VIE en cours d’embauche, 14 actuellement. Le domaine de l’IT (Internet des objets) nous semble intéressant parce qu’il est porteur d’avenir. De plus, les perspectives des VIE sont intéressantes et donnent du sens parce que les jeunes professionnels ne sont pas que des stagiaires. »

Coup de cœur à Prague pour une entreprise franco-ukrainienne

Outre ces trois catégories, vous avez également décerné également un Prix Coup de cœur, lui aussi en lien avec une actualité qui concerne toute l’Europe et à laquelle les Tchèques tout particulièrement sont très sensibles…

« Tout à fait et je pense que cela illustre aussi d’une certaine manière l’idée de la durabilité, à savoir la ‘durabilité’ de la paix en Europe. L’équipe de la CCFT avec le conseil d’administration a décidé pour cette année de décerner ce Prix Coup de cœur à notre membre Jérémie Lengrais. Il est le co-fondateur de l’entreprise franco-ukrainienne Preste, que nous avions aidé à déménager de Kiev l’année dernière suite à l’invasion russe. Nous l’avons aidé à s’installer à Prague en mettant nos bureaux à disposition pour qu’il puisse continuer à travailler avec ses collègues ukrainiens. »

« Ce projet est né des relations que nous entretenons avec les 119 chambres de commerce françaises dans le monde, notamment la Chambre franco-ukrainienne qui nous avait transmis l’information. Avec nos collègues polonais, hongrois et roumains, nous avons tendu la main aux entreprises françaises dans leur installation quand elles ont eu besoin de quitter l’Ukraine. Tout cela explique donc le choix de Preste. C’est par ailleurs une société spécialisée dans l’intelligence artificielle ; un autre thème qui nous est familier. »