Un accord de partenariat entre Prague et Pékin reconnaît la politique de la Chine unie
Plus une semaine ne se passe en République tchèque sans que l’on n’entende parler d’un renforcement des échanges et des relations entre la République tchèque et la Chine, cette dernière étant incontestablement devenue un partenaire privilégié et très courtisé par le gouvernement de Bohuslav Sobotka. Dernier événement en date : la municipalité de Prague a voté en faveur de la signature d’un accord de partenariat avec la ville de Pékin. Tout le monde ne voit cependant pas cette coopération d’un bon œil, car elle suppose une concession majeure : la reconnaissance de la politique d’une seule Chine, qui est spécialement mentionnée dans le texte de l’accord.
C’est fin février que le conseil municipal de Prague a approuvé les termes d’un accord pour le reste tout ce qu’il y a de plus standard, puisqu’il concerne la coopération dans des domaines aussi variés que le commerce, les transports, la santé, l’éducation ou encore le tourisme. Seul hic, son application est donc conditionnée par la reconnaissance de la politique d’une seule Chine, une position du gouvernement chinois selon laquelle Hong Kong, Macao,Taïwan, le Tibet et Xinjiang font partie d’une seule et même Chine unifiée. Cette reconnaissance a fait bondir, par exemple, le chef de file du parti conservateur TOP 09, Miroslav Kalousek, la figure de l’opposition qui a généralement le verbe le plus haut :
« Malheureusement, nous nous souviendrons désormais du jour du vote du conseil municipal comme d’un jour de honte internationale pour Prague. En dépit des protestations des forces démocratiques, les conseillers municipaux des partis social-démocrate, communiste, ODS et ANO, ont approuvé un paragraphe dans lequel Prague s’engage à reconnaître Taïwan comme partie intégrante de la Chine. J’aimerais préciser que les questions de politique étrangère relèvent du gouvernement. Il n’y a donc aucune raison qu’un paragraphe concernant la politique internationale figure dans un accord entre deux municipalités. »Du côté de l’hôtel de ville, à l’unisson à l’exception de trois conseillers ayant voté contre, on justifie la présence du paragraphe incriminé comme on peut. Conseiller municipal social-démocrate, Lukáš Kaucký défend le texte en arguant que la municipalité de Prague ne fait que suivre la ligne officielle de la diplomatie tchèque vis-à-vis de la Chine depuis un quart de siècle, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place :
« Il y a deux raisons à la présence de ce paragraphe. La première est que Pékin, contrairement à Prague, a la possibilité de participer à la politique étrangère du pays dans une certaine mesure. Pékin est une province, un peu comme le sont les Länder en Allemagne, comme la Bavière et la Saxe par exemple. Par conséquent, il est dans son intérêt de définir en partie la politique étrangère chinoise. La deuxième raison est que Prague a signé en 2001 un mémorandum de coopération avec Taipei, la capitale de Taïwan. Cette question est donc particulièrement sensible pour la partie chinoise. »Outre la coopération dans les domaines susmentionnés, l’accord garantit aussi la réalisation de plusieurs autres projets concrets, à fort potentiel économique pour la ville de Prague. En cas de non-accord, l’existence de différentes lignes aériennes directes ouvertes récemment – ou dont l’ouverture est prévue prochainement – entre la capitale tchèque et trois villes chinoises serait menacée. Or, Prague fait les yeux doux aux touristes chinois qui, en 2015, ont été pas moins de 285 000 à visiter la ville aux cents clochers, un record. Ils sont ainsi devenus les touristes étrangers en provenance des pays tiers de l’Union européenne qui ont dépensé le plus en République tchèque. La part de leurs achats dans les magasins a représenté 25% de la somme totale dépensée par l’ensemble des touristes des pays hors UE, contre 14% en 2014. Une manne financière non-négligeable.
Si la mairie de Prague défend donc sa position en se référant à la ligne officielle de la diplomatie tchèque, force est néanmoins de constater que la coopération entre la République tchèque et la Chine s’est particulièrement développée depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition gouvernementale et du président Miloš Zeman. Ce dernier s’est déjà rendu deux fois à Pékin depuis son élection, tandis que parallèlement les rencontres au plus haut niveau entre les représentants des deux pays se multiplient à coup de forums bilatéraux et voyages officiels.Enfin, Xi Jinping deviendra très prochainement le premier président chinois de l’histoire à effectuer une visite officielle en République tchèque, une visite qui sera d’ailleurs l’occasion pour lui de parapher ce fameux accord de partenariat entre Prague et Pékin.