Une exposition sur le phénomène des ‘panelák’ à voir à l’Institut français de Prague
Jusqu’au 10 mars prochain, la Galerie 35 de l’Institut français de Prague présente une exposition intitulée « Panelák », qui présente le travail d’une photographe française vivant à Prague, Sophie Knittel. Elle s’est intéressée à ces grands ensembles des banlieues des villes tchèques, symboles de la vie collective et organisée de l’époque communiste et qui, s’ils ont des jumeaux en France ou dans d’autres pays d’Europe de l’ouest, ne témoignent pas de la même réalité. Au micro de Radio Prague, Sophie Knittel est d’abord revenue sur la définition du ‘panelák’.
En France, on pourrait comparer cela aux HLM, mais la comparaison s’arrête uniquement à l’aspect architectural puisque cela ne recouvre pas du tout les mêmes réalités sociologiques. Qu’est-ce qui vous a intéressée dans le phénomène tchèque des ‘panelák’ ?
« Ce qui m’a intéressée, c’est que quand on voit des photos de Prague, on voit toujours des jolis bâtiments baroques, cubistes, Art nouveau, Art déco… C’est très bien, mais quand même, il y a 40% de la population qui vit en ‘panelák’. Ce n’est pas neutre. J’ai découvert en faisant mes recherches que je n’étais pas la seule à être sensible au ‘panelák’, et à ce phénomène culturel, historique, social. Donc, j’ai approfondi la chose et me suis aperçue que l’idée qu’on pouvait en avoir en tant qu’Européen de l’Ouest était tout-à-fait erronée par rapport à la réalité en République tchèque, puisque ce ne sont pas du tout des cités, ce sont des grands ensembles où il y avait une mixité sociale importante et où la classe moyenne reste prédominante dans ces bâtiments. »
Quand on regarde les photos exposées à l’Institut français, c’est une sorte de collage, de mosaïque, de vos photos, mais aussi de photos d’archives. On y voit des petites saynètes drôles que vous êtes allée puiser dans les archives, par exemple avec des gens qui se font bronzer sur un porche. Il y a aussi une photo incroyable où l’on voit un ‘panelák’ à Haje, qui est la zone pragoise la plus densément couverte de ‘panelák’, et où l’on trouve une espèce de symétrie avec la présence de columbarium. Qu’est-ce qui vous a fascinée dans ces ‘paneláky’ par rapport à tout autre endroit ?
« En fait, c’est cela. C’était très contenu quelque part. C’était conçu comme un petit village, avec ses habitations, les commerces, les écoles, une polyclinique. On peut tout trouver, donc aussi des columbariums. Donc, on pouvait naître, grandir, aller au travail, jouer et même mourir dans cet endroit sans en sortir. C’était assez fascinant. C’est vrai que j’ai pu être un peu interloquée mais cela semble être la façon dont ces espaces ont été conçus, pour que tout le monde puisse y vivre et y rester aussi longtemps et aussi sereinement, avec tout sous la main. »Est-ce que ça fonctionne encore aujourd’hui ?
« Ça fonctionne encore, mais un des problèmes, c’est que dans les ‘panelák’ il y avait une grande mixité sociale. Mais c’était très homogène au niveau de l’âge. Le problème des ‘panelák’ maintenant, c’est qu’ils sont très vieillissants : les gens ont emménagé dans ces bâtiments étaient en général de jeunes gens, des jeunes couples avec de jeunes enfants. Ils ont commencé à vieillir et continuent à vieillir. Il y a une synchronisation du vieillissement des habitants qui est assez effarante, et donc il y a beaucoup moins de jeunes qui y sont. C’est donc beaucoup moins dynamique ce qui se remarque dans les écoles où il y a moins d’enfants, dans les commerces… Le résultat, c’est que certains ‘panelák’ sont de moins en moins bien entretenus, avec un manque d’énergie au niveau des commerces et de la vie. »
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