A Žďár nad Sázavou, un musée nouvelle génération fruit d’un travail franco-tchèque retrace l’histoire des cisterciens
Le studio d’architectes INCA a été créé à Grenoble il y a vingt ans. A l’époque, Gilles Marty a décidé de revoir l’orientation de sa carrière pour se consacrer à la revitalisation des monuments figurant au patrimoine culturel de l’UNESCO. Depuis, des projets dans toute l’Europe se sont succédés. Le dernier en date, le Musée nouvelle génération à Žďár nad Sázavou, dans le centre de la République tchèque, a été ouvert cet été. Reportage.
« Quand je visite un site pour la première fois, je sais que c’est le moment le plus important. C’est comme quand on fait la rencontre de quelqu’un. Donc je me prépare à ça et j’essaie de ne pas avoir d’idées pour me laisser impressionner, imprégner par le lieu. Le projet se crée petit à petit, au fur et à mesure quand je découvre les choses. »
« Je me dis ‘tiens, à tel endroit ou pourrait construire quelque chose, à cet endroit-là il ne faudrait pas’. ‘C’est un bâtiment plutôt allongé, il faut se mettre dans celui-ci, il faut créer un cadrage là’. ‘Il faut amener le public à cet endroit-là pour lui faire visiter les viviers, on a une belle vue sur Zelená Hora d’ici’. Les choses se combinent entre des souvenirs des lieux que je connais déjà, entre ce que je découvre du site et ce qui m’inspire. Tout cela vient progressivement, mais il faut laisser les choses passer au travers de soi-même. » La ville de Žďár nad Sázavou est connue surtout pour son église Saint-Jean-Népomucène de Zelená Hora, œuvre de Jan Blažej Santini, architecte tchèque d'origine italienne célèbre pour l'invention du style du baroque gothique. Joyau baroque, le site, lieu de pèlerinage inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, domine une colline au pied de laquelle se trouve un château, ancienne résidence des Cisterciens. Leur présence et leur impact sur la région sont racontés dans l’exposition présentée au nouveau Musée nouvelle génération. Celui-ci a donc été créé par Gilles Marty et ses collègues dans l’ancienne brasserie cistercienne du château de Žďár nad Sázavou.La conception du musée est très différente de celle d’un musée traditionnel. Elle ne cherche pas à montrer des objets, mais plutôt à raconter des histoires et des légendes à travers les objets exposés. La première partie de l’exposition retrace la naissance du monastère à Žďár, tandis que la seconde traite de la période baroque en général, des découvertes, de la religion, de l’architecture et des arts de l’époque. Chaque visiteur peut y trouver son bonheur. D’ailleurs, même l’architecte Gilles Marty a un endroit favori :
« Je préfère la galerie baroque. Ce n’est pas un objet, mais un ensemble de vitrines qui contiennent des objets où chacun d’entre eux nous raconte une histoire qui est une sorte de petit mystère que l’on découvre au fur et à mesure. Comme par exemple la reproduction de la Zelená Hora, où l’on découvre petit à petit les tracés directeurs, les dessins qui se trouvent dessous et qui sont invisibles quand on regarde le bâtiment. On décompose les choses pour comprendre comment l’architecte Santini a créé l’objet. »L’église de Zelená Hora est visible depuis le château et inversement. Par ailleurs, l’église est en quelque sorte décomposée dans l’exposition pour être retracée sous les yeux du visiteur. Ainsi, chacun peut imaginer comment le monument est sorti du crayon de Santini. La même attention est consacrée aussi par exemple aux méthodes de fabrication de livres à l’époque baroque. Le savoir et l’enseignement étant des valeurs-clés pour les cisterciens, c’est là, chez eux, que des livres voyaient le jour.
Le Musée est né d’une coopération franco-tchèque. Gilles Marty a eu de nombreuses occasions de travailler avec des collègues tchèques sur la conception, l’administration, la construction ou la scénographie. Comment récapitule-t-il sa coopération avec les Tchèques ?« Cela a été une vraie découverte. Quand je suis venu ici, on m’avait dit beaucoup de choses sur les Tchèques : qu’ils étaient très allemands, très organisés, et j’ai découvert un autre aspect des Tchèques qui est tout aussi amusant. Ce sont effectivement des gens très compétents, volontaires, avec plein d’énergie, ce qui se sent immédiatement. Ils ont aussi beaucoup d’imaginaire et d’imagination. D’une certaine manière, ils sont latins – créatifs, se laissent emporter dans les discussions. Les Tchèques sont un mélange amusant des mentalités allemande et latine. »
Après l’ouverture de ce Musée nouvelle génération, on pourrait penser que le travail est fini. Mais ce serait se tromper, car l’architecte Marty pense déjà à l’évolution future. Il considère que 20 % de l’exposition doivent être modifiés tous les deux ans. Dans le voisinage du Musée, un espace interactif de création devrait être installé prochainement. Tout en regardant vers l’avant, Gilles Marty se permet de rêver des origines de la création du projet.« Mon moment préféré est toujours le même : c’est la première fois que je vois un site. Je me laisse imprégner par le lieu, par le paysage, par les nuages qui passent, par l’histoire et par toutes sortes de choses. Le moment où je me dis dans quelques années, quelque chose doit être créé ici qui doit rendre compte et révéler tout cela. »
Si vous voulez être témoins de cette révélation, visitez donc le Musée nouvelle génération au château de Žďár nad Sázavou et la région. Dans un cadre très contemporain, des histoires et des légendes y revivront sous vos yeux.